J'ai éprouvé le plus vif intérêt à présider une mission d'information dont les travaux se sont déroulés jusqu'à hier encore dans le meilleur esprit.
En 2013, la Cour des comptes s'est interrogée sur l'exceptionnelle profitabilité du régime des concessions autoroutières. Nous avons entendu ce constat et, dans le prolongement de la mission d'information créée par la Conférence des présidents, le 19 novembre 2013, sur l'écotaxe poids lourds, la Commission du développement durable a décidé, le 21 mai 2014, de créer une mission d'information sur la place des autoroutes dans les infrastructures de transport. Vous noterez que cette décision est antérieure à l'avis rendu par l'Autorité de la concurrence en septembre dernier.
Cette mission d'information a entendu tous les acteurs du secteur : dirigeants des sociétés concessionnaires d'autoroutes, responsables administratifs des ministères compétents, responsables de différentes autorités comme l'Autorité de la concurrence. Elle s'est réunie au total quatorze fois et elle a procédé à l'audition de vingt-sept personnes, ce qui lui a permis de faire un tour d'horizon exhaustif de la question dont elle était saisie.
Ce sujet est aujourd'hui au premier plan du débat politique, et vous me permettrez de penser que les travaux de la mission d'information ne sont pas pour rien dans ce regain d'intérêt. Le rapport de M. Jean-Paul Chanteguet a été cité avant même qu'il ne soit achevé et adopté par notre commission : c'est dire l'attente qu'il provoque. Qu'il me soit permis de saluer l'engagement personnel du rapporteur de notre mission.
Grâce à ce rapport d'information, le Parlement, se réapproprie un sujet dont il avait pendant trop longtemps été tenu à l'écart. Hier soir, les membres de la mission ont longuement débattu des conclusions à rendre. Sur le fond, une quasi-unanimité s'est dégagée pour constater que l'esprit du système de concession, largement développé, en son temps, par notre pays, n'était pas remis en cause. Tout en déplorant les privatisations, M. Yves Crozet, économiste des transports, que nous avons auditionné, s'est d'ailleurs plu à démontrer qu'un État désargenté n'avait pas d'autres recours que celui de développer des modes de gestion délégués. Je crois rendre fidèlement compte de nos échanges au sein de la mission en estimant que ni la gauche ni la droite ne souhaitent prendre le risque de mettre en difficulté de grands groupes français se refinançant en permanence à l'international.
Sans doute en raison d'une insuffisance de nos moyens d'expertise, plus que par manque de culture économique, nous n'avons pas réussi à faire la part des choses, entre bénéfice des sociétés d'autoroute et rentabilité du capital investi. Cette question est pourtant centrale, puisque, à un moment, ces grands groupes ont fait de très « gros chèques » à l'État sur la base d'une grande rentabilité des concessions. J'éprouve une frustration sur ce sujet qui m'engage à poursuivre mes propres réflexions.
Malgré tout, il est clairement apparu indispensable aux parlementaires concernés de se poser aujourd'hui la question du rééquilibrage des contrats passés entre l'État et les sociétés concessionnaires.
Pour sa part, le Gouvernement souhaite allonger les durées de concession des sociétés d'autoroute de deux à quatre ans en contrepartie d'un plan d'investissement, contrats déjà prolongés d'une année sous la précédente mandature.
Les précédents rapports, notamment ceux de la Cour des comptes et de l'Autorité de la concurrence, faisaient apparaître la nécessité de renforcer les contreparties en direction de la puissance publique – renforcement de la Commission nationale de contrôle des marchés, des services de l'État en charge de planifier les investissements lors de contrats de plan, encadrement de l'optimisation fiscale, clause de revoyure à mi-parcours... Ils mettaient également en avant les besoins de contreparties en direction des usagers avec notamment la modification des calculs d'évolution des tarifs des péages jusqu'à présent très bien indexés.
Le rééquilibrage des contrats de concession doit-il se faire par la voie de la négociation – dans ce cas, que pouvons-nous obtenir en contrepartie des allongements de contrats – ou par celle de la dénonciation contractuelle ? La réponse à cette question est d'autant plus importante si l'on considère qu'à l'avenir ce type de mode de gestion se développera.
Ce débat a naturellement sa place à l'Assemblée nationale. D'ores et déjà les lignes ont bougé. Je pense à l'introduction d'une Haute Autorité de surveillance et de contrôle des concessions d'autoroutes grâce à l'élargissement de pouvoirs de l'ARAF, dans le cadre du projet de loi pour la croissance et l'activité. Selon moi, il s'agit d'un dispositif essentiel car nous avons besoin d'une expertise permanente et indépendante sur ces questions ainsi que de propositions pour améliorer en permanence les mécanismes en vigueur. Sur ce sujet, quand on connaît l'activisme de l'ARAF dans le domaine des transports ferroviaires, on peut être rassuré. Je pense aussi aux discussions qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale le 4 décembre dernier, lors de l'examen de la loi de finances rectificative, avec l'adoption de l'amendement de notre collègue Olivier Faure, cosigné par Jean-Paul Chanteguet.
Au final, je me félicite qu'un consensus ait été trouvé autour de l'enjeu majeur que constitue la redistribution plus équitable de la manne autoroutière au bénéfice des investissements et des citoyens.