En tout cas, leur production est aléatoire. De temps en temps, quand elles sont en trop grande quantité, et c'est de plus en plus courant, le prix de l'électricité devient négatif et, quand les besoins sont très importants, le prix est élevé, mais il n'y a pas d'électricité physique. Et si, entre-temps, l'on ferme les centrales à gaz, elles ne pourront plus servir d'appoint. Le risque est donc réel. D'où l'intérêt pour le système électrique de sécuriser des capacités disponibles, qui seront appelées en cas de besoin par le Transport system operator (TSO), RTE en France.
S'agissant des électro-intensifs, il me semble que nous devrions essayer de nous inspirer, au moins en partie, du système allemand.
S'agissant du CO2, le nombre des quotas émis étant fixe, les offres sont devenues trop nombreuses au moment de la grande récession de 2009 et leur prix s'est effondré. Pour tenter d'éponger cet excès d'offre, la Commission européenne a procédé à ce que l'on appelle un backloading : elle n'a pas éliminé les certificats excédentaires, car elle n'en avait pas juridiquement la possibilité, mais elle les a reportés à l'échéance du système actuel, qui prendra fin en 2020. Le retrait temporaire du marché de ces certificats a fait remonter un peu les prix, qui sont aujourd'hui de 6 euros – mais ils étaient compris entre 20 et 25 euros par le passé ; il n'y a donc plus de signal carbone aujourd'hui.
Le problème n'est pas pour autant réglé, car – et c'est l'absurdité du système – ces certificats ne peuvent pas être annulés. Il faudra donc les remettre sur le marché avant 2020, ce qui aura pour conséquence de faire à nouveau baisser les prix. Nous y sommes absolument opposés, car la politique climatique doit principalement reposer, au plan mondial, sur la fixation du prix du carbone. L'Europe est en avance en la matière. Elle s'est fixé des objectifs de diminution des émissions de CO2 ambitieux, et le meilleur moyen d'atteindre ces objectifs est de rétablir un marché du carbone crédible. Or, nous savons que les prix vont de nouveau s'effondrer d'ici à 2020 et que la crédibilité du système sera donc ruinée.
C'est pourquoi le groupe Magritte a milité en faveur d'une banque centrale des certificats. Cette idée a été retenue dans le paquet énergie-climat approuvé par la Commission au début de l'année et par le Conseil lors du sommet du mois d'octobre. Le processus est donc en cours. Mais il est prévu que cette banque, le Market stability reserve, ne fonctionne qu'à partir de 2020, sous le régime du nouveau système. Nous demandons, quant à nous, non seulement qu'elle soit créée tout de suite, mais que tous les certificats excédentaires y soient déposés et n'en sortent plus, afin d'éviter l'effondrement du système. C'est très important, car ce qui se passe en Europe est observé par le monde entier. Le sommet de Paris, la COP21 – actuellement préparé par la COP20, qui se tient à Lima – aura lieu l'année prochaine.
Le lendemain de l'Assemblée générale des Nations unies, M. Ban Ki-Moon avait convié l'ensemble des chefs d'État à participer à une réunion consacrée au climat. Un certain nombre de chefs d'entreprise ont été invités, et j'ai ainsi eu le privilège d'intervenir, à la demande du Secrétaire général des Nations unies, sur le global carbon pricing, c'est-à-dire l'extension d'un marché du carbone à l'échelle mondiale. Ce type de marchés se développe partout dans le monde. Les Chinois sont très pragmatiques à cet égard. Il existe actuellement en Chine sept marchés du carbone locaux. Pour l'instant, ils observent la manière dont cela fonctionne, et peut-être créeront-ils un jour un grand marché national du carbone. Aux États-Unis, il existe un marché en Californie et un autre en Nouvelle-Angleterre.
C'est donc l'Europe qui est allée le plus loin en la matière puisqu'elle a créé un marché qui couvre les vingt-sept États membres. On voit pourtant se profiler l'effondrement du système. Nous n'avons pas encore été entendus sur ce point, même si nous avons été reçus, avant le sommet, par le chef de l'État, qui a été convaincu par notre argumentation. Mais on ne change pas les termes d'un accord élaboré au terme de semaines de négociation la veille d'un sommet. Sous cette seule réserve, le dispositif adopté est, dans son ensemble, satisfaisant.