Intervention de Yves Albarello

Réunion du 10 décembre 2014 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Albarello, corapporteur :

Le Grand Paris, projet d'une complexité inédite, constitue un enjeu national, et doit permettre de résoudre trois problèmes majeurs de la capitale et de l'Île-de-France : la saturation du réseau de transport, le nombre insuffisant de logements, et les difficultés que rencontre la « ville éclatée ». Le Grand Paris est aujourd'hui une réalité : le premier coup de pioche a été donné au mois de juin dernier pour le prolongement jusqu'à Mairie de Saint-Ouen de la ligne 14 qui doit, à terme, constituer l'épine dorsale du projet en s'étendant du nord au sud, de Saint-Denis-Pleyel à l'aéroport international d'Orly.

Deux annonces sont venues récemment donner une nouvelle impulsion au Grand Paris. D'une part, le Président de la République a confirmé, lundi dernier, alors que M. Jean-Christophe Fromantin et M. Bruno Le Roux lui présentaient le rapport de la mission d'information de notre assemblée sur la candidature de la France à l'exposition universelle de 2025, que notre pays déposerait un dossier auprès du Bureau international des expositions (BIE). Or il faut savoir que le volet transport du Grand Paris et la liaison « Charles-de-Gaulle Express » sont des conditions sine qua non pour obtenir les faveurs du BIE. D'autre part, le Premier ministre a annoncé la concrétisation du Grand Paris dans une communication du 13 octobre 2014.

À ce jour, pratiquement tous les décrets nécessaires à l'application de la loi du 3 juin 2010 ont été publiés sauf celui qui concerne son article 13 relatif aux modalités du versement par les établissements publics d'aménagement d'une participation à la Société du Grand Paris.

Le syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) et la Société du Grand Paris (SGP) sont les deux acteurs principaux d'une gouvernance complexe en matière de réseaux de transport.

Présidé par M. Jean-Paul Huchon, président de la région, le STIF, autorité organisatrice des transports de tout le territoire, Transilien compris, dispose d'un budget de 5,4 milliards d'euros alimenté par le versement transport (VT) à hauteur de 3,6 milliards, et par des subventions provenant de la région et des départements franciliens. L'État et la région ont conclu, le 26 janvier 2011, un accord « historique » sur la mise en oeuvre du projet de rocade par métro. Ils ont confié au STIF la maîtrise d'ouvrage de la « ligne orange » qui correspond désormais au tronçon de la ligne 15 allant de Saint-Denis-Pleyel à Champigny, couplé au prolongement de la ligne 11 jusqu'à Noisy-Champs.

La SGP est un établissement public industriel et commercial de l'État dont le directoire est présidé par M. Philippe Yvin, et le conseil de surveillance par M. André Santini – ce conseil comprend le président du conseil régional, le maire de Paris, les sept présidents des conseils généraux concernés, et des représentants de l'État. La SGP a pour mission d'élaborer le schéma de transport, d'acquérir le matériel, et de mettre en place les infrastructures qui seront à terme transférées au STIF. Elle peut également conduire des opérations d'aménagement et de construction.

La SGP bénéficie de trois recettes fiscales affectées : une part de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) ; une taxe spéciale d'équipement, taxe additionnelle aux taxes locales – taxe d'habitation, taxes sur le foncier, cotisation foncière des entreprises –, et une part de la taxe locale sur les bureaux. En 2013, le produit de ces recettes était respectivement de 60, 117 et 168 millions d'euros. En 2014, les recettes prévisionnelles de la SGP s'élèvent à 530 millions d'euros, avec un produit attendu de la taxe sur les bureaux de 350 millions d'euros en raison de la suppression du prélèvement effectué préalablement au profit de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). La loi de 2010 prévoit également que l'État dote le capital de la SGP à hauteur de 4 milliards d'euros afin que cette dernière puisse lever des emprunts sur les marchés financiers et recevoir les participations des aménageurs.

Selon le rapport d'activité de la SGP pour l'année 2013, et suite aux annonces faites le 6 mars 2013 par le Premier ministre de l'époque, M. Jean-Marc Ayrault, relatives au Nouveau Grand Paris, les dépenses à la charge de la SGP à l'horizon 2030 devraient s'élever, compte tenu du périmètre de sa maîtrise d'ouvrage, à 25,525 milliards d'euros. Ce montant comprend 22,625 milliards d'euros pour la réalisation des nouvelles lignes 15, 16, 17 et 18, et les prolongements de la ligne 14 au nord, de Mairie de Saint-Ouen jusqu'à Saint-Denis-Pleyel, et au sud ; 450 millions d'euros de contribution au financement du prolongement de la ligne 14 au nord de Saint-Lazare jusqu'à Mairie de Saint-Ouen ; 2 milliards d'euros de contribution au financement d'opérations du plan de mobilisation sur la période 2013-2017, et 450 millions d'euros pour l'adaptation des réseaux existants.

