La Cour met vivement en cause le complément de mode de garde (CMG) de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), au motif que cette prestation est en grande partie versée aux familles dont les revenus se situent dans les déciles supérieurs, et non pas aux familles aux revenus les plus faibles. Feignant d'en conclure qu'il s'agit d'une grave anomalie, elle préconise d'instaurer un plafond pour le bénéfice du complément de mode de garde. Or celui-ci n'est pas une prestation à finalité redistributive : il est versé aux foyers qui ont un besoin de garde de jeunes enfants, donc aux foyers où les parents travaillent, dont les revenus sont logiquement plus élevés que ceux des familles inactives ou faiblement actives. Si les montants cumulés versés aux foyers modestes sont faibles, ce n'est pas parce que la prestation n'est pas assez généreuse pour eux, mais parce que les enfants y sont très souvent gardés par un parent qui ne travaille pas – ou peu.
La Cour donne pourtant à penser que la prestation serait trop généreuse pour les familles aisées et qu'il faudrait la plafonner, sans fournir d'évaluation des effets de ce plafonnement au regard des finalités de la prestation. Faut-il rappeler que le complément de mode de garde finance l'emploi direct des assistants maternels, qui est le premier mode d'accueil des enfants de moins de trois ans et le moins coûteux pour la collectivité ? La place de crèche coûte toujours plus cher à la collectivité que la garde par un assistant maternel ; elle est à la charge à la fois de la branche famille, de l'État, des communes, des départements ou des employeurs. La Cour a-t-elle conscience que le bénéficiaire du complément de mode de garde est le plus souvent une jeune mère, active, membre d'un foyer où les deux parents travaillent, qui ne souhaite pas interrompre sa carrière professionnelle et a souvent recours à un mode de garde individuel faute de trouver une place en crèche ? En cas de plafonnement, combien coûterait à la collectivité le report des familles privées de la prestation sur les établissements d'accueil, dont le niveau de subvention est plus élevé ? Si la garde individuelle est remplacée par une place de crèche, la subvention publique aux familles que la Cour qualifie d'aisées s'accroîtrait donc : n'est-ce pas un effet anti-redistributif ?
Quelles seraient enfin les conséquences du renchérissement de la garde sur le taux d'activité des mères qui ne trouvent pas de place en crèche ? C'est tout le pays qui y perdrait si le taux d'activité déclinait, ou si la raréfaction de la garde conduisait à différer ou limiter les naissances, à l'instar de ce qui se passe chez nos voisins, qui nous envient les résultats de notre politique familiale…
La Cour avait en outre conduit des analyses concernant le risque de hausse du travail dissimulé parmi les assistants maternels et les auxiliaires familiaux – qui gardent les enfants au domicile des particuliers employeurs. Oublieriez-vous qu'en 1998, lorsque le gouvernement Jospin avait réduit le montant de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED), ancêtre du complément de mode de garde, le nombre de bénéficiaires avait baissé essentiellement à cause d'une hausse du travail non déclaré ?
Le rapport estime, par ailleurs, que la modernisation du système d'information de la branche famille est cruciale pour garantir la qualité du service aux usagers et la bonne gestion des ressources. Un petit nombre de priorités bien hiérarchisées devraient ainsi figurer dans la convention d'objectifs et de gestion (COG) liant l'État à la Caisse nationale d'allocations familiales. Le Gouvernement vient pourtant à peine de lancer le chantier de la nouvelle convention, qui devait entrer en vigueur avant fin 2012 et se voit donc reportée – au mieux – à la mi-2013.
Concernant les prestations servies par la branche famille pour le compte de l'État et des départements, le rapport de 2011 préconisait l'inscription dans la loi d'un principe d'acquittement de frais de gestion sur la base des coûts réels constatés. Cette méthode est subordonnée à la mise en place d'une comptabilité analytique, que les retards au plan informatique rendent bien hasardeuse. Avez-vous évalué une option différente, consistant à fixer dans la convention d'objectifs et de gestion des objectifs de réduction progressive des frais de gestion engagés, qui tiendraient compte de l'évolution du nombre des bénéficiaires de ces prestations ? Là encore, on ne peut que regretter le retard pris par le Gouvernement en la matière.