Je suis heureux que le temps du Parlement commence. Alors qu'avant même d'être finalisé, ce texte faisait déjà l'objet de nombre d'interprétations, je voudrais ici en rappeler l'esprit, la philosophie d'ensemble et le cheminement. La cohérence de cette loi tient à sa volonté d'ouvrir des opportunités dans différents secteurs d'activité. Les équilibres juridiques, économiques et sociologiques étant ce qu'ils sont, redonner des droits à certains peut certes en inquiéter d'autres. Mais cette loi n'interdit rien ; en déverrouillant toutes les sphères économiques possibles, elle cherche à offrir des chances et des droits réels à chacun de nos concitoyens.
L'urgence de ce texte est dictée par l'urgence de notre situation économique et sociale : étant donné le niveau du chômage et l'anémie de plusieurs secteurs d'activité, il n'est plus possible de maintenir le statu quo ni de temporiser. Ce texte cherche, de manière concrète et pragmatique, à agir sur tous les leviers disponibles pour recréer de l'activité. Il ne s'agit ni d'une loi de petites choses – car l'économie est ainsi faite qu'il faut toucher à différents domaines pour prétendre à l'efficacité – ni d'un big bang qui viendrait déstabiliser un secteur ou une profession en revenant de manière inutile sur des situations acquises ou des équilibres existants. Pour y avoir longuement réfléchi, je ne crois pas à la grande réforme qui débloquerait l'économie française ; aussi ce texte cherche-t-il à déverrouiller le strict nécessaire. Sans prétendre résoudre du jour au lendemain tous les problèmes de l'économie française, il vise à redonner des perspectives et à recréer des sphères d'activité partout où cela est possible.
Cette loi se construit autour de trois axes : libérer et ouvrir, investir et innover, travailler. Il faut d'abord libérer l'accès à certains emplois et à certains secteurs, car la première égalité à restaurer est celle des chances économiques. Pour favoriser la mobilité sur le territoire et créer une nouvelle sphère d'activité, le texte propose d'ouvrir et de développer le secteur du transport par autocar, qui fait aujourd'hui l'objet de multiples autorisations préalables. Deux faits résument la situation : dans notre pays, la mobilité repose à 83 % sur des véhicules particuliers et à 17 % sur les transports collectifs ; seulement 110 000 voyageurs par an prennent l'autocar en France, contre 8 millions en Allemagne et 30 millions au Royaume-Uni. La qualité du réseau SNCF n'y est pas étrangère, mais la fermeture du secteur compte également pour beaucoup dans cette réalité. Il est problématique de ne pouvoir compter que sur le train ou le véhicule particulier pour effectuer certains trajets – par exemple Nantes-Bordeaux ou Bordeaux-Lyon. Ouvrir l'exploitation de lignes d'autocars sur le territoire national permettra d'encourager la mobilité et de la rendre plus égalitaire, mais aussi de créer des opportunités pour l'activité ; la mobilisation, ces derniers jours, des acteurs économiques du secteur montre combien ils attendent ce signal. Alors que le transport routier de marchandises souffre d'un problème de surcapacité, organiser la reconversion des chauffeurs de poids lourds en chauffeurs d'autobus constituerait une réponse concrète pour lutter contre le chômage. L'intérêt public sera pleinement pris en compte : s'agissant des lignes infrarégionales, l'autorité organisatrice des transports (AOT) pourra interdire les lignes d'autocars qui feraient concurrence aux services publics de transport, après un avis conforme de la nouvelle Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), aux compétences élargies.
Favoriser la mobilité, c'est aussi faciliter l'obtention du permis de conduire – actuellement l'un des freins à la mobilité sur notre territoire, qui pénalise principalement les jeunes. En application des annonces faites par Bernard Cazeneuve l'été dernier, la réforme prévoit de recentrer les examinateurs sur le passage du permis B en confiant à des opérateurs agréés la surveillance de l'épreuve théorique et des épreuves pratiques de certains permis poids lourds. Cela permettra de réduire les délais d'attente, rendant le passage du permis plus rapide et moins cher. Au-delà de ce premier élément concret, le projet de loi mérite d'être enrichi par le débat parlementaire, car le coût – en moyenne 1 500 euros pour le permis normal et 1 100 pour la conduite accompagnée – et les délais actuels, très variables sur le territoire mais trop longs pour les jeunes comme pour tous ceux qui veulent accéder à un emploi, doivent nous conduire à nous montrer encore plus ambitieux sur cet élément clé de la mobilité.
