Intervention de Jean-Paul Chanteguet

Réunion du 17 décembre 2014 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Chanteguet, rapporteur de la mission d'information :

La dénonciation des contrats de concession est peut-être une « bombe atomique ». Il reste que ces contrats sont aujourd'hui déséquilibrés.

Lorsque Frédéric Cuvillier est arrivé aux responsabilités, considérant que les autoroutes devaient apporter un retour financier à l'État et aux infrastructures de transport, il a décidé d'augmenter la redevance domaniale. Aujourd'hui, les sociétés autoroutières versent globalement à l'État 3,8 milliards d'euros, d'abord au titre de la TVA et de l'impôt sur les sociétés, de la taxe d'aménagement du territoire – à hauteur de 530 millions d'euros – et enfin, de la redevance domaniale – à hauteur de 300 millions d'euros au lieu de 200 millions auparavant. Les sociétés concessionnaires d'autoroutes ont alors déposé un recours devant le Conseil d'État, qu'elles ont perdu. Or, on découvre aujourd'hui qu'un protocole d'accord a été signé entre l'État et les sociétés concessionnaires et qu'en contrepartie de cette augmentation de 100 millions d'euros de la redevance domaniale, les tarifs d'autoroute allaient connaître une augmentation supplémentaire de 1,5 % entre 2015 et 2018, en plus de celle prévue par les contrats de concession. À cela s'ajoute le Plan de relance autoroutier. J'avais entendu parler de cet accord mais on ne nous a communiqué aucun document à ce sujet dans le cadre de cette mission d'information. Je découvre comme vous l'article publié ce matin même dans Les Échos. (Murmures sur divers bancs)

La précédente majorité avait déjà engagé un Plan de relance autoroutier afin de lancer des investissements permettant de mieux prendre en compte les enjeux environnementaux. En contrepartie, les contrats de concession autoroutière ont été prolongés d'un an, avec l'accord du Parlement de sorte que si, demain, un nouveau plan de ce type était décidé, il devrait lui aussi être acté par nos deux assemblées.

Ce plan de relance était doté au départ de 3,6 milliards d'euros. Après examen par la Commission européenne, ce montant a été ramené à 3,2 milliards pour les sept sociétés concessionnaires, Cofiroute inclus. Ce plan sera mis en application sur onze ans. En contrepartie, les contrats de concession seront prolongés d'une durée allant de deux ans à quatre ans et deux mois. Pour certaines concessions, cela représente une augmentation de plus de 30 % de la durée de concession restante. Plus d'un tiers des investissements prévus par ce plan concerne des sections d'autoroute ou des ouvrages qui n'étaient pas concédés jusqu'ici et qui le seront demain. On assiste ainsi à une double manipulation – allongement de la durée et élargissement du champ des concessions – et l'on se retrouve ainsi face à des concessions perpétuelles. (Sourires)

Demain, au lieu de disposer d'un réseau concédé de 9 000 km, ce réseau sera de 11 600 km. Je ne puis accepter un tel choix. Le moment est venu de prendre des décisions fortes.

Depuis quelques temps déjà, je préconise la dénonciation des contrats de concession et la création d'un EPIC. Le rachat des concessions suppose forcément le versement d'une indemnité pour le préjudice subi. Cette indemnité est prévue à l'article 38 des contrats de concession ; elle vise à prendre en compte, sur la durée restante de la concession, les cash-flows disponibles, déduction faite des impôts. Partant de cette définition, on estime le coût de l'opération à 20 milliards d'euros – à ne pas confondre avec les moyens financiers que l'EPIC devra mobiliser pour mener cette opération. Cela s'explique par le fait que ces sociétés d'autoroute sont endettées. Cet endettement existait d'ailleurs déjà au moment où elles ont été privatisées. Pour les six sociétés principales, au moment de la privatisation, le niveau d'endettement s'élevait de 17 à 18 milliards d'euros. Il reste aujourd'hui à peu près à ce niveau, sachant qu'en 2006-2007, deux sociétés autoroutières ont emprunté 5 milliards d'euros pour verser aux actionnaires 5 milliards de dividendes exceptionnels.

Enfin, il ressort des informations en notre possession que le retour financier va s'accroître rapidement, en particulier parce que la dette de la Caisse nationale des autoroutes, de 6,5 milliards d'euros, sera complètement amortie à la fin de l'année 2018. D'autre part, l'article 35 des contrats de concession oblige les sociétés concessionnaires autoroutières à remettre tous les ans à l'État un plan prévisionnel, jusqu'à la fin des concessions portant sur l'endettement, les fonds propres, la trésorerie et la rentabilité de celles-ci. J'ai demandé communication de ces rapports – ce qui m'a été refusé par le Secrétariat général du Gouvernement. Nous savons cependant qu'il ressort de ces rapports que tous les indicateurs financiers vont s'améliorer d'ici à la fin des durées de concession.

J'ai conscience de ne pas avoir répondu à toutes vos questions. Vous m'en excuserez.

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