Je crains que le ton de mon intervention ne soit différent de celui de mes prédécesseurs. Le groupe UMP estime en effet que nous prenons le problème par le petit bout de la lorgnette et que ses enjeux sont surtout financiers et médiatiques. Nous sommes en fait confrontés à un double problème : celui des tarifs des péages et celui des bénéfices des sociétés concessionnaires, qui sont tous deux considérés comme trop élevés. S'il était utile qu'une mission d'information de notre commission travaille sur ce sujet, ses conclusions sont loin d'avoir abouti à un consensus car le rapport d'information qui nous est présenté est à charge. (Murmures sur les bancs SRC)
Si vous me permettez l'expression, il est sans concession à l'égard des sociétés d'autoroutes. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas valider un tel travail.
De la même façon que la Cour des comptes a publié un rapport pour expliquer que les TGV n'étaient pas assez rentables et qu'il fallait agir, elle en publie un autre pour expliquer que les sociétés d'autoroutes sont trop rentables et qu'il faut agir. J'y vois une certaine contradiction, et je me demande surtout s'il nous faut remettre en cause les structures économiques du pays à chaque fois que la Cour des comptes sort un rapport : la stabilité juridique, indispensable aux entreprises, risque d'en prendre un sacré coup.
Notez bien que les tarifs des péages autoroutiers sont loin d'être les seuls à augmenter plus vite que l'inflation. Est-ce pour autant que l'on déploie une telle débauche de moyens dès lors que cela se produit ? Nos primes d'assurance habitation obligatoire augmentent tous les ans de 6 à 10 %. Avons-nous pour cela créé une mission d'information au Parlement ? Avons-nous mis en cause les compagnies d'assurance et critiqué le système d'assurance de notre pays ? Si nous devions instruire à charge le dossier de chacun des secteurs concernés nous risquerions surtout de voir des pans entiers de l'économie frappés d'un immense découragement. (Murmures sur les bancs SRC)
Je parle d'un travail à charge car il faut rappeler que si notre pays bénéficie aujourd'hui d'un réseau moderne d'autoroutes concédées, c'est grâce aux sociétés qui l'entretiennent et qui investissent. La France est certainement le pays qui dispose du réseau autoroutier le mieux entretenu et le plus performant d'Europe. Certes, il n'a pas été créé par les sociétés d'autoroutes, cependant, depuis dix ans, elles en ont la charge, pour sa plus grande partie. Or ces éléments positifs en faveur des sociétés concessionnaires ne sont pas cités dans le rapport d'information. Au contraire, dès les premières lignes de son introduction, une conclusion est déjà tirée : « Le niveau de profitabilité “hors normes” de ces sociétés, jamais démenti depuis la privatisation des concessions en 2005-2006, ne peut être accepté […] » Tout le rapport est inscrit par anticipation dans cette phrase : une seule approche sera retenue qui vise à critiquer les profits des sociétés d'autoroutes.
J'ajoute que l'application des conclusions du rapport risquerait de tuer la poule aux oeufs d'or. Peut-être les tarifs sont-ils trop élevés, mais sans les 2 milliards d'euros de bénéfices nets des sociétés concessionnaires, dénoncés par M. Chanteguet, l'État et la collectivité ne verraient pas tomber 3,8 milliards d'euros dans leur escarcelle, par l'intermédiaire des impôts, des taxes, de la TVA, des charges, de l'impôt sur les sociétés, de la redevance domaniale, et des taxes d'aménagement touristique. Si la profitabilité des sociétés d'autoroute diminue, l'État perdra une partie de cette somme. En s'attaquant à une « trop grande profitabilité », on réduira malheureusement les recettes futures de l'État.
Pour notre part, nous nous rallierions plutôt à la proposition de M. Yves Crozet que vous avez cité. Il préconise la mise en place d'une autorité de régulation des transports terrestre qui validerait les évolutions de tarifs – comme l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) valide les tarifs d'utilisation du réseau ferré national.
Il est aussi à craindre que la solution retenue par le rapport d'information ne décourage les concessionnaires futurs. Quel message envoyons-nous aux grandes entreprises françaises au moment même où l'État privatise des infrastructures aéroportuaires en faisant appel à des investisseurs étrangers ? (Murmures sur les bancs SRC)
Il aurait été possible, comme le Gouvernement semble le préconiser, de renégocier avec les sociétés concessionnaires pour mettre en place un plan de relance de plus grande ampleur pour un secteur du BTP dans lequel il est urgent de créer des emplois.