Thierry Repentin et moi-même sommes heureux de vous présenter le premier texte de la législature portant sur l'emploi, indépendamment des dispositions adoptées avant l'été qui avaient aussi pour objectif d'améliorer la situation de l'emploi.
Tout d'abord, je tiens à préciser que nous concentrerons notre discussion sur les articles 1er et 2 qui contiennent le coeur du dispositif des emplois d'avenir, les huit autres articles, souvent très longs, ayant pour objet soit l'extension aux DOM-TOM ou à Mayotte, soit une simplification administrative.
La gravité de la situation de l'emploi, dont vous avez justement rappelé, madame la présidente, qu'elle était prévisible, et dont on ne peut imaginer qu'elle s'inverse brutalement, nécessite de jouer sur tous les outils d'une politique en faveur de l'emploi. Je ne reviendrai pas sur les aspects économiques, au sens strict du terme, et sur l'importance d'avoir des politiques européennes de croissance permettant de soutenir l'activité, donc la création d'emplois. Je ne reviendrai pas non plus sur la nécessité d'une politique industrielle, de la création dans quelques semaines d'une banque publique d'investissement pour aider au financement de l'économie, ou de politiques de réindustrialisation qui sont – nous serons d'accord sur ce point – la seule manière de créer des emplois durables dans l'économie réelle, dans les entreprises ou les services. Mais nous devons aussi utiliser les outils de la politique de l'emploi que je rappellerai très rapidement, car l'on ne peut bien comprendre les emplois d'avenir que si on les intègre dans un dispositif complet en faveur de l'emploi.
La politique de l'emploi que le Gouvernement entend mettre en oeuvre peut se résumer très simplement : aujourd'hui, les emplois d'avenir qui s'adressent aux jeunes les moins qualifiés, au chômage, prioritairement dans le secteur non lucratif ; demain, le contrat de génération – les partenaires sociaux seront saisis ce soir du document d'orientation relatif à ce contrat et auront pour objectif d'en négocier les modalités d'application dans les semaines qui viennent – qui concernera tous les jeunes, dans toutes les entreprises et donc dans tout le secteur privé ; enfin, conformément à ce qui a été décidé en matière de sécurisation de l'emploi au cours de la grande conférence sociale, la nécessaire adaptation des règles régissant l'emploi dans le secteur privé, qui nécessite une négociation entre partenaires sociaux. Lundi prochain, j'adresserai à ces derniers un document d'orientation dont chacun mesure la complexité et l'importance. Lorsque vous commencerez vos débats en séance publique, mardi prochain, vous aurez donc connaissance non seulement du texte dont vous aurez à discuter, mais aussi des grands éléments du contrat de génération et des grands sujets qui seront soumis à la négociation des partenaires sociaux s'agissant de la sécurisation de l'emploi.
Le Gouvernement aura alors clairement exposé ses décisions, ses orientations et ses souhaits en matière de politique publique de l'emploi ou de règles s'appliquant à celui-ci. Vous aurez la panoplie complète des outils en faveur de l'emploi dont nous avons l'intention de saisir le législateur, puis les partenaires sociaux. S'agissant des contrats de génération, l'objectif est de vous présenter un texte de loi d'ici à la fin de l'année. Quant à la sécurisation de l'emploi, nous demanderons aux partenaires sociaux de négocier le plus rapidement possible sur ce sujet pour que, dès le début de l'année prochaine, nous puissions traduire, sous forme de lois ou de décrets, les dispositions ayant fait l'objet d'un accord. Et s'il n'y avait pas d'accord, ce serait au Gouvernement ou au Parlement de reprendre la main. On ne peut donc bien comprendre les emplois d'avenir que si on les replace dans le cadre général de la politique de l'emploi. Ces emplois ne concernent en effet qu'une catégorie de la population, mais c'est celle qui est au coeur de la désespérance sociale dans l'accès à l'emploi : les plus jeunes au chômage depuis longtemps, mais qui n'ont pas de bagage reconnu leur permettant d'accéder à l'emploi. Ils répondent donc à une urgence sociale et économique, mais prendront place dans une panoplie générale concernant l'ensemble de la jeunesse, des entreprises et, au-delà, l'ensemble des populations au travail.
J'en viens au texte proprement dit. Les personnes auxquelles il s'adresse sont les jeunes de seize à vingt-cinq ans, même s'il faut privilégier d'autres solutions pour ceux ayant entre seize et dix-huit ans. Prioritairement, les jeunes concernés sont ceux qui n'ont pas de qualification. Selon la DARES, 500 000 jeunes sont aujourd'hui sans emploi et sans qualification, dont une bonne moitié ne sont même pas inscrits à Pôle emploi car, outre qu'ils n'en tireraient aucun intérêt financier, ils ne sont pas suffisamment intégrés pour accomplir cette démarche. Ce sont d'ailleurs les missions locales qui les connaissent et qui peuvent les suivre.
Ces jeunes particulièrement touchés par le chômage sont concentrés dans certains territoires, et l'on pense immédiatement à certains quartiers. À l'occasion des violences qui sont intervenues cet été à Amiens, le ministre de la ville nous signalait ainsi que, dans le quartier en cause, 56 % des jeunes de seize à vingt-cinq ans étaient au chômage. Mais les zones urbaines ne sont pas les seules concernées : on trouve aussi de grandes proportions de jeunes sans qualification au chômage dans certaines zones rurales. C'est à ces jeunes sans qualification que nous nous adressons, et c'est la différence principale entre les emplois d'avenir et les emplois-jeunes qui, eux, concernaient tous les jeunes, quelle que soit leur qualification, et qui ont beaucoup été occupés par des jeunes ayant déjà une qualification – c'est d'ailleurs ce que recherchaient prioritairement les entreprises.
