Intervention de Marie-Christine Saragosse

Réunion du 9 décembre 2014 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde :

Je regrouperai mes réponses par thèmes. L'accord social, madame Martinel, consistera à rapprocher salariés de la radio et salariés de la télévision. Je n'ose imaginer ce qu'il adviendrait si l'on entreprenait de rapprocher les salariés de Radio France et ceux de France Télévisions ; c'est pourtant ce que, pour ce qui nous concerne, nous nous attachons à faire. Or les sociétés concernées ont des histoires très différentes : l'une vient de fêter sa huitième année d'existence quand l'autre date de l'époque post-coloniale ; l'une est une entreprise de service public soumise à la convention collective nationale de la production audiovisuelle, l'autre dépend de la convention collective nationale des chaînes thématiques… L'écart est donc assez marqué. Nous avons commencé par travailler sur le droit syndical pour avancer facilement, et nous nous attaquons actuellement aux temps de travail et aux rémunérations, deux volets qui forment toujours le noeud d'un accord d'entreprise. L'évolution des métiers, très dynamique, sera traitée à part ; nous voulons inscrire cette question dans le prochain COM, à l'échéance 2016.

En arrivant à la présidence de France Médias Monde, sachant ce que seraient nos difficultés pour dégager ces crédits a posteriori, j'ai prévu un budget de 3,5 millions d'euros à cette fin dès le premier exercice, même si l'accord n'était pas signé tout de suite. J'ai l'intention de respecter cette enveloppe, qui sera évidemment ajustée puisque toutes les mesures qui seront décidées dans l'accord n'auront pas d'effet rétroactif. Dans ce cadre financier clair, nous essayerons de faire converger les temps de travail et d'harmoniser les rémunérations, mais le seul résultat de la fusion ne saurait être que, après deux plans de départs, faire la même chose coûte plus cher : il serait absurde que l'accord ait pour conséquence l'augmentation globale de la masse salariale. J'ai bon espoir que l'accord sera conclu en 2015 mais il est vrai que les syndicats et la direction seront tous soulagés lorsque le texte sera signé. Ce ne sera pas la première fois que je conclurai la négociation d'une convention collective : celle de TV5 Monde avait été menée à son terme lorsque Yves Bigot m'a succédé, et il l'a signée telle quelle. En résumé, les choses avancent. Ce ne sera pas simple, mais nous sommes déterminés et nous avons confiance dans le bon sens général et la volonté des organisations syndicales d'aboutir dans un esprit d'équité et de responsabilité.

Vous avez aussi abordé la question de la sécurité. Notre société est effectivement extrêmement exposée. Aucun reportage ne vaut une vie, mais quand on couvre le type d'actualités que nous couvrons, le risque zéro n'existe pas. La multiplication des zones de crises et la diversification des risques nous obligent à nous aguerrir, car nous n'avons vocation à n'être ni des héros, ni des victimes. Aussi avons-nous engagé le recrutement d'un spécialiste de la sécurité au sein de notre équipe, et mis au point, en capitalisant sur l'expérience de nos grands reporters et de nos correspondants, une formation spécifique ouverte à tous nos salariés dont les pigistes et à l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel, public et privé. Ces stages ont été lancés en septembre ; y interviennent médecins, psychiatres, militaires et journalistes aguerris. Ces stages transversaux auxquels participent des salariés des trois sociétés du groupe contribuent grandement à la constitution d'une culture d'entreprise.

Nous avons aussi voulu canaliser l'émotion dont a parlé M. Dufau en nous tournant vers l'avenir. Pour opposer le savoir à l'obscurantisme et la solidarité à la barbarie, nous avons créé la Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Les deux premiers lauréats sont une jeune journaliste et un jeune technicien radio maliens. Pendant quelques semaines, ils feront un stage en immersion à la rédaction de RFI et au sein de nos organismes partenaires, l'école de journalisme de Sciences Po et l'INA.