Entièrement souterrain, le premier tronçon de trente-trois kilomètres du Grand Paris Express – la partie sud de la ligne 15 entre Pont de Sèvres et Noisy-Champs – devrait être lancé en 2015 pour un montant de 5,286 milliards d'euros. Pour son financement, la SGP a déposé un dossier auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI) afin d'obtenir un prêt de 1 milliard d'euros.

La coordination entre STIF et SGP s'est améliorée depuis les conflits de 2010, notamment grâce à l'introduction du plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France qui a joué un rôle fédérateur.

Les six lignes du Grand Paris Express se composent de quatre nouvelles lignes, et du prolongement des lignes 14 et 11 déjà en service.

La sécurité du Grand Paris Express est évidemment une préoccupation partagée par tous les acteurs. Elle comporte trois volets, relatifs à la sécurité du système de transport, à la sécurité civile dans les gares et les trains, et à la sécurité publique du réseau. En la matière, la répartition des compétences « à la française » est évidemment particulièrement complexe : le préfet de police est responsable en surface à Paris, les préfets le sont dans les départements, mais les réseaux souterrains relèvent de la police des transports. Pour tenter une coordination, une convention de coopération a été signée en septembre 2013 entre le préfet de région, le préfet de police, et les sept préfets de département.

Le 19 juillet 2013, un protocole de financement État-région Île-de-France a permis de doter le plan de mobilisation de 7 milliards d'euros de crédits d'engagement et de 6 milliards d'euros de crédits de paiement sur la période 2013-2017. Pour compléter ce financement, le Premier ministre s'est engagé, le 13 octobre dernier, au versement par l'État de 1,4 milliard d'euros sur la période 2015-2020 dans le cadre du volet « transports » du contrat de projets État-région.

La desserte des aéroports constituait un maillon manquant : il est essentiel de relier correctement nos aéroports à la capitale et au reste d'un pays classé première destination touristique mondiale. L'aéroport d'Orly deviendra, au sud, le terminus de la ligne 14 prolongée, au nord, jusqu'à Saint-Denis-Pleyel, ainsi que le terminus de la ligne 18. La gare « Orly » du Grand Paris se situera entre les deux terminaux de l'aéroport.

L'aéroport Charles-de-Gaulle, aujourd'hui deuxième aéroport européen, pourrait un jour dépasser celui de Londres-Heathrow. Nous ne pouvons pas nous contenter de n'offrir aux touristes qu'une liaison avec la capitale par le RER et ses multiples correspondances, ou par l'autoroute A1, saturée et sale. Un premier projet de liaison « Charles-de-Gaulle Express » (CDG Express) engagé en 2006 au profit d'un groupement dirigé par Vinci, désigné comme concessionnaire pressenti, a été abandonné à la fin de l'année 2011. En novembre dernier, le Premier ministre a nommé M. Vincent Pourquery de Boisserin, ingénieur général des ponts, des eaux et forêts, coordonnateur interministériel pour le CDG Express. Au mois de juin, une société avait été créée entre Aéroports de Paris (ADP) et Réseau ferré de France (RFF), dotée d'un capital de 12 millions d'euros, afin d'étudier la faisabilité d'une ligne dédiée et directe entre l'aéroport et la gare de l'Est. D'un montant de 1,6 milliard d'euros, ce projet pourrait être financé pour 20 % par ADP, ce qui permettrait de lever un emprunt notamment grâce à la Banque européenne d'investissement (BEI). Je rappelle que le CDG Express a aussi été retenu pour bénéficier des financements du plan Juncker. Le calendrier prévisionnel de réalisation prévoit un démarrage des travaux en 2017 pour une mise en service à la fin de l'année 2023, sachant que l'Expo aurait lieu en 2025.

Vos deux rapporteurs estiment qu'il est essentiel de conserver une place pour les autres modes de transports. Le Grand Paris ne doit pas être unimodal. Le raccordement du Grand Paris Express au réseau routier et autoroutier doit être pertinent. Il faut ouvrir des parcs relais près des gares, adapter les trajets des lignes de bus, et synchroniser l'ensemble des horaires, ce qui n'est pas une mince affaire. Le développement des lignes de bus doit aussi passer par un « verdissement » des véhicules. La RATP a lancé une étude afin que, d'ici à 2025, tous les bus de la région parisienne soient à « zéro émission carbone ».

L'article 2 de la loi du 3 juin 2010 dispose que les grands ports maritimes du Havre et de Rouen « constituent la façade maritime du Grand Paris ». Il s'agit de créer un Grand Paris jusqu'à la mer. Un groupement d'intérêt économique, HAROPA, a été créé en janvier 2012 entre les ports du Havre, de Rouen et de Paris, et l'objectif est de mettre en place, d'ici à la fin de l'année, un schéma stratégique d'aménagement et de développement de la vallée de la Seine à horizon 2030. Sur cette base sera conclu un contrat de plan interrégional État-régions pour la période 2015-2020. En avril 2013, le Gouvernement a désigné un délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, M. François Philizot, qui préside un comité directeur comprenant un préfet coordonnateur et les présidents des conseils régionaux des trois régions concernées.

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