Il vous sera proposé d'ouvrir l'accès à ces emplois, dans les zones urbaines sensibles et dans les zones rurales très éloignées de l'emploi, à des jeunes ayant fait l'effort d'acquérir une certaine qualification, mais qui n'ont pas pour autant trouvé un emploi, ce qui est d'autant plus traumatisant pour eux. Et dans la catégorie de ceux qui ont fait cet effort de qualification, le projet de loi s'adresse aussi à ceux ayant un bac + 1, ou un bac + 2 et qui voudraient se tourner vers les métiers de l'enseignement. Il y a quelques dizaines d'années, il suffisait d'avoir le bac pour accéder à la formation d'instituteur. Il y avait ainsi, dans l'accès au métier d'enseignant, une diversification sociale que ne permet maintenant plus l'allongement de la durée des études, notamment la « masterisation ». Financer quatre années de plus est en effet souvent un obstacle déterminant à la poursuite des études. Par le biais des emplois d'avenir professeur, nous voulons donc ouvrir à ces jeunes, dans les zones concernées, la possibilité de continuer leurs études en ayant un complément de rémunération pour qu'ils puissent donner libre cours à leurs talents d'éducateurs et de professeurs. J'insiste sur la question du public concerné car c'est là que se trouve la différence fondamentale entre ces emplois et d'autres mécanismes précédemment mis en oeuvre.
Quant aux employeurs potentiels, compte tenu du type de jeunes concernés, nous souhaitons qu'ils relèvent prioritairement du secteur non lucratif : collectivités locales, associations, grande famille de l'économie sociale et solidaire dès lors qu'elle ne relève pas d'un mécanisme lucratif. Nous avons fait ce choix d'abord parce que les entreprises privées ont été les premières à nous dire qu'employer ces jeunes serait, pour elles, plus source de problèmes que d'avantages. À l'inverse, les collectivités locales peuvent accueillir ces jeunes dans de bonnes conditions d'encadrement et d'accompagnement. Et dans le domaine associatif, la coloration « utilité sociale » de ces emplois est valorisante, y compris pour le jeune lui-même. Certes, les associations auraient aimé pouvoir employer des jeunes plus qualifiés, mais même s'il est très intéressant financièrement pour elles, le dispositif des emplois d'avenir n'est pas prioritairement destiné à les aider ; c'est une aide destinée d'abord aux jeunes en difficulté.
J'en viens au type d'emplois concernés sur le plan professionnel et juridique. S'agissant du contenu professionnel, l'objectif n'est pas d'occuper des jeunes pour les occuper, et encore moins de jouer sur les chiffres du chômage. Il est de faire en sorte que les emplois en question soient porteurs d'un avenir pour ceux qui les occupent. Ces emplois dans l'économie réelle doivent donc être potentiellement porteurs : aide aux personnes, emplois dans le domaine du développement durable ou des économies d'énergie, animation sportive ou en direction des jeunes. À l'issue des trois ans de présence du jeune, ces emplois, qui correspondent à des besoins de notre société, déboucheront sur des emplois dans la collectivité ou l'association, ou à l'extérieur.
Sur le plan juridique, le contrat de travail associé à un emploi d'avenir pourra être conclu pour une durée minimale de un an et une durée maximale de trois ans, pour s'adapter aux besoins des employeurs et des jeunes. Nous souhaitons qu'il s'agisse prioritairement de contrats à durée indéterminée, mais le législateur ne peut l'imposer car cela poserait un problème dans les collectivités locales et aux employeurs potentiels dans les associations, qui ne peuvent pas forcément s'engager au-delà de trois ans. Le montant de l'aide de l'État sera en moyenne de 75 % de la rémunération brute au niveau du SMIC – il y aura des différences selon les zones géographiques, notamment pour l'outre-mer – dans les secteurs non lucratifs, et pour les quelques exceptions du secteur lucratif, cette aide ne sera que de 35 % environ.
Enfin, l'accompagnement, sur lequel M. Thierry Repentin reviendra, est un élément d'autant plus décisif que les jeunes concernés sont en grande difficulté et qu'ils n'ont pas ou très peu de qualification. Ces emplois d'avenir doivent donc être massivement assortis d'un programme d'accompagnement personnel et de formation ; c'est décisif pour leur réussite ! Cela nécessite bien sûr la mobilisation de l'État et une excellente coordination avec les collectivités locales concernées. Il faudra donc travailler dès maintenant avec les régions pour que cet accompagnement en termes de formation soit une réalité. Au moment où l'employeur présentera le poste devant être occupé par le jeune, il devra aussi présenter le plan de formation accompagnant celui-ci et correspondant aux qualifications du poste.
Pour terminer, je reviendrai brièvement sur la catégorie particulière des emplois d'avenir professeur prévus par l'article 2. L'année prochaine, pour 6 000 de ces jeunes auxquels il faut offrir un avenir, l'enseignement sera une solution. Les modalités de ces emplois seront naturellement différentes de celles que je viens de décrire. Les emplois d'avenir professeur seront ouverts aux seuls boursiers qui percevront une rémunération complémentaire leur permettant de disposer, au total, de 900 euros environ par mois. En contrepartie, les bénéficiaires devront être présents dans des établissements non pas pour enseigner, mais pour accompagner des jeunes ou des élèves pendant une dizaine d'heures par semaine. Ils devront aussi, bien sûr, s'engager à se présenter à un concours de professeur dans l'éducation nationale. Et l'aide en question pourra être renouvelée le temps qu'il leur faudra pour présenter le concours.
Si vous le permettez, madame la présidente, Thierry Repentin se fera maintenant un plaisir de compléter le volet décisif de la formation, qui est la clef de la réussite de ces emplois d'avenir.