J'en viens à la diffusion de nos antennes en France. RFI a une fréquence FM en Île-de-France depuis vingt ans et, depuis le 23 septembre dernier, France 24 est également disponible sur la TNT en Île-de-France. Cela a une valeur tout autre que symbolique, puisque de ce fait notre audience a, selon Médiamétrie, augmenté de 33 % en un mois, alors même que nous ne sommes visibles par ce moyen qu'en Île-de-France. Nous ne nous attendions pas à une variation de cette ampleur.

Note budget ne nous permet pas d'absorber le coût d'un canal TNT national. Celui d'un canal TNT en Île-de-France est un peu inférieur à 200 000 euros, un montant qui nous a semblé raisonnable pour prendre notre élan en France. Il en va de notre légitimité à l'international. Au moment de négocier l'octroi de ce type de fréquences dans d'autres pays, il est difficile de s'entendre demander : « Pourquoi n'êtes-vous pas sur la TNT en France ? Serait-ce que, n'étant pas assez séduisants pour le public français, vous vous réservez pour l'étranger ? »…

Dès mon arrivée à France Médias Monde, j'avais proposé à France Télévisions une réflexion sur la possibilité de projets communs pour l'information continue. À cette époque, France Télévisions renégociait son COM ; le moment n'était donc pas le bon, mais la proposition demeure. En effet, France 24, chaîne d'information de service public, autorisée à diffuser sur la TNT en Île-de-France à la différence d'une autre chaîne – ce que je déplore, car je ne pense pas que le malheur des uns fait le bonheur des autres – a aussi une ouverture particulière sur le monde. Cela peut être utile aux populations d'origine étrangère résidant en France, sans parler des nombreux Français qui, comme moi, ont une ascendance étrangère. C'est important aussi à l'heure de la mondialisation, et France 24 a une mission de service public spécifique. Cela étant, nous n'avons pas de projet de couverture nationale pour l'instant. Nous n'avons pas davantage de décrochage publicitaire sur la TNT, ce qui signifie que nous ne déstabilisons pas un marché publicitaire difficile puisque nous ne concurrençons pas les chaînes d'information en quête de recettes. Nous sommes complémentaires, et nous travaillons très bien ensemble à l'international, notre réseau de correspondants ne rechignant jamais à donner un coup de main lorsqu'il s'agit de couvrir en urgence une actualité brûlante.

Dans tous les cas, je serai heureuse que la notoriété de notre chaîne continue de s'épanouir – et même si la TNT reste le mode de diffusion dominant, on peut nous regarder par le biais du câble, du satellite et de l'ADSL.

Vous avez aussi évoqué la radio numérique terrestre. Ce mode de diffusion m'intéresse beaucoup, et j'ai eu des discussions passionnantes avec le syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (SIRTI). Le groupe NRJ a déposé devant le Conseil d'État un recours en annulation des autorisations données à 107 stations de diffuser leurs programmes en RNT ; nous attendons de savoir quelle suite lui sera réservée. Pour sa part, le Parlement a voté la loi sur la radio numérique. D'importantes communautés étrangères vivant en France, nous pensions que la RNT, qui permet de cibler les villes de diffusion et qui n'est pas saturée, serait une solution intéressante pour les langues étrangères de RFI – le vietnamien, le khmer, le mandarin, l'espagnol, le portugais, le russe… – et aussi pour Monte Carlo Doualiya qui offre des programmes en arabe. L'autre avantage de la RNT est de sauvegarder l'exception culturelle. Dans les habitudes d'écoute actuelles, la radio « over the top », autrement dit la radio distribuée sur internet en s'affranchissant des règles contractuelles habituelles, vient immédiatement derrière l'analogique et la FM ; dans cet espace, l'exception culturelle française aura peut-être plus de mal à résister que sur la RNT. Nous attendons de savoir quel sera le futur de la RNT en France pour avancer dans cette voie, en accord avec la tutelle.

Notre COM nous invite à être pragmatiques, ce que nous sommes par le biais de partenariats avec plus de 200 radios en France. Nous continuons de leur fournir des journaux télévisés en fonction des autorisations qui nous sont données mais il y a peut-être mieux à faire avec ces radios qui défendent les mêmes valeurs que les nôtres. Certes, les fréquences FM analogiques sont rares, mais nous continuons d'espérer.

