Nous entrons dans une période de turbulences avec le prochain examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est dans cette perspective que nous recevons aujourd'hui M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, à propos du rapport annuel par lequel la Cour procède à un tour d'horizon complet de la situation de la protection sociale et aborde plus précisément un certain nombre de thèmes relevant des différentes branches.
M. Migaud, vous êtes accompagné de M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre, de M. Jean-Marie Bertrand, rapporteur général de la Cour, et de M. Jean-Pierre Laboureix, rapporteur général du présent rapport.
Comme chaque année, ce rapport particulièrement riche contribue à nourrir notre réflexion en vue du rétablissement de nos comptes sociaux et de l'amélioration de l'efficacité de notre système de santé, l'objectif étant de garantir pour tous l'accès aux soins, tout en améliorant la qualité de ceux-ci.
Le rapport confirme l'analyse déjà présentée par la Cour en juillet dernier sur la situation et les perspectives des finances publiques, estimant que 2011 n'a connu qu'une « amorce d'amélioration » et que « l'essentiel du chemin pour parvenir à l'équilibre des comptes sociaux reste à faire ».
L'équation paraît en effet difficile à résoudre : en face de déficits qui sont déjà là et sachant que les effets d'éventuelles réformes structurelles ne peuvent être immédiats, existe-t-il, à court terme, d'autres pistes que celle de l'augmentation des recettes ?
Dans la deuxième partie du rapport, la Cour se livre à des analyses plus ciblées et formule des recommandations précises méritant un examen approfondi. J'ai tout particulièrement relevé ses observations sur la mise en place des agences régionales de santé (ARS), notamment sur la nécessité de les doter de leviers financiers mieux adaptés à leurs missions, comme l'opposition parlementaire d'alors l'avait évoquée à maintes reprises ; sur le rôle de l'Ordre des médecins dans le respect de la déontologie médicale, en particulier pour le contrôle de l'application du principe « tact et mesure » afin de maîtriser les dépassements d'honoraires, l'opposition d'hier ayant également pointé l'absence de signification juridique de cette notion, et l'on peut maintenant en mesurer les effets sur le terrain ; sur la mise en place de l'interlocuteur social unique au sein du régime social des indépendants (RSI) ; enfin sur les dispositifs fiscaux et sociaux propres aux retraités, certaines de vos recommandations ayant suscité un certain émoi de la part des intéressés.
Parmi les réformes structurelles engagées par la majorité précédente afin d'améliorer l'efficience du système de soins, le dossier médical personnel (DMP), que nous avions qualifié d'usine à gaz, devait tenir une place importante. La Cour en avait traité dans ses rapports de 2008 et de 2009. Elle l'a fait à nouveau dans un rapport remis cet été à la commission des finances mais qui n'est pas encore publié. Le DMP, existant aussi sur clé USB, opacifie l'information sur les données de santé et sur les nouvelles technologies les concernant. Il aurait déjà coûté près de 500 millions d'euros : je vous demande de confirmer ce chiffre, qui me paraît très élevé eu égard aux seulement 170 000 dossiers créés, principalement chez les salariés des établissements hospitaliers sous la pression de leur hiérarchie. La Cour pense-t-elle que ce système pourra jouer le rôle imaginé par ses promoteurs ? Pensez-vous que le support par clé USB conserve sa pertinence ? Pensez-vous enfin que le dossier pharmaceutique, institué par les seuls pharmaciens, soit intégrable dans le DMP, les centres d'urgence et les SAMU s'étant déjà équipés de lecteurs de ces dossiers afin de gagner du temps lors de leurs interventions ?