Intervention de Edwy Plenel

Réunion du 25 juin 2014 à 19h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Edwy Plenel :

Chaque révolution industrielle a appelé un nouvel âge démocratique. Le blues dont vous parlez résulte du décalage entre les outils que les citoyens ont à leur disposition qui révolutionne leur capacité de communication et notre culture démocratique, qui demeure très verticale. À cet égard, la crise de la presse, acteur important de notre démocratie, est aussi la crise d'un modèle dans lequel la presse était au-dessus de ses lecteurs et se trouve aujourd'hui obligée de descendre de l'estrade. C'est pourquoi j'approuve totalement l'injonction de ne pas raisonner uniquement en termes de protection, en demeurant sur la défensive, mais en termes de nouvelles potentialités et d'empowerment en nous posant la question des nouveaux droits qu'engendre le numérique. Notre imaginaire de la démocratie est pauvre. Nous sommes encore probablement à l'âge préhistorique de la démocratie, si nous considérons qu'elle se résume au choix de représentants. La démocratie, c'est aussi délibérer, échanger des informations, participer. Ne faudrait-il pas par exemple envisager, comme le fait David Van Reybrouck, une démocratie bireprésentative, qui associe aux représentants élus par le vote, des représentants tirés au sort ?

Le numérique modifie aussi la consommation et le marché du travail. C'est la question que pose la coordination des intermittents et précaires, qui rejoint les réflexions de grands professeurs au Collège de France sur le droit du travail, notamment Alain Supiot, qui appelle à réinventer un droit du travail qui pense le travail discontinu et qui ne pense seulement en termes d'emplois et de CDI.

Vous avez évoqué des régressions possibles à l'ère numérique. En matière de droit à l'information d'intérêt public, le numérique est l'occasion de régressions sur des droits fondamentaux. Ainsi, certains acteurs numériques ont-ils pu être exclus du droit de la presse parce qu'ils sont numériques. Certaines dispositions de notre droit sont archaïques. À titre d'exemple, enregistrer quelqu'un à son insu par un moyen technique est illégal, indépendamment du contenu de cet enregistrement, ce qui produit une censure que n'a jamais permis le droit de la presse. Bref, c'est tout notre écosystème démocratique qu'il faut refonder.

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