Vous m'avez demandé des précisions sur l'expérimentation menée à Marseille. C'était une fréquence événementielle, ouverte pour neuf mois, en 2013, dans le cadre de la manifestation « Marseille-Provence capitale de la culture européenne ». Ce fut une expérience unique, au cours de laquelle nous avons mêlé des programmes en français et un décrochage quotidien en arabe pour Monte Carlo Doualiya entre 14 heures et 18 heures. Sans que nous ayons fait de publicité particulière, cette expérience a, selon Médiamétrie, accru notre notoriété de 20 %, et nous avons reçu beaucoup de courrier. De surcroît, être à Marseille, c'est avoir une ouverture supplémentaire sur les pays de la Méditerranée. Pour nous, il est important, sur le plan symbolique, d'être présents en France. Notre cahier des charges l'autorise, et nous ne serions en concurrence avec personne puisqu'il n'est pas question de recettes publicitaires pour notre radio. J'espère donc, en accord avec Radio France et le CSA, trouver une solution permettant d'obtenir une fréquence qui ne modifierait pas le périmètre public-privé, mais je sais que ce sera difficile ; à Strasbourg, par exemple, la moitié des fréquences sont occupées par des radios allemandes.

J'en viens aux accords avec les sociétés de programme et autres partenaires. Un accord sera signé le 16 décembre entre France Médias Monde et TV5 Monde. Nous nous en réjouissons tous, car il entérine le principe de non-éviction qui m'est cher : la concertation en matière de distribution est conçue pour qu'une négociation ne conduise jamais à ce que l'un des deux médias évince l'autre. Nos formats sont complémentaires, nos langues le sont aussi : TV5 Monde est l'opérateur et le champion de la francophonie, France 24 parle aussi arabe et anglais ; TV5 Monde sous-titre, notamment dans les langues de RFI. Le champ des possibles est donc immense. Un partenariat a déjà été conclu en Roumanie entre RFI România et TV5 Monde, bénéfique pour les deux antennes. Nous pouvons aller plus loin et, puisque nous sommes complémentaires, proposer des offres commerciales communes. Les expatriés pourraient alors regarder sur TV5 Monde un film ou un documentaire, formats longs de divertissement, et se tourner vers France 24 pour l'information immédiate. La complémentarité entre RFI et TV5 Monde est aussi évidente ; les émissions Afrique Presse et Internationales sont d'ailleurs diffusées en partenariat. D'autres projets concernent le numérique : ainsi, Terriennes diffusé en version arabe sur le site de Monte Carlo Doualiya sera complémentaire du site Terriennes de TV5 Monde.

Nous diffusons régulièrement, ensemble, des émissions qui font événement – ainsi des interviews conjointes du Président de la République. Cependant, nous nous gardons de proposer trop d'émissions communes, pour éviter des redondances qui donneraient à des câblo-opérateurs ou à des opérateurs de satellites argument pour nous signifier qu'une seule de nos deux chaînes suffit dans leur bouquet. Nous sommes présents dans 1,6 million de chambres d'hôtel, ce qui représente 500 millions de nuitées – le plus souvent dans des hôtels de 3 à 5 étoiles. Considérant le nombre de chaînes accessibles sur les postes de télévision de ces hôtels où l'on s'exprime respectivement en anglais, en allemand et en arabe, prétendre que France 24 et TV5 Monde feraient doublon traduirait, me semble-t-il, une certaine dose de mauvaise foi. Quoi qu'il en soit, nous devons tout faire pour éviter que nos modalités de commercialisation ne desservent l'une ou l'autre de nos chaînes. Nous avons aussi des accords pour les mesures d'audience, et nous sommes convenus de faire, le plus souvent possible, des appels d'offres communs – ce qui serait bien plus intéressant encore si nous parvenions à les passer conjointement avec France Télévisions.

