Intervention de Louis Schweitzer

Réunion du 16 décembre 2014 à 17h00
Commission des affaires économiques

Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement :

Le programme d'investissements d'avenir (PIA) est né, en 2009, d'une initiative de M. Sarkozy, que MM. Juppé et Rocard ont traduite en projet, la même année, dans un rapport qui se fondait sur deux idées : en période d'austérité budgétaire, il faut préserver l'investissement et l'avenir, alors que la tendance naturelle des responsables du budget est de sacrifier le futur au présent ; il faut sortir ce sujet du débat politique et assurer une cohésion entre la droite et la gauche, ce qui a été fait par le biais des nominations, MM. Juppé et Rocard étant toujours présidents du comité de surveillance du commissariat général à l'investissement.

Quelles sont les orientations du PIA ? Le maître mot est l'excellence, que ce soit dans la recherche, dans l'enseignement supérieur, dans la formation, dans le transfert entre recherche fondamentale et recherche appliquée, dans l'industrie, dans le numérique et dans le développement durable. Cette recherche d'excellence se traduit dans une double approche : nous finançons des projets après une procédure d'appel validée par des experts et nous refusons, par exemple, de venir au secours d'entreprises en difficulté ; nous cherchons à favoriser des réformes structurelles. Le projet de regroupement universitaire – la communauté d'universités et établissements (ComUE) a remplacé le pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) imaginé par la précédente majorité – bénéficie du soutien du PIA. De même, nous avons suscité la création d'instituts de recherche technologique pour que les universités et les entreprises s'investissent dans des projets de recherche communs.

Le Commissariat général à l'investissement est constitué d'une petite équipe d'une trentaine de personnes, rattachée au Premier ministre, qui passe des conventions avec des opérateurs tels que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'Agence nationale de la recherche, la Caisse des dépôts, la Banque publique d'investissement. Ces opérateurs gèrent les procédures en amont et en aval de la décision qui est prise soit par le commissaire général, soit par le Premier ministre, en fonction du montant concerné.

Les 47 milliards d'euros de crédits dévolus aux investissements d'avenir ont tous été ouverts en lois de finances : 35 milliards d'euros en mars 2010 et 12 milliards d'euros en décembre 2013. Certains crédits, comme les subventions et les avances remboursables, relèvent du déficit maastrichtien, contrairement aux dotations en capital et aux prêts. Crédits un peu particuliers destinés aux universités, les dotations non consommables restent dans les comptes du Trésor, mais les bénéficiaires en perçoivent les intérêts annuels pendant une période qui peut être illimitée. Nous cherchons toujours à attirer d'autres sources de financements, privées notamment, et à monter des cofinancements qui ont un effet multiplicateur sur les fonds publics.

Qu'en est-il de la consommation de ces crédits ? Un peu plus de 32 milliards d'euros ont été engagés et 9 milliards d'euros ont été payés, la différence tenant aux dotations non consommables pour lesquelles ne sont payés que les intérêts, soit, chaque année, 3,5 % de la somme. Il existe donc un gros écart entre les paiements – qui pèsent sur le déficit – et les engagements.

Le premier enjeu du PIA est la continuité de l'action du Commissariat général à l'investissement : troisième commissaire général, je m'inscris dans la ligne de René Ricol et Louis Gallois ; les domaines d'actions et les enveloppes n'ont pas varié depuis l'origine. Les circonstances qui ont motivé l'adoption du premier PIA en 2010 – préserver les investissements d'avenir en période de rigueur budgétaire – n'étaient pas différentes en 2013, ce qui a conduit le Gouvernement de l'époque à proposer un PIA 2. Elles ne me paraissent pas avoir évolué depuis 2013 et, à vrai dire, je pense qu'elles ne changeront pas dans les deux ou trois ans à venir. Par conséquent, je pense qu'il n'est pas déraisonnable de réfléchir à un PIA 3. En termes de procédure et de répartition des crédits, le PIA2 est entièrement fondé sur les réflexions de la commission Juppé-Rocard. En cas de PIA3, en 2015 ou 2016, il y aura lieu de s'assurer de la pertinence des secteurs et des modes d'intervention qui avaient été définis en 2009. Quoi qu'il en soit, sur le principe, l'idée me paraît légitime.

