Ce contrat d'objectifs et de moyens, dont je vous présenterai le premier bilan d'exécution, est le fruit d'un travail collectif. Dès l'automne 2012, les équipes de direction et les salariés de France Médias Monde se sont réunis pour élaborer un plan stratégique qui a servi de socle au document qui n'a été signé avec l'État, le 9 avril 2014, qu'après avoir été approuvé par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, le Sénat, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et notre conseil d'administration. Ainsi, chacun a contribué au projet de refondation de l'audiovisuel extérieur français.
Sans fusionner les rédactions, la nouvelle structure – rebaptisée France Médias Monde en juin 2013 – réaffirme l'identité de chaque média dans le cadre d'une société unique aux directions transversales communes à l'ensemble des entités, dont les organigrammes ont été approuvés conformément aux procédures légales. Ce chantier et la réforme des instances représentatives du personnel nous ont occupés une partie de l'année 2013. En même temps, sans attendre la signature de ce COM rétroactif, nous avions commencé à travailler. En effet, dans le paysage audiovisuel mondial, quand on ne progresse pas, on régresse – et de façon parfois irréversible. Face à une concurrence d'une violence inouïe – certains rivaux disposent ainsi de trois fois plus de moyens que les nôtres – et à une révolution numérique qui rebat constamment les cartes, il faut nous adapter en permanence pour garder nos parts de marché. Ce COM arrivant après une année d'incertitude qui avait suspendu l'élan de nos médias, il était urgent d'avancer.
Dès le déménagement de RFI et de Monte Carlo Doualiya, à l'automne 2012, nous nous sommes efforcés d'accroître notre présence sur les cinq continents, en distinguant les zones de consolidation, de développement et de conquête. Dès la fin 2013, nous étions passés de 206 à 256 millions de foyers raccordés en permanence à France 24, en trois langues. En octobre 2014, nous avons atteint 280 millions de foyers et en fin d'année, nous frôlerons les 300 millions ; s'y ajoutent les reprises partielles, qui devraient dépasser les 100 millions de foyers. Nos radios – RFI et Monte Carlo Doualiya – ont mis en service cinq nouveaux émetteurs en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. Elles ont également accru leur présence sur le câble et le satellite, utilisés partout dans le monde, ainsi que sur le téléphone. Nous avons enfin étendu notre réseau de quelque 800 radios partenaires, concluant en deux ans 150 nouveaux partenariats, en particulier en Amérique latine. Il y a quelques jours, les dirigeants de ces radios sud-américaines se sont déplacés en masse pour participer à notre séminaire régional organisé avec l'aide de l'Alliance française, témoignant de « l'attente de France » sur ce continent.
Nous avons développé notre présence en France de manière ciblée : France 24 est désormais disponible en Île-de-France sur le canal 33 de la télévision numérique terrestre (TNT), ainsi que sur les 256 écrans des aéroports de Paris – un appel d'offres que nous avons remporté cet été. En 2013, nous avons également diffusé RFI et Monte Carlo Doualiya sur la bande FM à Marseille, dans le cadre d'une expérience exceptionnelle ; nous continuons d'y réfléchir car la légitimité internationale de nos médias – dont le nom contient celui de notre pays – est confortée par leur notoriété en France.
En 2013 a démarré la refonte de l'ensemble de nos sites internet fixes et mobiles, ainsi que de nos applications. La mobilité et le caractère participatif des réseaux sociaux renvoient aux deux grandes révolutions comportementales qu'amène le numérique ; nous devons nous en saisir pour rester à la pointe des nouvelles technologies et affirmer notre modernité. Notre stratégie s'est révélée payante : dès la fin 2013, la fréquentation de nos univers numériques s'est accrue de 20 % ; aujourd'hui, l'augmentation atteint 33 %, avec 27 millions de visites mensuelles sur nos sites en octobre et novembre derniers. La percée sur les réseaux sociaux est également très significative : avec 14,5 millions d'amis sur Facebook et 5 millions d'abonnés sur Twitter, nous figurons parmi les médias français les plus présents dans cet espace. Nous avons enfin, dès 2013, accompagné les virages technologiques : une grande partie de nos studios sont désormais équipés pour la radio filmée et nous achevons le basculement en haute définition de la production de France 24. Une diffusion sous ce mode exigerait toutefois des capacités de paiement supérieures des opérateurs de satellites ; cette question sera à l'ordre du jour dans le cadre du prochain COM.