Ouvrir, c'est également favoriser la concurrence et mieux réguler les situations de monopole. Dans le secteur de la grande distribution, le texte propose de donner à l'Autorité de la concurrence un pouvoir d'injonction structurelle. Cette mesure – décidée pour l'outre-mer il y a quelque dix-huit mois – permettra à l'Autorité d'enjoindre aux opérateurs qui détiennent plus de 50 % du marché dans le commerce de détail et qui abusent de leur position dominante en pratiquant des prix qui ne se justifient pas par la situation géographique, de céder des surfaces commerciales. Le projet de loi confie également à la nouvelle ARAFER la régulation des concessions autoroutières. En effet, l'évolution des tarifs des péages depuis la privatisation, constatée tant par l'Autorité de la concurrence que par la Cour des comptes, justifie de renforcer la transparence et la pression sur ces opérateurs. Plusieurs travaux parlementaires, en particulier celui conduit sous l'autorité de Jean-Paul Chanteguet, proposent des pistes qui devraient permettre d'enrichir le texte sur ce point. Le débat devra notamment déterminer le domaine de compétences exact de l'ARAFER et le degré optimal de régulation des sociétés autoroutières. En tout état de cause, il faudra remettre à plat les contrats de concession, donner à l'ARAFER un pouvoir accru pour en maîtriser la profitabilité et créer des clauses de partage du profit beaucoup plus dynamiques pour l'État. Les voies possibles – baisse de tarifs, réversion ou travaux supplémentaires – devront être creusées lors du débat.
La loi entend également moderniser les professions du droit. Ce travail, que nous avons conduit avec Christiane Taubira, a été enrichi par la contribution de Richard Ferrand, mandaté par le Premier ministre, et par le rapport que Cécile Untermaier et Philippe Houillon rendront demain, à l'issue de la mission d'information qu'ils ont conduite sur les professions juridiques réglementées au nom de la Commission des lois. Il ne s'agit pas de casser ce qui fonctionne, et les fondamentaux de ces métiers seront préservés. Ainsi, le texte ne supprime aucune profession, maintient l'exclusivité de leurs missions, n'abolit aucune règle déontologique, ne réforme pas les ordres et n'envisage aucune baisse du niveau de qualification. La situation actuelle en matière d'accès, de tarifs et d'équilibre démographique de plusieurs professions doit néanmoins être aménagée. Aujourd'hui, 85 % des administrateurs judiciaires ont plus de 50 ans ; 70 % des notaires titulaires sont des hommes ; 80 % des notaires salariés, dont les revenus sont en moyenne cinq fois moins élevés, sont des femmes. Dès lors, la modernisation des sept professions du droit concernées nous apparaît comme une nécessité du point de vue de la justice et de l'efficacité économique.
Aux termes du projet de loi, les professions réglementées du droit pourront ouvrir leur capital à d'autres professionnels du même secteur ou de secteurs complémentaires, comme les professions du chiffre, les experts comptables ne pouvant obtenir plus de 33 % des droits de vote au sein d'une même structure. L'enjeu de cette réforme est d'aider les professionnels à se moderniser en partageant les coûts des investissements nécessaires, sans nier la spécificité des métiers ni des règles déontologiques. Pour faciliter l'accès à ces professions, le Gouvernement souhaite instaurer une liberté d'installation régulée. Le texte ne supprime aucune profession ni ne remet en cause leurs monopoles – ceux qui le souhaitent pourront ainsi continuer à vendre leurs structures en transmettant leur clientèle –, mais ouvre une deuxième possibilité : celle de s'installer en partant de zéro, sans clientèle, dans les zones où une autorité indépendante aura identifié des carences. Dans les autres zones, où l'implantation d'offices supplémentaires pourrait porter atteinte à la continuité de l'exploitation des offices déjà installés ou compromettre la qualité du service rendu, l'installation pourra être refusée par la garde des Sceaux. Cette liberté d'installation régulée ne modifie donc en rien l'exigence en matière d'études et de stages, ni l'honorabilité des professionnels. Enfin, prenant appui sur un rapport de l'Autorité de la concurrence, nous passerons en revue les tarifs réglementés de six professions – notaires, greffiers de tribunaux de commerce, huissiers, commissaires-priseurs, administrateurs et mandataires judiciaires – afin de les orienter vers les coûts réels et de promouvoir une juste rémunération. Les mécanismes de péréquation seront maintenus dans les cas où ils se justifient ; les tarifs réglementés seront plafonnés, ce qui fera baisser les prix, mais un plancher sera également instauré. Les dispositifs spécifiques par profession pourront être abordés au cours de la discussion parlementaire.
