Intervention de Jean-Pierre Gorges

Réunion du 4 décembre 2014 à 8h00
Commission d'enquête relative aux tarifs de l'électricité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Gorges :

Tout d'abord, monsieur Mestrallet, je rejoins M. Brottes, mais je formulerai les choses différemment. Je cherche à faire la part, dans votre intervention, de ce qui relève, d'un côté, de la démarche marketing d'un groupe qui a besoin de faire des profits et, de l'autre, de l'analyse de l'évolution d'un pays qui cherche sa voie, puisqu'on a pu constater que les positions sont partagées sur la transition énergétique. À ce propos, vous avez confirmé que l'équation de la transition serait équilibrée si la consommation baissait, car les EnR ne parviendront pas à se substituer, au moins dans un premier temps, à la production nucléaire. Au demeurant, vous estimez que le monde évolue vers une décroissance durable de la consommation énergétique. Il est vrai que c'est le cas en Europe depuis 2007. Mais il est un peu inquiétant de bâtir un modèle sur une décroissance durable, quand les gouvernements prônent la croissance et cherchent à la stimuler pour tenter de rééquilibrer les comptes publics.

J'ai donc le sentiment que votre discours relève plutôt du marketing. Je le comprends bien, du reste : la désinstallation des centrales nucléaires représenterait un business terrible ! Quant aux solutions que vous proposez, elles sont si complexes et variées que plus personne ne s'y retrouve. D'un côté, l'Europe prône la libéralisation du marché mais, de l'autre, on observe des jeux de subventions et de compensations. S'agissant du nucléaire, on comprend, en vous écoutant, qu'il présente l'avantage de ne pas être cher et que le seul inconvénient que vous semblez lui trouver, c'est que la production est centralisée. Cela me rappelle la guerre de l'informatique que l'on a connue il y a trente ans, entre informatique centralisée et informatique répartie. En fait, et l'autre et l'autre gagnent.

Mes questions seront très précises.

Premièrement, pensez-vous que l'Europe s'inscrit dans une décroissance telle que la consommation d'électricité baissera ?

Deuxièmement, les investisseurs, notamment les électro-intensifs, ont besoin d'avoir une visibilité à long terme, supérieure à six mois, ce qui est difficile en France. Certains des dispositifs prévus dans le cadre de la transition énergétique le sont, certes, jusqu'en 2025, mais les investissements dans le nucléaire concernent des centrales qui sont faites pour durer, non plus quarante ans, comme c'est le cas en France aujourd'hui, mais soixante ou quatre-vingts ans, notamment aux États-Unis. Que va-t-il donc se passer selon vous après 2025 ? Ne pensez-vous pas qu'une transition énergétique est possible dans le nucléaire, de la troisième génération vers la quatrième génération ? On nous a en effet expliqué, dans le cadre de la commission d'enquête sur le coût du nucléaire, qu'à consommation égale, nous disposons de 130 ans de réserves d'uranium pour la troisième génération et de 7 000 ans pour la quatrième génération. Le combustible deviendrait ainsi illimité, donc assimilable aux énergies renouvelables, et la problématique du nucléaire ne concernerait plus que la sécurité.

Troisièmement, pensez-vous que les EnR pourront pallier la décroissance du nucléaire à l'horizon 2025 ?

Par ailleurs, je l'ai dit, le système est devenu d'une complexité telle que plus personne n'y comprend rien. Vous venez de nous en donner une illustration à propos de l'indexation des prix du gaz sur ceux du pétrole, qui aboutit à des situations totalement contradictoires. Or, on pourrait, me semble-t-il, imaginer des solutions simples qui apaiseraient les inquiétudes en Europe. Vous avez du reste démontré qu'ailleurs, les choses se faisaient plus rapidement et plus facilement : certains États américains connaissent des taux de croissance proches de ceux des pays émergents grâce à des solutions pragmatiques fondées notamment sur le gaz de schiste.

Encore une fois, je peine à faire la distinction, dans vos propos, entre l'analyse de la destinée de notre pays et la démarche marketing d'un groupe qui a besoin de préserver ses marges et ses parts de marché, que vous avez d'ailleurs évoquées à maintes reprises. Quant à moi, je cherche, dans le cadre de cette commission d'enquête, à étudier la situation actuelle pour définir la stratégie de demain, car il me semble que la transition énergétique proposée ne fournit pas de réponse définitive aux orientations que doit suivre notre pays.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion