Le premier objectif de ce projet de loi est de développer l'activité en France afin de faciliter la vie aux jeunes, aux personnes privées d'emploi et à ceux qui voudraient investir. Cette volonté d'assouplir des rigidités, de simplifier les procédures et de créer des accès nouveaux à des professions ou à la mobilité passe par des mesures concrètes, par exemple en matière de transport par autocar. Le texte comporte également une réforme emblématique : la liberté d'installation régulée de certaines professions réglementées, qui ouvrira de nouvelles possibilités aux jeunes diplômés, mais aussi à des salariés aguerris. Faciliter l'activité, c'est aussi, tout en réaffirmant la règle du repos dominical, répondre à la demande des Français qui souhaitent profiter de plus de commerces ouverts le dimanche et permettre aux nombreux touristes qui viennent dans notre pays d'avoir accès à des magasins qui représentent l'excellence française. Enfin, un examen précis des participations publiques garantira l'utilisation efficace de l'argent public, et l'ouverture du capital de certaines sociétés permettra de développer l'outil industriel, d'élargir les perspectives d'emploi et d'encourager l'activité économique.
Ce texte se donne comme deuxième objectif transversal d'offrir plus de droits aux salariés et de mieux réguler l'activité économique en renforçant le rôle des autorités administratives indépendantes. Pour sécuriser la situation des salariés, il fait en sorte qu'à terme, tous ceux qui travaillent le dimanche dans un commerce de détail le fassent volontairement et en étant couverts par un accord collectif prévoyant de justes compensations. Il modernise également l'inspection du travail afin que les droits des salariés soient mieux protégés, crée un véritable statut du défenseur syndical au sein de la justice prud'homale et renforce la lutte contre la prestation de service internationale illégale. Plusieurs autorités indépendantes sont dotées de nouvelles compétences qui leur permettront de mieux réguler certaines activités économiques. Rénover la participation des salariés est un gage de leur implication dans le développement de leur entreprise puisque l'actionnariat salarié contribue à l'établissement d'un socle de financement stable et durable. L'élargissement et la simplification de l'épargne salariale sont souhaitables à tous égards.
Enfin, le troisième objectif transversal poursuivi par ce projet de loi est de simplifier et de moderniser les législations et réglementations en vigueur, cet effort devant permettre de faciliter l'activité de l'ensemble des acteurs économiques – entreprises, personnes publiques et salariés. En matière de droit de l'urbanisme et de l'environnement, cela passe par le développement des autorisations uniques ou l'allégement des obligations comptables des très petites entreprises (TPE) pendant leur période d'inactivité. Les tribunaux de commerce doivent pouvoir traiter de manière plus efficace et plus rapide les dossiers les plus complexes, présentant des enjeux économiques et sociaux de premier ordre. La modernisation passe aussi par la réforme de la justice prud'homale, attendue par tous les acteurs du système, l'objectif étant de raccourcir les délais de jugement.
L'économie étant par définition partout, ce projet de loi porte une vaste ambition et touche de nombreux secteurs. Monsieur le ministre, le Parlement entend exercer pleinement ses compétences et enrichir ce texte que vous portez. C'est pourquoi, au nom de mes collègues rapporteurs thématiques – Gilles Savary, Cécile Untermaier, Christophe Castaner, Clotilde Valter, Laurent Grandguillaume, Stéphane Travert et Denys Robiliard –, je souhaite d'ores et déjà vous interroger sur quelques points précis.
Le chapitre Ier du titre Ier du projet de loi prévoit d'étendre les compétences du régulateur ferroviaire qu'est l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) au transport public routier interurbain de voyageurs et au secteur autoroutier. L'ARAF deviendra ainsi l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l'ARAFER. Actuellement, l'ARAF dispose de l'autonomie financière, et ses ressources sont précisées dans le code des transports. Elles proviennent d'un droit fixe dû par les entreprises ferroviaires en proportion du montant des redevances d'utilisation du réseau ferré national, qu'elles versent à Réseau ferré de France (RFF) dans la limite de cinq millièmes de ce montant. L'ARAF perçoit également, le cas échéant, des rémunérations pour services rendus. Á ce stade, le projet de loi ne prévoit aucune disposition concernant l'évolution des recettes de l'ARAFER au regard des nouvelles compétences que vous envisagez. Aussi, nous souhaiterions savoir si des amendements gouvernementaux sont prévus en ce sens, et si, le cas échéant, vous seriez favorable à ce que le droit fixe évoqué précédemment soit étendu, selon des modalités de calcul à déterminer, aux nouveaux bénéficiaires de la régulation de cette autorité, à savoir les entreprises de transport public routier interurbain de personnes et les sociétés concessionnaires d'autoroutes.