Le deuxième pilier de ce texte, c'est investir et innover. Une philosophie de l'accès plus ouvert au capital doit permettre de renouer avec l'actionnariat salarié et l'épargne salariale. Il s'agit d'associer le plus largement possible les salariés au capital, au-delà des premiers cercles de dirigeants, et de mieux récompenser le risque, tout en étant intransigeant sur la rente. Le projet de loi propose trois mesures qui font système. Pour inciter les entreprises à distribuer des actions aux salariés performants, il simplifie le dispositif de taxation des attributions gratuites d'actions (AGA) en unifiant le régime fiscal des gains d'acquisition et de cession, ce qui implique d'adapter le régime social salarial. La contribution patronale sur les AGA sera alignée sur le régime de droit commun du forfait social applicable aux autres compléments de rémunération. Cette mesure apparaît importante tant pour les PME que pour certains de nos grands groupes aujourd'hui sortis des standards de compétitivité. Enfin, le projet de loi vise également à réformer les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise (BSPCE). En effet, beaucoup d'entreprises de la Silicon Valley abritent des Français – innovateurs et cadres performants – qui ne trouvent pas dans nos start-up de conditions de rémunération comparables. Pour inciter ces talents à rester dans notre pays, nous proposons de permettre aux start-up d'attribuer des BSPCE sur leurs propres titres à tous leurs salariés, y compris ceux de leurs filiales. C'est là un dispositif plus attractif et plus simple que celui actuellement en vigueur. Nous pourrons sans doute aller plus loin encore pour ce qui concerne les business angels ; les dispositions votées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, portées par Mme Bernadette Laclais, ont permis de commencer à simplifier les formalités auxquelles ils sont soumis, mais il faut conforter davantage cet écosystème. Cela permettra de renforcer notre attractivité et de développer l'innovation et la créativité, qui doivent devenir l'un des moteurs de notre économie.
En même temps, le projet de loi prévoit une disposition technique sur les retraites chapeaux. Marisol Touraine, Michel Sapin et moi-même avons demandé un rapport sur ce sujet ; le travail, conduit par M. Jean-Michel Charpin et un de ses collègues de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), est en cours et pourra associer tous les parlementaires qui le souhaitent. Notons dès à présent que la réforme ne vise pas les mécanismes de retraite supplémentaire de droit commun dont bénéficient des millions de Français, mais le système de rente perpétuelle que s'aménagent certains cadres dirigeants et mandataires sociaux ; injustifiable aux yeux des salariés, ce salaire différé devrait être traité comme tel.
Au-delà de ces mécanismes, c'est l'épargne salariale – le meilleur moyen d'associer l'ensemble des salariés au capital – que nous souhaitons renforcer. Les travaux du Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié (COPIESAS), conduits sous la supervision de Christophe Castaner, sont aujourd'hui en discussion entre les partenaires sociaux. Le rapport, remis au Gouvernement le 26 novembre dernier, propose de remédier aux inégalités entre salariés, qui en voient huit sur dix bénéficier de l'épargne salariale dans les grandes entreprises, contre un sur dix dans les plus petites. Il semble important d'élargir et de simplifier ces mécanismes. Ensuite, sans oublier les contraintes qui pèsent sur les finances publiques, il nous faut trouver les moyens de restaurer l'attractivité au regard de ces dispositifs du forfait social, nous montrer plus incitatifs pour les PME et créer des mécanismes adaptés pour les investissements responsables. Le rapport du COPIESAS propose plusieurs pistes pour y parvenir.