Quelques mots sur les accords passés avec d'autres partenaires. Nous avons conclu un partenariat avec Radio France en matière de coopération : nous avons de nombreuses opérations pilotes en Méditerranée, et Radio France pensait utile d'avoir Monte Carlo Doualiya comme chef de file pour la langue arabe. Nous avons aussi pour projet de renouveler la très vaste banque de programmes de RFI, qui sera numérique. Nous pouvons faire beaucoup en collaboration avec Radio France, à l'international et en France, par exemple dans le domaine musical, singulièrement pour la musique classique.

L'accord que nous avons passé avec France Télévisions, pour 1 million d'euros chaque année, nous permet de reprendre tous ses reportages. De la sorte, la plus grande rédaction de France travaille avec nous, et France Télévisions utilise notre réseau de correspondants chaque fois que nécessaire.

Un accord est aussi en préparation avec l'AFP ; il devrait être signé au tout début 2015. Nous avons aussi commencé de travailler avec l'INA – notre partenaire, je vous l'ai dit, dans l'attribution de la Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon – sur le volet « archives » mais aussi en vue de futures productions et de formations. Nous pouvons imaginer d'autres projets encore, en collaboration avec l'Agence française de coopération médias (CFI).

J'entends régulièrement évoquer, comme l'a fait M. Christian Kert, l'idée d'une offre numérique « service public » unique. J'ai pris la décision, lors de mon arrivée à la présidence de France Médias Monde, de ne pas fusionner les offres numériques. J'ai créé une direction fusionnée des nouveaux médias, chargée du marketing, de l'ergonomie, des outils techniques et de la veille, mais les journalistes des rédactions « nouveaux médias » sont restés au sein des trois rédactions des médias traditionnels. Chacun doit se mettre au numérique, et l'interaction favorise ce mouvement ; si l'on sépare les équipes, la culture numérique ne se diffusera pas suffisamment. Il y a donc une ergonomie commune au groupe, et nous allons aussi créer un thesaurus, une sémantique plus offensive destinée à faciliter notre référencement sur le web. Nous avons aussi des projets en commun, tel un site consacré au football en Afrique.

Mais nous constatons que l'entrée sur nos sites est liée pour moitié au moins, à la marque linéaire ; cela signifie que l'on peut parfois perdre en notoriété sur le numérique. Or nous avons des marques mondiales, ce qu'il y a de plus difficile à construire ; c'est sur elles que nous capitalisons, et non sur France Médias Monde, marque ombrelle. Ces raisons expliquent mon extrême prudence à l'idée d'une fusion qui pourrait se révéler intempestive. Je suis favorable à des thématiques, à une ergonomie, à une nomenclature et à une sémantique pour le web communes, mais je tends à penser, comme nos amis britanniques, que ce qui est petit est beau et que l'on perd parfois en agilité quand on atteint une trop grande taille – or la capacité d'adaptation rapide est l'une des qualités essentielles qui doivent nous caractériser. Cela étant, je suis prête à poursuivre ma réflexion à ce sujet.

La parité entre hommes et femmes est un sujet qui me tient à coeur. Pour notre groupe, la question vaut pour nos antennes et pour notre organisation interne. Le fait d'être un média nous oblige à être exemplaires. Nous ne pouvons nous limiter à refléter l'état de la société : il nous appartient d'être des précurseurs. C'est pourquoi nous définirons, avec le CSA, des indicateurs quantitatifs destinés à garantir l'augmentation du nombre de présentatrices et d'animatrices dans nos émissions – elles représentent déjà 50 % de l'effectif et parfois davantage. D'autre part, la parole des experts n'est pas sexuée mais universelle : nous avons donc distribué à nos rédactions l'annuaire des expertes francophones – malheureusement, nous ne disposons pas de l'équivalent en anglais ni en arabe. À ce jour, le taux de femmes consultées en qualité d'expertes s'établit en moyenne à 30 % de l'ensemble des experts consultés sur nos antennes ; nous souhaitons faire beaucoup mieux, et pour cela chaque journaliste doit être conscient de l'enjeu. Enfin, nous avons créé des émissions consacrées aux femmes, telle ActuElles.

