Intervention de Myriam Maestroni

Réunion du 10 décembre 2014 à 18h00
Commission d'enquête relative aux tarifs de l'électricité

Myriam Maestroni, présidente d'économie d'énergie SAS :

Les objectifs en termes d'économies d'énergie correspondent à un chiffrage précis : 54 térawattheures cumac pour la première période et 345 térawattheures cumac pour la deuxième, un tiers de ce chiffre devant être réalisé en 2014, qui est une année de prolongation. Pour la troisième période, l'objectif, après discussion, a été fixé à 700 térawattheures – d'aucuns avaient évoqué 900. Le même objectif devra être atteint au cours de la quatrième période si nous souhaitons réaliser le volume d'économies d'énergie fixé à l'horizon 2020.

La notion de térawattheure cumac, qui est une innovation française dont nous devons nous féliciter, est un hybride des mondes de la finance et de l'énergie. Il s'agit, en effet, d'une unité comptable permettant de mesurer les économies réalisées grâce à des travaux dont la durée de vie est utile durant plusieurs années. Je prends un exemple : le remplacement d'une chaudière consommant 100 par une chaudière plus efficace consommant 80 permet de réaliser une économie théorique de 20. Le calcul réel de l'économie réalisée doit toutefois prendre en compte la durée de vie utile de la chaudière – mettons dix ans – modifiée par un facteur d'usure – la performance de la nouvelle chaudière ne sera pas la même la dixième année que la première année. C'est sur cette méthodologie, dont j'ai simplifié la présentation, que repose le calcul des économies à réaliser en kilowattheures cumac. Toutes les fiches sont analysées avec un grand sérieux par des experts mandatés à cet effet dans le cadre de l'Association technique énergie environnement (ATEE), en coopération avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).

Il faut savoir également que les objectifs des trois périodes ne sont pas comparables entre eux, car ils reposent sur des périmètres différents : la première période excluait les vendeurs de carburant, principalement la grande distribution qui représente plus de 60 % des ventes de carburant en France. Celle-ci a, par ailleurs, bénéficié d'une période transitoire après son inclusion en deuxième période. Comme la part des vendeurs de carburant augmente dans le total, celle des électriciens s'en trouve fortement réduite, ce qui change la donne : elle passera de 50 % en deuxième période à seulement 28 % en troisième période.

S'agissant du secteur résidentiel, la plupart des opérations d'économies d'énergie recensées qui font l'objet de fiches standardisées concernent les plus gros postes de consommation d'énergie dans une maison : l'eau chaude sanitaire et le chauffage. Je rappelle les six usages de l'électricité dans un foyer en suivant, comme moyen mnémotechnique, l'évolution de l'humanité : l'homme préhistorique a découvert la cuisson ; les Romains ont développé l'eau chaude sanitaire et le chauffage ; l'humanité est ensuite passée de la bougie à l'éclairage ; à partir des années 60 arrivent les appareils ménagers et, par extension, la domotique ; enfin, sixième et dernière utilisation, les usages spécifiques de l'électricité liés notamment aux nouvelles technologies. Cela pour vous dire que notre consommation d'énergie est croissante et de plus en plus « électrodépendante ». Quelques réfrigérateurs fonctionnent encore au gaz, ainsi que quelques sèche-linge au Japon, mais les nouveaux usages spécifiques exigent absolument de recourir à l'électricité.

En matière de réduction de consommation d'énergie, les efforts ont donc principalement porté sur ces deux postes que sont l'eau chaude sanitaire et le chauffage. Il n'y a pas de publication régulière de statistiques en la matière. Les dernières que j'ai consultées révèlent que ces deux postes ont connu une réduction de 2006 à 2012 de l'ordre de 20 %, alors que la consommation d'énergie demeure globalement stable du fait de l'augmentation des usages spécifiques de l'électricité.

