Intervention de Dominique Hénon

Réunion du 2 décembre 2014 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Dominique Hénon :

Cet examen n'est pas encore passé dans les moeurs. Il faut dire qu'il est cher et que pour qu'il soit pris en charge par la sécurité sociale, les médecins ont beaucoup de cases à remplir !

Nous avons regardé ensuite la longévité, et la diminution de l'écart de vie en bonne santé entre les femmes et les hommes. En France, l'espérance de vie à la naissance des femmes, qui était en 2012 de 84,8 ans, est l'une des plus élevées au monde. Elle est sensiblement supérieure à celle des hommes, qui était, cette même année, de 78,4 ans. En revanche, l'écart d'espérance de vie en bonne santé se réduit, en raison des comportements à risque. Les hommes y gagnent, et les femmes y perdent.

Les motifs d'une espérance de vie plus élevée chez les femmes font débat. Est-ce que ce sont des raisons biologiques, des comportements plus favorables à la santé, un rapport plus favorable à la médecine ? Le CESE a constaté au fil de ses travaux que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à déclarer consulter un médecin. Elles recourent davantage aux examens de prévention, en particulier ceux qui leur sont spécifiques. Les périodes liées à la fécondité sont enfin l'occasion de bilans de santé. Mais les hommes, en adoptant peu à peu des comportements plus favorables à leur santé comblent progressivement l'écart d'espérance de vie.

Au vu des tendances sociodémographiques actuelles, le vieillissement de la population devrait s'accentuer, et cette progression devrait connaître un pic d'ici à 2030. En 2050, un Français sur trois sera âgé de soixante ans ou plus, contre un sur cinq en 2005. Ces perspectives attirent l'attention sur un phénomène majeur des prochaines décennies et sur les politiques de prévention permettant le bien vieillir, c'est-à-dire en meilleure santé possible.

Pour les gérontologues, le processus de vieillissement est hétérogène et s'il n'est pas possible d'influencer les facteurs génétiques, il est par contre possible de modifier les facteurs d'environnement tels que les facteurs socioéconomiques, ainsi que les progrès de la médecine de prévention et l'accès aux soins.

Les femmes sont particulièrement vulnérables aux maladies cardiovasculaires. La prévalence augmente avec l'âge et si cette pathologie est traitée, on diminue de 40 % l'incidence des accidents vasculaires cérébraux, cause importante de décès et de dépendance, dont le coût social et humain est très lourd.

La maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées sont les maladies les plus fréquentes de dépendance. Nous avons auditionné le professeur Françoise Forette, qui est directrice de la Fondation nationale de gérontologie. À cette occasion, celle-ci a souligné que le taux global de dépendance était en fait peu élevé : 7 % de la population totale de plus de soixante ans. Cela veut dire que 93 % de cette population est autonome. Cette approche méritait d'être soulignée. En revanche, la prévalence de la maladie d'Alzheimer augmente après 80 ans, et touche davantage les femmes que les hommes – avec un écart de l'ordre de deux tiersun tiers. Mais comme les femmes vivent plus longtemps, on recense un nombre de femmes plus important.

Nous sommes sortis du déroulement de la vie des femmes pour regarder plus précisément la représentation des femmes dans la recherche médicale et les essais cliniques. Nous nous sommes rendus compte que celles-ci étaient largement sous-représentées dans la recherche médicale, et que les différences biologiques entre hommes et femmes avaient une incidence sur l'action des traitements et les prises en charge. À titre d'exemple, au regard des différences de poids moyen entre les deux sexes, un traitement pré-dosé pourrait être excessif pour une femme au vu de la surreprésentation des hommes dans les cohortes sollicitées pour réaliser un essai clinique.

Cette exclusion des femmes des essais thérapeutiques a sans doute été dictée par le souci de les protéger dès lors qu'elles pourraient ignorer un début de grossesse. C'est en tout cas la politique qui a été avancée par la Food and Drug Administration (FDA) dans les années soixante-dix pour les exclure des essais de phase I. Mais en fait, la pratique s'est étendue, et l'on a sorti les femmes des essais cliniques.

Une étude, qui a fait l'objet d'une communication lors d'un congrès sur la santé cardiovasculaire en 2008, faisait état d'une sous-représentation marquée dans les populations sollicitées, alors que les femmes constituent 53 % des patients atteints par ces pathologies cardiovasculaires. Par ailleurs, une étude sur la prise en charge de l'infarctus, réalisée en Franche-Comté, a montré que le manque d'évaluation des traitements appliqués aux femmes pouvait avoir des conséquences dramatiques en matière de mortalité, d'autant que les symptômes de la même pathologie peuvent être différents de ceux des hommes. Et pour les médecins qui ont mené cette étude, il convient de réfléchir à une surveillance et à des traitements plus spécifiques chez les femmes en formant les médecins à la prise en charge correspondante. Il a ainsi précisé que le stent, le petit ressort métallique destiné à maintenir une artère ouverte, fonctionne parfaitement chez une femme mais demande un geste particulier, car les artères des femmes sont plus fines et sinueuses.

Selon un article tout à fait récent rédigé par un cardiologue, les crises cardiaques augmentent chez les femmes, mais les hommes restent les principales cibles des messages de prévention. Et le professeur Simon, chef du service de prévention cardiovasculaire de l'hôpital européen Georges Pompidou, souligne que la proportion des femmes dans les essais cliniques n'est que de 30 % en moyenne. Plusieurs pistes commencent à se dégager, pour réintroduire une représentation plus fidèle à la population, et en particulier aux besoins spécifiques des femmes.

Nous avons également étudié le renoncement aux soins, qui devient de plus en plus fréquent par manque de temps ou d'argent, et qui apparaît plus élevé chez les femmes : 16,5 % de femmes renoncent aux soins, quand les hommes y renoncent à hauteur de 11,7 %. Les soins les moins bien remboursés par l'assurance maladie sont à l'origine de la majorité des renoncements : les soins bucco-dentaires, l'optique et tout ce qui nécessite une avance de frais.

Ce renoncement concerne aussi le recours aux examens de dépistage et de prévention. Ainsi, parmi les femmes de quarante ans ou plus appartenant à des ménages modestes, 34 % n'ont jamais réalisé de mammographie, contre 19 % des autres femmes dans la même tranche d'âge. Il en est de même pour le frottis permettant de dépister le cancer du col de l'utérus : 12 % des femmes disposant de faibles ressources, âgées de 20 à 70 ans, n'en ont jamais réalisé. C'est deux fois plus que dans le reste de la population, ce qui a fait dire au corps médical que le cancer de l'utérus était le cancer de la femme pauvre. J'ai trouvé cela dramatique. En revanche, je tiens à saluer l'avancée qui consiste à prendre en charge à 100 % tous les trois ans le dépistage du cancer de l'utérus. Il s'agit d'une mesure récente, adoptée en 2013.

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