Deuxième enjeu majeur : l'évaluation. Il est nécessaire de mesurer l'efficacité du PIA, mécanisme spécifique s'inscrivant dans la durée. Les appels à projets que nous lançons suscitent-ils un nombre significatif de réponses de bonne qualité ? Autrement dit, savons-nous affecter les sommes dont nous disposons à des projets de qualité ? À un deuxième niveau, nous devons aussi évaluer la réussite et l'impact des projets que nous finançons. Les laboratoires que nous finançons réalisent-ils effectivement d'excellentes recherches ? Nos investissements sont-ils réellement porteurs d'avenir et d'efficacité ? Le coût de ces investissements est-il raisonnable ? Cette évaluation est conduite au rythme de l'exécution de la dépense, c'est-à-dire sur les 9 milliards d'euros qui ont été dépensés. Le troisième niveau d'évaluation – l'effet transformant de ces investissements – est plus important et plus complexe. L'un des projets du PIA vise à achever la couverture de tout le territoire français par l'internet à très haut débit en 2022. Il sera important de vérifier si cette couverture totale fait réellement tomber la barrière du numérique qui divise les groupes sociaux ou les territoires. À l'évidence, on ne peut le faire qu'à une plus grande échelle. De même, après avoir soutenu l'investissement des universités et la recherche d'excellence, il faudra s'intéresser à l'évolution du niveau général de la recherche française et à notre place dans les classements internationaux. En outre, le Commissariat général à l'investissement a reçu la mission de réaliser une contre-expertise de tous les investissements supérieurs à 100 millions d'euros et faisant appel à un financement de l'État ou de ses établissements publics, qu'ils soient universitaires, hospitaliers ou d'infrastructures de transport.

Continuité ne veut pas dire immobilité, et nous avons – c'est le troisième enjeu – des marges de progrès en termes de vitesse et de simplicité. Nous mesurons les délais qui séparent les différentes étapes d'un projet : appel à projets, dépôt des projets, instruction, décision du Premier ministre ou du commissaire général sur l'engagement de la dépense, signature d'un contrat entre les parties, exécution. Le processus peut prendre des mois, voire des années, ce qui pose un problème aux entreprises qui veulent développer un projet innovant. Nous avons l'ambition de réduire à trois mois maximum le délai qui sépare le dépôt du projet de la signature du contrat entre l'État et le bénéficiaire, sauf pour les projets de très grande envergure et très complexes. Nous avons réussi à respecter ce délai pour les 110 start-up que nous avons subventionnées au cours de l'année 2014 dans le cadre du concours mondial d'innovation. Dans notre domaine, l'accélération du délai est essentielle. D'ici à mi-2017, c'est-à-dire dans trente mois, nous voudrions avoir engagé et contractualisé la quasi-totalité des 47 milliards d'euros du PIA2. Cette accélération, qui ne doit pas conduire à sacrifier l'excellence et à bâcler les dossiers, passe par la simplification des systèmes, l'élimination des doubles expertises et des files d'attente. Il s'agit de rendre les procédures plus fluides.

Enfin, il faut éviter le risque de débudgétisation au profit d'un PIA qui se banaliserait, les crédits étant utilisés pour d'autres finalités que celles définies à l'origine. Il s'agit de financer des projets d'excellence et non pas des dépenses ordinaires qui relèvent de crédits budgétaires classiques. Le risque s'est matérialisé dès 2011 et il perdure.

Pour conclure, je voudrais dire que ce métier est passionnant. Je suis convaincu que le bilan du PIA, quand on le dressera, sera positif.

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