S'agissant du rapport de la Cour des comptes, je salue l'effort qui a été fourni : il est, en effet, très difficile d'évaluer un mécanisme aussi récent et aussi innovant que celui des certificats d'économies d'énergie. D'autant que cela requiert de prendre en compte non seulement l'objectif de réaliser des économies d'énergie, mais également de nombreuses externalités comme celles que j'ai évoquées à l'instant.

L'argent est une condition nécessaire mais pas suffisante pour réaliser des économies d'énergie. Les Français entreprennent le plus souvent les travaux de rénovation visant l'efficacité énergétique par étapes. Un effet de pédagogie se met en place : deux ou trois ans après avoir changé leur chaudière, ils isolent les combles puis les murs ou les sols. Au niveau macroéconomique, au bout de dix ans, le résultat de cette démarche par étapes est la même que celle d'une démarche globale, la durée de vie des travaux réalisés étant généralement longue. Cette démarche repose de plus sur un système d'autofinancement naturel, auquel la plupart de nos concitoyens peuvent recourir : ce financement filé n'implique pas, en effet, de mobiliser d'un coup une somme d'argent trop importante. Encore faut-il qu'ils soient bien sensibilisés et bien informés quant à la nature des travaux qu'il est possible de réaliser.

Le rapport de la Cour des comptes est complet au sens où il a analysé l'ensemble des moyens mis en oeuvre : force est de constater que, si des acteurs ont fait d'importants efforts de sensibilisation et d'information auprès de leurs clients, tous ne sont pas dans ce cas. Or moins les efforts consentis pour sensibiliser les Français sont importants, plus les coûts sont réduits. Ce travail se fait dans la durée. Ainsi, en trois ans, plus de 5 millions de Français ont visité les différentes plateformes d'Économie d'Énergie SAS. D'autres sociétés au sein du groupement ont également mené des actions très innovantes visant à mobiliser les Français.

Le rapport de la Cour des comptes est également équilibré : il a permis de mettre en évidence le fait que le mécanisme des certificats d'énergie a donné lieu à des innovations importantes et créé une relation de proximité avec le consommateur final d'énergie. Celui-ci est, du reste, de plus en plus conscient de l'importance de la part de l'énergie dans son budget. La précarité énergétique est un nouveau concept, qui a émergé il y a environ cinq ans et les travaux en la matière ne font que commencer. Cette problématique se trouve intégrée dans les objectifs de la troisième période, alors même que les programmes qui la ciblaient en avaient été tout d'abord exclus. Il convient donc à la fois de mener une politique de prévention de la précarité énergétique, via la rénovation des 15 millions de logements concernés, à côté d'une politique de lutte contre cette même précarité.

La Cour des comptes a également fait état de disparités entre les prix de revient et les pratiques de chacun. C'est une des vertus du mécanisme de laisser une grande souplesse à chaque opérateur pour juger les meilleures actions à mener pour sensibiliser leurs clients. Un paragraphe est notamment consacré au réseau Bleu Ciel d'EDF et à ses installateurs qui doivent devenir « RGE » – « Reconnus garants de l'environnement ». On leur demande à la fois de fournir des efforts importants en matière de formation et d'acquisition de nouvelles compétences, de travailler avec de nouveaux corps de métier et de réaliser un effort commercial et didactique très important auprès de leur clientèle – cela fait beaucoup. Ce sujet est au coeur du débat sur la transition énergétique, au même titre que la formation des jeunes : à ma connaissance, aucun nouveau métier lié à la transition énergétique n'a vraiment émergé – je pense au métier de rénovateur énergéticien ou de spécialiste de l'efficacité énergétique, des économies d'énergie et de l'environnement. Des moyens doivent être alloués en la matière.

Les conclusions du rapport de la Cour des comptes sont très favorables au mécanisme, les bémols, auxquels il ne faudrait d'ailleurs pas réduire le rapport, portent principalement sur la nécessité de réaliser des contrôles et d'apporter des améliorations au dispositif.

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