L'article 21 du projet de loi, ensuite, prévoit d'habiliter le Gouvernement à créer par voie d'ordonnance la profession d'avocat en entreprise. Cette ordonnance devrait fixer les conditions dans lesquelles les personnes titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA) ou celles exerçant les fonctions de juriste d'entreprise depuis au moins cinq ans pourraient être salariées par une entreprise afin de lui délivrer des prestations juridiques couvertes par le secret professionnel lié à la qualité d'avocat. Sans déflorer le rapport que rendront Mme Untermayer et M. Houillon, leurs conclusions et les miennes seront proches sur ce point : le statut des avocats, qui doivent exercer leurs fonctions en toute indépendance, est manifestement incompatible avec celui de salarié, subordonné à un employeur, qui se trouve aussi être son client. Par ailleurs, la pertinence économique d'une telle proposition ne saute pas aux yeux.
Il est vrai que, dans le contexte de concurrence économique internationale, il est très gênant que les juristes d'entreprise français ne puissent protéger par le secret leurs prestations juridiques. Ne pensez-vous pas qu'au lieu de créer une énième profession juridique, hybride et réglementée, il serait préférable de garantir par la loi le secret des correspondances des juristes d'entreprise ?
S'agissant de l'épargne salariale, les organisations représentatives des salariés et des employeurs sont en train de négocier pour arrêter une position commune sur l'association des salariés à la performance et à la création de valeur au sein de l'entreprise. Un accord se traduirait par des mesures reprenant pour partie celles issues des travaux du COPIESAS. Sous quelle forme et jusqu'à quel point comptez-vous intégrer les propositions issues de cette délibération, si elles étaient adoptées, conformément à la feuille de route de la grande conférence sociale ?
Pour une plus large diffusion des dispositifs d'association des salariés à la performance de l'entreprise, les partenaires sociaux souhaitent qu'en soit revu le cadre fiscal et social. En effet, l'alourdissement continu des charges sur l'épargne salariale peut avoir un effet dissuasif, et de nombreux partenaires sociaux demandent que le taux du forfait social soit ramené à 8 %. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
À l'article 28, partant du constat que les grands projets industriels et urbanistiques souffrent de délais de réalisation trop longs, vous sollicitez de l'Assemblée une habilitation pour mettre en oeuvre, par voie d'ordonnance, les recommandations du préfet Jean-Pierre Duport. Pensez-vous que l'administration sera en mesure de faire face aux exigences posées par le permis environnemental unique, l'engagement d'une réponse sous deux mois, le certificat de projet, ou encore d'améliorer la procédure d'instruction des projets touristiques en montagne ?
La spécialisation des tribunaux de commerce, par ailleurs, ne risque-t-elle pas de fragiliser le maillage territorial qu'assure la présence de ces juridictions, et peut-on être assuré, pour garantir ce maillage, de la présence pérenne d'un tribunal de commerce par ressort de cour d'appel ?
De même, le Gouvernement envisage-t-il d'amender le projet dans le but de créer un statut juridique unique de l'entrepreneur individuel, statut qui est attendu ?
En ce qui concerne les contreparties pour les salariés privés de repos dominical, le projet de loi présente des avancées majeures puisqu'il procède à une quasi-généralisation de l'obligation de conclusion d'un accord collectif fixant ces contreparties, et propose des mesures visant à protéger le volontariat du salarié. Toutefois, il ne fixe pas de plancher pour la rémunération du travail le dimanche. Ne pourrait-on envisager de fixer un tel plancher dans la loi, le cas échéant en proposant d'en exonérer certains petits établissements indépendants, mais sans exclure les établissements franchisés dépendant d'autres entités ?
Le projet de loi propose de porter les dimanches dits « des maires » à douze, potentiellement, dont cinq pour lesquels l'ouverture serait de droit. Ce nombre peut paraître adapté à Paris et dans quelques autres grandes villes, mais il est sans doute excessif sur la plus grande partie du territoire, où les modes de vie sont différents, et les besoins et les demandes de la population moins importants. En cette phase de décentralisation, une évolution sur ce point ne serait-elle pas opportune, accordant davantage d'initiative et de compétences aux élus locaux en charge du développement économique – présidents de communautés de communes, présidents de métropoles ou maires?
Le projet prévoit encore d'habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance pour doter l'inspection du travail de nouveaux pouvoirs. Or le Parlement a longuement débattu de cette question à l'occasion du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, puis lors de l'adoption par la commission des affaires sociales d'une proposition de loi reprenant pour l'essentiel les termes de l'article 20 du projet de loi de Michel Sapin. Dès lors, nous pourrions peut-être discuter, à la faveur du présent projet, des pouvoirs de l'inspection de façon à ce que la réforme engagée par Michel Sapin puisse entrer rapidement en vigueur. Ce serait une manière d'optimiser le travail législatif.
Enfin, vous proposez une réforme de la procédure prud'homale visant notamment à accélérer les délais. Une partie de la réforme repose sur un recours plus rapide aux juges départiteurs. Ne prend-on pas le risque d'affaiblir un des piliers de cette juridiction, à savoir que l'on y est jugé par ses pairs ? Par ailleurs, est-on certain que la Chancellerie aura les moyens de créer les postes de juges départiteurs nécessaires pour atteindre l'objectif du projet de loi ?