Intervention de Michèle Bonneton

Réunion du 16 décembre 2014 à 17h45
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Bonneton :

Ce texte, annoncé depuis plusieurs mois, couvre des thèmes très variés. Vous nous proposez de libérer l'activité, de favoriser l'investissement ou encore de soutenir le travail ; chacun ici s'accordera sur l'importance de ces objectifs. Toutefois, les moyens proposés et la vision de l'économie et de la société qui sous-tendent ces mesures suscitent l'interrogation du groupe écologiste.

Le recours, à des dizaines de reprises, à la procédure des ordonnances, parfois pour revenir sur les équilibres de textes ayant fait l'objet de longs débats parlementaires pendant cette législature, et tout juste promulgués, nous laisse un goût amer.

Dans le cadre du pacte de responsabilité, le gouvernement a lancé plusieurs vagues de simplification en ayant recours aux ordonnances. Nous avons exprimé hier, lors de la discussion du texte issu de la CMP sur le dernier projet de loi de simplification, nos réserves sur cette méthode. Trop souvent, simplification rime avec libéralisation, avec pour conséquence un recul social et moins de moyens pour les services publics, qui sont le patrimoine de tous les Français et contribuent à la stabilité sociale et juridique de notre pays, protégeant les plus faibles, ceux qui n'ont pas les moyens de recourir à une assistance privée.

Par ailleurs, quel type d'activités s'agit-il de développer ? Constitueront-elles, pour la France, un moteur d'activité à la fois socialement, environnementalement et économiquement responsable et durable ? Les travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) nous alertent de façon de plus en plus pressante : le dérèglement climatique ne cesse de s'accélérer. Où sont, dans ce texte, les éléments mettant l'accent sur cette problématique ? La prospérité, dans les décennies à venir, reposera sur des activités compatibles avec la lutte contre le changement climatique. C'est d'un changement de modèle dans la durée dont nous avons besoin. L'empilement des mesures proposées est au mieux, à ce stade, un aménagement de l'existant.

Certaines mesures vont dans le bon sens, telles que le contrôle des sociétés autoroutières, la gouvernance des entreprises dans lesquelles l'État détient des participations, l'encouragement à l'innovation, le soutien aux jeunes créateurs d'entreprise, la simplification de l'accès au très haut débit dans les immeubles en copropriété.

D'autres sont plus problématiques. Ainsi, la réforme des professions réglementées risque d'aboutir à une concentration et à une désertification en milieu rural ainsi que dans les quartiers les moins riches, et donc de fragiliser le maillage territorial. La mise en concurrence du rail et de la route pour les liaisons interurbaines, alors même qu'est discutée au Parlement la loi sur la transition énergétique, est troublante. La simplification des procédures d'urbanisme par voie d'ordonnance nous inquiète également, ainsi que la démolition de bâtiments en infraction dans certaines zones seulement. Par ailleurs, nous sommes perplexes devant la remise en cause de pans entiers des équilibres de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), remise en cause dont l'objectif est essentiellement de soutenir les promoteurs immobiliers. Sans parler de l'extension du travail le dimanche – je rappelle que les petits commerçant dans leur grande majorité sont contre, ainsi que certains grands groupes – ni de la levée de certains garde-fous de la loi relative à la sécurisation de l'emploi, de la modification de l'inspection du travail par ordonnance, de la privatisation d'aéroports rentables.

Vous l'aurez compris, pour les écologistes, il manque à ce texte des dimensions entières pour lui permettre d'atteindre ses objectifs, et le débat parlementaire devra le faire évoluer en profondeur si vous souhaitez redonner de l'optimisme aux Français.

J'en viens à nos questions. Vous envisagez une réforme des professions réglementées, domaine dans lequel un maillage territorial est indispensable. N'existe-t-il pas un risque que les mesures proposées conduisent à une concentration excessive du secteur, avec pour conséquence la disparition de ces professionnels en milieu rural et dans les quartiers les moins favorisés ? Comment éliminer ce risque ?

Ensuite, la loi met en concurrence le rail avec la route pour les liaisons interurbaines. Quelles mesures d'accompagnement du rail entendez-vous prendre pour que celui-ci soit le transport de l'avenir ?

À l'article 26, vous proposez une procédure unique pour les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Quelle organisation envisagez-vous de mettre en place afin d'assurer une instruction qui permette une étude et un rendu différenciés dans les divers domaines concernés : eau, air, sols, biodiversité, sécurité des personnes, santé publique ?

Enfin, des parties significatives de la loi ALUR sont remises en cause, en matière de rapports entre locataires et bailleurs, par exemple. Il est difficilement acceptable qu'une loi dont l'équilibre résulte d'un débat parlementaire fructueux de huit mois, et qui a été votée par l'ensemble de la gauche, soit aujourd'hui remise en question par des ordonnances. S'il est intéressant d'encourager le logement intermédiaire, cela ne doit pas nuire au logement social, aux offices HLM et autres bailleurs sociaux. Que prévoyez-vous pour que le logement social ne soit pas délaissé au profit des logements intermédiaires ?

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