Je commencerai par une remarque de méthode. La fixation du commencement des débats en séance au 26 janvier ne permet pas à notre commission de travailler dans de bonnes conditions. Je réitère donc notre observation de ce matin : il nous semble nécessaire de reculer la date d'examen en séance pour que la commission dispose de deux semaines de travail.
Sur le fond, j'entends souvent dire que ce texte est « fourre-tout ». Nous pensons, au contraire, que c'est un projet de loi structuré et parfaitement cohérent. Cohérent, parce qu'il répond aux injonctions de réformes structurelles libérales réclamées par Bruxelles, avec pour seuls maîtres mots : libéraliser et privatiser. Cohérent, parce qu'il s'inscrit directement dans votre ligne politique toujours plus dure pour nos concitoyens, appelés à accepter des reculs sociaux majeurs. C'est une ligne que nous avons combattue dans le cadre du projet de loi transposant l'accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la sécurisation de l'emploi, mais aussi lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances, une ligne fondée sur l'austérité budgétaire qui n'a donné, à ce jour, aucun résultat positif, au contraire.
Ce projet de loi est également structuré, parce que vous vous attaquez à des pans entiers de notre économie, pour la libéraliser, la privatiser ; au bout du bout, c'est notre modèle de société que vous mettez en cause. Quelques exemples suffiront à illustrer mon propos : la privatisation d'aéroports parfaitement rentables, qui prive l'État d'instruments d'aménagement et de développement du territoire pour offrir une rente de situation à des investisseurs privés, comme la droite l'a fait hier avec les autoroutes ; la libéralisation du transport en autocar, pour mieux le mettre en concurrence avec le train et justifier ainsi la privatisation à marche forcée des transports publics ; l'extension du travail dominical et de nuit, qui remet en cause la protection des salariés inscrite dans le code du travail, en l'espèce celle des salariés les plus vulnérables, notamment les femmes et les détenteurs de contrat précaire. Vous parlez de volontariat : c'est bien méconnaître la situation de ces salariés, à qui on dit qu'ils doivent être volontaires !
Vous prétendez également vouloir libérer les professions réglementées du droit et de la santé. Ces professionnels – nous les avons reçus – ne sont pas du tout hostiles à des évolutions en vue de se moderniser, mais vos propositions ne sont pas de l'ordre de la modernisation ; elles relèvent plutôt d'une hyper-concurrence entre ces professionnels, qui se retournera contre nos concitoyens. Si vous pensez qu'il y a des excès en matière de rémunération, il faut les corriger, mais cela ne justifie pas les mesures que vous proposez.
Vous vous attaquez, et ce n'est pas un hasard, au droit du travail, ainsi qu'aux instances de contrôle et aux juridictions du travail. Par ailleurs, beaucoup de dispositions feront l'objet d'ordonnances, nous privant ainsi d'un débat démocratique nécessaire.
Ce projet de loi n'est gouverné que par un seul principe : la marchandisation de la société, conduisant à son profond remodelage. Il s'agit de considérer les Français comme des sujets flexibles ou de simples consommateurs, et non plus d'abord comme des citoyens actifs, y compris le dimanche, et des travailleurs rémunérés correctement parce qu'ils apportent des compétences indispensables à la création de richesses.
Ce texte, non seulement ne peut répondre aux grands défis de notre temps – les études d'impact, quand elles existent, sont d'ailleurs loin d'être convaincantes –, mais il est extrêmement préoccupant pour l'organisation de notre société et son avenir. Il faudrait qu'il évolue fondamentalement, dans sa philosophie comme dans ses dispositions concrètes, pour que nous le votions.
Je poserai une seule question : quelles mesures envisagez-vous pour que l'encouragement de la construction de logements intermédiaires ne conduise pas à diminuer celle de logements sociaux, dont tant de nos concitoyens ont besoin compte tenu du montant des loyers ?