L'État pourra céder certains de ses actifs afin de mettre en oeuvre une stratégie de désendettement – quelque 4 milliards d'euros au titre du projet de loi de finances pour 2015 – et de réinvestissement. Ces deux objectifs doivent être réalisés à parité : l'État doit disposer de marges de manoeuvre pour sauver des grands groupes en situation difficile – à l'instar de ce qui a été fait pour Alsthom ou PSA – et pour investir dans les projets prioritaires, tels que la transition énergétique ou les infrastructures publiques. Aussi le texte propose-t-il de mieux accompagner les projets industriels d'entreprises publiques et en particulier d'autoriser le Gouvernement à mettre en oeuvre le rapprochement, annoncé le 1er juillet 2014 et porté par Jean-Yves Le Drian, entre l'entreprise française Nexter et l'allemande KMW, qui permettra de créer un leader européen de l'armement terrestre. Ce volet de la loi prévoit également l'ouverture du capital de certaines entreprises publiques, notamment celui des aéroports de Nice et de Lyon, qui permettra à l'État de dégager des ressources financières pour les usages évoqués.
Le texte vise également à développer le logement, en particulier intermédiaire, et à favoriser l'investissement grâce à la simplification et à l'accélération des procédures, afin d'en augmenter la rentabilité. Ce développement, essentiel dans les zones tendues, est aujourd'hui entravé par des difficultés techniques liées à la réglementation, que cette loi propose de simplifier, et par les problèmes génériques que rencontre le secteur du logement : délais de délivrance des avis et accords périphériques au droit des sols trop long, complexité des régimes d'autorisation, volume trop important des études environnementales à produire. Les mesures pour y remédier, dont certaines ont été annoncées par le Premier ministre l'été dernier et préparées par Sylvia Pinel et Thierry Mandon, figureront dans le texte ou seront prises par ordonnances. Il s'agit notamment de permettre aux organismes HLM de construire, d'acquérir et de gérer des logements intermédiaires par le biais d'un mandat de gestion confié à une filiale. Les communes pourront délimiter, au sein de leurs documents d'urbanisme, des secteurs à l'intérieur desquels la réalisation des logements intermédiaires pourra bénéficier d'une majoration de constructibilité.
Au-delà des dispositions relatives au logement, la loi permettra de sécuriser des opérations d'importance majeure en étendant les expérimentations d'autorisation unique et de certificat de projet actuellement en cours, en particulier aux grands projets économiques de la région Île-de-France. Il s'agit notamment de permettre l'instruction coordonnée et la délivrance en un seul acte de l'ensemble des autorisations relevant de l'État et applicables à un projet industriel ou agricole. Cette mesure permettra d'accélérer les procédures et de déclencher non seulement les investissements, mais les travaux concrets qu'attendent beaucoup de secteurs. Le certificat de projet constitue, quant à lui, une réponse-garantie délivrée en deux mois par le préfet de département, qui permet aux acteurs économiques de bénéficier, pour une opération donnée, d'un interlocuteur unique, d'un engagement de l'administration sur les procédures nécessaires et sur ses délais d'instruction, et d'une sécurité juridique grâce à une cristallisation, sauf exceptions, du droit applicable pendant dix-huit mois à partir de la date de délivrance du certificat. Cet ensemble de dispositifs donnera plus de visibilité et de certitude aux acteurs économiques, permettant d'accélérer la réalisation des grands projets et de contribuer ainsi au retour de la croissance. La mission confiée par le Premier ministre à M. Jean-Pierre Duport aboutira à des propositions plus poussées sur toutes ces questions ; aussi le projet de loi prévoit-il la possibilité d'améliorer et de compléter ses dispositions par voie d'ordonnances.