Pareillement, l'entreprise elle-même se doit d'être exemplaire. Notre comité exécutif est paritaire – la présidence étant exercée par une femme, elles sont mêmes, d'une unité, plus nombreuses que les hommes. Avec huit femmes pour sept hommes, le conseil d'administration est aussi majoritairement féminin. L'encadrement est également paritaire et les femmes y sont présentes à tous les niveaux. Mais l'écart des salaires entre les hommes et les femmes est encore de 8 % ; pour corriger cette disparité, les mesures individuelles prises depuis deux ans lors de la négociation annuelle obligatoire ont concerné les femmes pour 53 %. Je ne doute pas que nous parviendrons progressivement à appliquer effectivement le principe « à travail égal, salaire égal ». Je sais que cela se peut : quand j'ai quitté TV5 Monde, l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes n'était plus que de 4 %.

Vous avez évoqué nos ressources publicitaires. Il se trouve que les grandes entreprises ne sont pas organisées pour des achats de publicité sur des antennes linéaires internationales. Telle grande marque de luxe qui lance un parfum au Mexique ne pensera pas forcément à faire de la publicité sur France 24. À cela s'ajoute que nous avons un signal unique aux États-Unis, au Mexique et en Amérique latine ; comment intéresser ces grands groupes alors que nous ne pouvons leur proposer des décrochages publicitaires par territoire ? De plus, même si le lancement d'un produit s'accompagne d'une publicité de marque à l'échelle mondiale, les entreprises du luxe préféreront les médias nationaux à une antenne telle que la nôtre, et il est très compliqué de faire changer les habitudes prises en matière de publicité.

Nous rêverions de lancer une antenne de France 24 en espagnol, mais rien n'est encore décidé. Il existe une immense « attente de France » en Amérique latine, comme l'a montré le séminaire de trois jours organisé par RFI pour nos radios partenaires latino-américaines, qui a réuni à Paris plus d'une centaine de personnes venues à leurs frais. L'idée que France 24 pourrait lancer une chaîne en espagnol a provoqué des acclamations, et une réunion de travail spontanée pour définir quel format conviendrait ! D'évidence, par héritage historique, Paris est encore considéré comme une capitale d'Amérique latine… Le coût d'une chaîne en espagnol serait compris dans une fourchette de 17 à 20 millions d'euros – disons 20 millions, car il faut cesser de trop serrer la vis de France 24 et des jeunes gens qui y travaillent. Je suis consciente que, dans le contexte que nous connaissons, c'est une forte somme, mais l'Amérique latine, avec une croissance à deux chiffres, est un marché très important.

Les langues étrangères de RFI ont connu une refondation par leur mise sur internet ; les consultations en ces langues représentent 40 % de la fréquentation des sites de RFI, et elles sont en croissance continue. L'attente est très forte, si bien que tout investissement sur ces sites a un impact remarquable, et les réactions sont immédiates, en russe ou en vietnamien par exemple.

Nous produirons en haute définition dès la fin de cette année, sans coût supplémentaire en France ; c'est la diffusion en haute définition par satellite qui a un coût additionnel, les opérateurs faisant payer l'augmentation de débit qu'elle induit. Il est donc très difficile de faire ce choix – comment le financer ? Nous allons étudier quelles sont les zones à risque, pour veiller, au moment d'élaborer le prochain COM, à ne pas nous faire éjecter d'un bouquet au motif que nous ne diffuserions pas en haute définition.

Vous m'avez interrogée sur notre action en faveur de l'accessibilité de nos antennes aux personnes handicapées. Nous lancerons en 2015 deux journaux sous-titrés pour les sourds et les malentendants. Avoir créé des journaux « tout image » pour Aéroports de Paris nous a aussi donné l'idée de mettre au point avec des associations de sourds et malentendants de tels journaux sans aucun son. D'autre part, nous avons signé la charte du CSA visant à favoriser la formation et l'insertion professionnelles des personnes handicapées dans le secteur de la communication audiovisuelle. Nos effectifs comptent 18 personnes handicapées ; il nous faut progresser bien davantage, mais nous ne sommes pas parvenus à tout faire en même temps. Nous développerons en 2015 ces projets qui nous tiennent à coeur, et nous multiplierons en particulier les stages de jeunes handicapés dans nos murs.