Pourtant, à quoi bon disposer d'un réseau mondial, développer de nouvelles applications et de nouveaux sites, et se hisser à la pointe de la technologie, si ce n'est pas d'abord et surtout pour délivrer un message et faire entendre dans le monde une voix singulière ? C'est sur la valeur de nos contenus et de ceux et celles qui les créent qu'est avant tout fondé notre contrat d'objectifs et de moyens. Nos publics ne s'y trompent pas : France 24 compte 43,2 millions de téléspectateurs différents chaque semaine, soit 3,6 % de plus qu'en 2012 ; l'audience cumulée hebdomadaire de RFI s'élève à 36,7 millions d'auditeurs, en progression de 6,4 % ; Monte Carlo Doualiya – qui partait de plus bas – enregistre 7,5 millions d'auditeurs hebdomadaires différents, soit une progression de 11,4 %. Ces indicateurs d'audience ne sauraient cependant être confondus avec l'auditoire total de nos médias : France 24 diffusant dans 180 pays et RFI dans 150, généraliser la mesure serait trop coûteux. Là où notre audience est mesurée, nous nous situons toujours dans le top 10 des classements, souvent dans le top 5, parfois dans le top 3, et même en première place.
L'attractivité de nos contenus vient des principes qui constituent le socle commun de nos médias : traiter l'actualité internationale au sens large – politique, géopolitique, sociétal, culturel, économique – et en quatorze langues, promouvoir le débat d'idées et non une vision monolithique du monde, et revendiquer le fait de parler depuis la France, sans arrogance, mais sans auto-flagellation. Fédérant des chaînes indépendantes de service public – et non des chaînes gouvernementales –, nous portons une certaine idée de l'information, loin de tout esprit partisan. Nous estimons ainsi que l'information doit trouver sa source au plus près des faits, sur le terrain, et payons parfois très cher cette exigence. En ce jour où nous célébrons la libération du dernier otage français, je pense à Ghislaine Dupont et à Claude Verlon, mais aussi à Jean Hélène et à Johanne Sutton, qui ont payé de leur vie leur conception du journalisme. Le 2 novembre est devenu, à l'initiative de la France, la Journée internationale pour mettre fin à l'impunité des crimes contre les journalistes ; ce rendez-vous nous a donné l'occasion de remettre la première Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon.
Nous avons décliné ce socle commun de valeurs par média, pour marquer la singularité de chacun d'entre eux. France 24 est, chaque jour davantage, la chaîne de l'information en continu ; nous avons assoupli le parallélisme entre les trois antennes en français, en anglais et en arabe pour mieux les adapter à leur bassin géographique et linguistique. Nous avons donné la priorité au direct, au terrain, aux reportages, et allongé nos journaux. Outre cette réactivité, la chaîne a cultivé la mise en perspective au travers de nombreux magazines comme ActuElles, Le Paris des arts ou L'Heure du Maghreb. RFI est une radio d'actualité qui possède une forte armature d'information, mais qui propose également des magazines longs de cinquante minutes ; le format et les contenus de ces deux médias sont donc bien différents. À RFI, nous avons distingué les programmes « Afrique » du reste du monde et mis l'accent sur les langues étrangères. Nous avons relancé le khmer à budget constant, montant à treize heures de diffusion par jour, ce qui a fait passer notre audience de 150 000 personnes à 1 million par semaine. Nous avons démarré la diffusion en roumain, et sommes la première radio pour les cadres dirigeants à Bucarest. Nous nous apprêtons à lancer la rédaction en mandingue – famille de langues à laquelle appartient le bambara. Au total, nous diffusons en quatorze langues. Enfin, Monte Carlo Doualiya est une radio généraliste et une référence en matière d'information ; les émissions telles que La Blogueuse du jour, Les Impertinentes ou Rap & Co nous ont permis de rajeunir et de féminiser son audience.