Enfin, nous proposons de réformer les procédures collectives, élément important pour la vitalité de notre économie et le volontarisme que nous voulons y insuffler. Aujourd'hui, je le constate toutes les semaines, de nombreuses procédures de redressement judiciaire révèlent que des entreprises en difficulté sont liquidées, vidées de leurs actifs, et leurs emplois détruits parce que les actionnaires n'ont pas la possibilité – ou la volonté – de financer leur sauvetage. Contrairement à l'Allemagne, notre droit consacre actuellement la primauté absolue de l'actionnariat, au nom de la protection du droit de propriété, même lorsque celle-ci conduit à la disparition de l'entreprise et de ses emplois, et à une atteinte aux droits des créanciers. C'est ce principe que nous proposons de revisiter : lorsque les dirigeants et les actionnaires ne pourront plus sauver leur entreprise, vouée de manière certaine à la liquidation, le tribunal pourra, en dernier recours, permettre à des créanciers ou à de nouveaux investisseurs d'en prendre le contrôle contre l'avis des actionnaires. En contrepartie, ils devront mettre en place et financer un plan offrant une nouvelle chance à l'entreprise pour maintenir l'activité et le plus d'emplois possible.
Travailler est le dernier pilier du projet de loi. Nous devons adopter une approche pragmatique du travail – valeur importante et nécessité vitale pour de nombreux Français. Alors que depuis trente ans, notre pays n'a pas connu de baisse massive et durable du chômage, l'amélioration de certains éléments du droit et du fonctionnement du marché du travail permettra de stimuler l'activité, de renforcer la sécurité des salariés et d'augmenter le nombre d'emplois. C'est l'objectif que poursuit la réforme relative au travail du dimanche. Considérée tantôt comme insuffisante, tantôt comme régressive, cette mesure cristallise bien des inquiétudes ; le texte cherche pourtant un équilibre pragmatique qui permettra de créer des emplois assortis de toutes les garanties nécessaires pour avancer sur la voie du progrès et de la justice.
Il s'agit avant tout de donner plus de liberté aux élus locaux, le maire pouvant octroyer douze – et non plus cinq – dimanches ouvrés dans l'année, cinq devant l'être de manière obligatoire. Cette mesure a suscité des réactions dans certaines zones où elle n'apparaît pas comme une nécessité ; mais en laissant aux élus locaux le soin de l'adapter à leur territoire, ce texte a voulu adopter une philosophie pragmatique et renoncer à tout réglementer depuis Paris. En revanche, pour les zones touristiques internationales à fort potentiel d'activité, il est de l'intérêt national d'ouvrir les commerces le dimanche et en soirée, car on est certain que cela générera un surcroît d'activité. Cette disposition concerne quelques zones touristiques dans Paris et en province, et une vingtaine de gares à forte activité que la SNCF a elle-même identifiées, la mesure représentant potentiellement mille emplois directs et mille emplois indirects. Pour ces zones, le projet de loi prévoit que l'exécutif reprenne la main pour en définir les contours après concertation avec les collectivités concernées. Un dernier élément conditionnera cependant la possibilité d'y ouvrir un commerce le dimanche et en soirée, un élément de progrès et de justice trop souvent oublié : le principe de la compensation que ce texte propose de fixer dans la loi. D'ores et déjà, 30 % des Français travaillent de manière occasionnelle ou régulière le dimanche, dans plus de 600 zones touristiques, sans garantie légale d'être compensés. Des compensations sont pratiquées là où des accords ont été trouvés mais, à la différence des zones commerciales, il n'existe pas d'obligation en ce sens. Le texte propose de simplifier la règle et d'en accroître l'ambition en posant que le principe de la compensation doit être toujours défini dans un accord de branche, d'entreprise ou de territoire, aucune ouverture dominicale ne pouvant se faire sans l'existence d'un tel accord. Le projet de loi prévoit un délai de trois ans pour permettre aux commerces aujourd'hui ouverts de s'adapter à la nouvelle disposition. Cette mesure, qui affirme la confiance dans le dialogue social, fait de ce texte un vecteur de progrès, générateur d'activité.
