Entre l'économie administrée et l'économie de la créativité, il faut choisir, et vous avez choisi, monsieur le ministre. En économie aussi, il est possible d'être de gauche et novateur ; je crois l'avoir montré avec mes vingt propositions pour moderniser la fonction publique. Pour être novateur, il faut dresser un état des lieux, un état des blocages et des thromboses qui conduisent notre économie à l'embolie. Jacques Attali, avec son intelligence rayonnante, a répondu en son temps à la demande d'un ancien Président de la République ; ses propositions ne furent que peu suivies d'effet, et la société continua de démontrer son incapacité à se réformer.
Il est vrai que la tâche est difficile, car la France a oublié son souffle révolutionnaire pour assurer la pérennité des charges et des offices, un peu comme la France de l'Ancien Régime. Or des trésors de créativité ne demandent qu'à émerger. Il suffit de se rappeler que « small is beautiful ». On ne peut qu'être séduit par la créativité des start-up et des auto-entreprises. Chaque fois qu'un entrepreneur est un créateur, il faut l'aider, tant son pari peut paraître fou et risqué. Cet entrepreneur peut appartenir au secteur privé ou, et ce serait une nouveauté, à la fonction publique.
L'économie du risque est à l'opposé de l'économie administrée. Votre mérite, monsieur le ministre, sera d'avoir déclaré la guerre au système qui s'appuie sur les corporatismes, sur la complexité, sur la complication. Votre mérite sera d'avoir compris que le travail peut être épanouissant, que la valeur travail est de gauche. En son temps, M. Sarkozy a commis un hold-up en soutenant qu'il fallait travailler plus pour gagner plus, misant sur le souhait du travailleur de gagner plus pour améliorer son pouvoir d'achat. Il est temps de se rappeler qu'il vaut mieux travailler que ne pas travailler, que le travail est épanouissant, équilibrant, et pas simplement une source de pénibilité comme on veut nous le faire croire. Cette loi est portée par la gauche, par le radicalisme, car c'est une loi d'équilibre, une loi qui libère, qui n'interdit rien. J'espère que vos amis ne tailleront pas en pièces un texte de transparence et de simplification.
Permettez-moi quelques observations. Pour les professions réglementées, la libre installation doit être le principe, car elle assure la méritocratie républicaine. S'agissant des avocats, vous avez trouvé un juste équilibre sur la postulation, mais il ne faudra pas retenir l'avocat en entreprise, car être avocat c'est être libre, c'est ne pas dépendre d'un chef d'entreprise ni d'un seul client. Je sais que vous nous écouterez sur ce point.
S'agissant des tribunaux de commerce, vous proposez la création de tribunaux spécialisés. Il faudra le faire mais, à mon sens, à raison d'un tribunal par cour d'appel.
Vos propositions pour les entreprises en difficulté, avec des cessions d'actions ou d'obligations, sont courageuses, pour ne pas dire révolutionnaires. Elles s'attaquent au droit de propriété, mais le Conseil d'État reconnaît qu'elles sont conformes à l'intérêt général.
Enfin, en ce qui concerne les ouvertures du dimanche, il ne s'agit pas de passer de cinq à sept, ce qui serait une forme de libertinage, mais de faire confiance aux élus. Le chiffre de douze que vous proposez me semble parfait. Le tourisme est notre principale source de rentrées et de devises, et l'on ne voudrait pas le favoriser ? Ce serait incompréhensible !
Le texte a vocation à s'enrichir, mais à condition que les amendements renforcent sa modernité et prennent en considération la situation des individus. Avec cette loi, nous abordons un nouvel humanisme, un nouveau contrat social, une majorité d'idées. Vous avez bien compris, monsieur le ministre, que je ne mégotterai pas mon appui, tant je suis persuadé que l'économie ne reprendra son souffle qu'en faisant preuve d'audace, encore et toujours !