Nous avons réalisé ce travail dans un cadre budgétaire contraint que nous avons scrupuleusement respecté. Sur la période 2011-2015, les ressources publiques d'exploitation allouées à France Médias Monde ont baissé, en valeur absolue, de 10,7 millions d'euros. Notre dotation a diminué de 4,3 % depuis 2011, passant de 252,7 à 242 millions. Au total, 54 millions d'euros ont été économisés par France Médias Monde sur la période. Nos ressources propres, qui s'élevaient à 9,8 millions d'euros en 2011 et qui atteindront 10,4 millions en 2015, progressent de 6,1 %. Ces chiffres apparaissent raisonnables étant donné la situation dégradée sur le marché mondial de la publicité, où la concurrence est très violente. Avec la perte par notre entreprise du chiffre d'affaires minimum garanti, tout déficit publicitaire pèse désormais sur nous et non sur France Télévisions Publicité, ce qui est décourageant pour nos équipes. Après les chiffres décevants de 2013, elles se sont néanmoins mobilisées, répondant à notre ardente demande, pour réussir à redresser la barre. En 2014, nous comptons ainsi renouer avec des résultats plus acceptables : France 24 devrait réaliser une recette de 2,3 millions d'euros nets, soit une augmentation de 0,8 million ; en 2015, les recettes de la chaîne dépasseront certainement la barre des 2,5 millions. Notons que le chiffre d'affaires publicitaire total de France Médias Monde atteint près de 5 millions d'euros – à comparer aux 10 millions que réalise BBC World News. Un grand média public – qui de surcroît porte le nom de son pays – ne peut pas se livrer au publireportage, vendre ses reportages, ou parrainer des journaux ou magazines d'information. La déontologie nous interdit également d'accepter, par exemple, que des entreprises pharmaceutiques parrainent des émissions médicales. Dès lors, les recettes publicitaires internationales ne couvriront jamais la majeure partie de nos financements, et si nous ne devions compter que sur ces ressources, des concurrents privés nous remplaceraient certainement pour accomplir nos missions.
Nous avons également effectué des efforts importants de productivité : 19 millions d'euros ont été économisés dans le cadre des plans de départs volontaires qui nous ont permis de supprimer 253 emplois nets, soit 20 % de nos effectifs. Nous avons par ailleurs économisé 20,8 millions d'euros sur les achats et les autres frais de fonctionnement. C'est grâce à ces mesures que nous avons pu développer notre financement malgré la baisse significative de notre dotation budgétaire. Enfin, notre masse salariale a été maîtrisée : en 2013, elle n'a cru que de 1,3 % ; hors provision pour harmonisation sociale, elle a même baissé de 0,8 %. Or notre masse salariale représente 51 % de nos coûts ; nous devons nos contenus à nos salaires puisqu'une grande radio de référence n'achète pas ses programmes et qu'une chaîne d'information en continu ne saurait acheter à l'avance les sujets qui se produiront demain. Nous travaillons en direct et toute amélioration de notre offre conduit à un accroissement de la masse salariale. Aussi, au bout de deux plans de départs, nous manquons de marge de manoeuvre. Pourtant, malgré les contraintes qu'elles subissent, nos équipes font tout ce qu'elles peuvent pour réussir.
Un chantier compliqué – que nous avons décidé de placer sous le signe de l'équité et de la responsabilité – attend la direction et les organisations syndicales de France Médias Monde ; nous y travaillons depuis mars 2014. Nous savons que l'État a fait un effort notable en notre faveur : étant donné la situation budgétaire difficile, nous prenons cette légère évolution de notre dotation comme un signe de confiance et de reconnaissance des efforts de productivité déjà accomplis. Nous continuerons à développer nos ressources propres, malgré l'atonie du marché. À ce propos, il est dommage que les entreprises françaises, sous-estimant la qualité de nos programmes et notre puissance à l'échelle planétaire, soient trop peu nombreuses à nous suivre dans l'aventure internationale en matière publicitaire. Nous préparerons également le prochain COM qui doit commencer en 2016 ; parmi les axes importants y figureront les langues – France 24 en espagnol fait partie des dossiers en préparation – et le numérique. Dans ce dernier domaine, il faudra notamment travailler sur les métadonnées, un enjeu capital. En effet, notre performance en matière de web sémantique, d'indexation et de recherche des savoirs en langue française détermine notre capacité future à exister comme des médias de pointe et à le faire savoir – condition de survie désormais incontournable.
Forts des talents dont regorgent nos médias, nous avons décidé de mettre de côté, pour un temps, le pessimisme de l'intelligence – si français ! – pour nous concentrer sur l'optimisme de la volonté. J'espère que nous arriverons à mettre en oeuvre l'ensemble des objectifs de ce COM déjà bien entamé.