Cette loi porte également réforme de la justice prud'homale pour rendre celle-ci plus simple, plus rapide, plus prévisible et plus efficace. Aujourd'hui, les délais sont trop longs, atteignant vingt-sept mois en moyenne en cas de départage, la conciliation trop rare puisqu'elle ne concerne que 6 % des décisions, et les décisions trop fragiles : 71 % des dossiers frappés d'appel sont infirmés, soit beaucoup plus que la moyenne nationale des autres contentieux. Le texte propose de rendre obligatoire et d'améliorer la formation initiale et continue des conseillers prud'homaux, et de renforcer leurs obligations déontologiques. Il prévoit également de raccourcir considérablement les délais et de mieux encadrer la phase de conciliation, le bureau de jugement en formation restreinte devant statuer sous trois mois. Par ailleurs, la procédure pourra être notablement accélérée par le passage direct de la phase de conciliation à la formation de jugement présidée par un juge professionnel. Le regroupement des contentieux sera mis en oeuvre lorsqu'il est de l'intérêt d'une bonne justice que des litiges pendants devant plusieurs conseils des prud'hommes situés dans le ressort d'une même cour d'appel soient jugés ensemble. Tous ces dispositifs permettront de resserrer les délais, mais il reste possible d'améliorer le texte en renforçant les justifications au moment de la conciliation et en donnant plus de visibilité à toutes les parties dès le début de la procédure prud'homale.
Nous devons également procéder à d'autres améliorations, en particulier en sécurisant les plans sociaux grâce au travail conduit par François Rebsamen. En effet, la loi de sécurisation de l'emploi avait mis en place une procédure de plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) négocié, enserré dans des délais nécessaires à un aboutissement rapide ; pour respecter l'esprit de cette disposition, l'annulation de la décision de l'administration pour insuffisance de motivation n'entraînera plus l'invalidation du PSE et donc le versement d'une indemnité à la charge de l'employeur. Il est logique et conforme à l'intérêt de l'employeur et des salariés de ne pas faire porter les conséquences d'une erreur de l'administration à l'entreprise et de ne pas retarder inutilement le déroulement de la procédure. Les autres éléments qui viennent clarifier la loi de 2013 ont été préparés par François Rebsamen et ses équipes, et concertés avec les partenaires sociaux avant d'être proposés dans ce texte.
Le texte comporte des mesures de lutte contre la prestation de service internationale illégale de sorte à protéger les travailleurs, en particulier les moins qualifiés, et les petits employeurs des secteurs les plus soumis à cette concurrence déloyale. Le contrôle des entreprises sera renforcé. Aujourd'hui, en France, le nombre de travailleurs détachés non déclarés dans le secteur du bâtiment est supérieur à 50 % de leurs 210 000 homologues déclarés ; cela conduit à la perte de marchés et d'emplois, à l'instabilité et à la tension sociale et politique sur nos territoires. Le projet de loi propose d'aggraver la sanction administrative en cas de défaut de déclaration de détachement et de refuser des comportements inacceptables : le non-respect du salaire minimum légal, le dépassement des limites de durée maximale de travail, l'hébergement indigne des travailleurs salariés par l'employeur sont autant de manquements qui permettront à l'autorité administrative compétente d'enjoindre à un ou plusieurs employeurs établis à l'étranger et détachant des salariés de cesser leur activité.
Fruit d'un travail collégial de l'ensemble du Gouvernement, ce texte s'appuie sur beaucoup de travaux menés durant les derniers mois, voire les dernières années, dont ceux pilotés par des parlementaires. Les divers qualificatifs appliqués à ce projet de loi, le plus souvent sans doute par défaut de lecture, apparaissent paradoxaux : il ne saurait être à la fois un texte inexistant et fourre-tout, une révolution civilisationnelle et presque rien. Il constitue plutôt un élément de progrès – le plus concret et cohérent possible – qui cherche à déverrouiller notre économie à un moment où les Français attendent que nous soyons pragmatiques. Ce texte a vocation à être enrichi et je souhaite que le débat parlementaire lui donne encore plus de souffle en s'attachant, partout où c'est possible, à en renforcer l'efficacité pour simplifier l'accès de nos concitoyens à certaines professions et à la mobilité, améliorer et faciliter leur vie, et stimuler la création d'activité sur notre territoire.