Mme Martinel m'a interrogée sur les pigistes et la proportion d'emplois non permanents dans le groupe. Les difficultés sont de deux ordres. D'une part, les journalistes qui travaillent à France 24 en langue anglaise et en langue arabe n'ont ni leurs racines ni leur histoire en France, si bien que nous sommes obligés de maintenir un volant de pigistes pour pallier des départs d'autant plus fréquents que nos concurrents ont les moyens d'embaucher les journalistes que nous avons formés, en langue arabe notamment. D'autre part, au bout d'un temps, les pigistes intégrés dans nos effectifs permanents ne veulent plus travailler la nuit. Il nous faut donc reconstituer un volant de pigistes, qu'il nous est très difficile de réduire en dessous d'un certain seuil. En outre, nous n'avons pas commencé en 2013 la cartographie des métiers, des emplois et des besoins et, avant d'intégrer les pigistes dans l'effectif permanent, il fallait vérifier attentivement où cela devait se faire. Le mouvement d'intégration qui a repris en 2014 devrait être plus favorable, mais nous ne pourrons jamais réduire le volant de pigistes à un niveau tel qu'il mettrait la gestion de l'entreprise en péril.

J'en viens au lancement d'une rédaction de RFI en mandingue, famille linguistique de 37 millions de locuteurs, importante au Sahel. Au Mali, 60 % de la population parle imparfaitement le français, si bien qu'une partie de nos émissions n'est pas comprise, ce qui n'est pas le cas des émissions des chaînes locales, diffusées en bambara. Mais les antennes locales ont parfois moins de recul que nous pouvons en avoir, et elles n'ont pas forcément le souci du débat, de la pluralité des opinions et des règles déontologiques qui anime RFI. L'attente est immense. Lorsque je suis allée au Mali remettre la première Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon, l'annonce de l'ouverture d'une rédaction de RFI en mandingue à Bamako a suscité un engouement prodigieux ; cela est ressenti comme une reconnaissance. Or, les langues africaines représentent un enjeu considérable : l'Afrique comptera peut-être 750 millions d'habitants en 2050 mais, si la France n'y prend garde, ils ne seront pas francophones. Aussi avons-nous mis au point des méthodes d'apprentissage du français à partir du swahili, du wolof et de l'haoussa, et nous ferons de même pour d'autres langues africaines. C'est un enjeu stratégique pour la francophonie. Enfin, l'importance d'une rédaction de RFI en mandingue à Bamako n'est pas que symbolique : nos soldats sont au Mali, et chacun sait qu'une bataille ne se gagne pas seulement par les armes mais aussi par l'évolution des mentalités ; il est donc très important de faire passer des messages d'apaisement.

C'est ce que nous faisons aussi en République centrafricaine, où nous avons des correspondants, parfois des envoyés spéciaux et où, grâce à la coopération permise par RFI Planète Radio, nous allons, avec le poste diplomatique français, bientôt inaugurer un émetteur ondes courtes pour aider la radio nationale centrafricaine à renforcer son rôle d'apaisement en faveur de la reconstruction. Les médias de Centrafrique jouent déjà ce rôle avec impartialité, un reportage de RFI l'a montré.

M. Martin-Lalande m'a interrogée sur la nature du pilotage stratégique de France Médias Monde. Il relève de notre conseil d'administration et de notre tutelle, exercée conjointement par la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la culture et de la communication, par le ministère des affaires étrangères et par la direction du budget et l'Agence des participations de l'État pour les ministères des finances et de l'économie.

Je ne saurais conclure sans vous inviter à renouveler votre visite à France Médias Monde. Vous y serez accueillis à bras ouverts par nos équipes qui vous montreront ce qu'est devenue la Tour de Babel d'Issy-les-Moulineaux.

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