Intervention de Corinne Bouchoux

Réunion du 9 juillet 2014 à 17h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Corinne Bouchoux, sénatrice et rapporteure de la mission commune d'information sur l'accès aux documents administratifs et aux données publiques :

Pour ma part, je vais vous décrire l'état d'esprit dans lequel nous avons élaboré notre rapport, vous indiquer ce que vous y trouverez ou pas, ce qui vous fera gagner du temps pour la suite de vos travaux.

Ce travail est le fruit d'une mission commune d'information sénatoriale, dans le cadre du droit de tirage dont dispose chaque famille politique. Nous avons mené une concertation en amont, afin de planifier nos travaux sur six ans, par périodes d'un an. Après avoir travaillé sur les prix de l'électricité, puis sur la place de l'aide au développement dans la recherche scientifique française, nous avons mené cette année une mission sur le droit de savoir. Le sujet a suscité l'intérêt de certains collègues, à commencer par Jean-Jacques Hyest, ancien président de la commission des lois et membre de la commission du renseignement, tandis que d'autres se montraient plus sceptiques.

Nous avons d'abord travaillé sur la demande d'information : qui veut savoir ? Nous avons interrogé des associations, des activistes du droit, des journalistes traditionnels mais aussi de ces nouveaux journalistes d'investigation qui cherchent à détecter les problèmes avant qu'ils n'apparaissent en plein jour. Nous voulions savoir s'ils accédaient facilement à l'information ou s'ils rencontraient des résistances.

Dans un deuxième temps, nous avons inversé la logique en nous posant la question suivante : qui offre des informations de toutes sortes et sur tous supports, au niveau de l'État, des collectivités locales, des entreprises naissantes ? Nous souhaitions confronter la demande citoyenne de transparence politique, avec ses enjeux et ses limites, à l'offre des producteurs de données, pour voir si elles pouvaient se rejoindre. Nous voulions aussi évaluer l'application des deux lois en vigueur, qui nous ont été présentées avec brio par des praticiens tels que le président de la CADA et par de nombreux universitaires, afin de nous prononcer sur l'opportunité de légiférer à nouveau.

Comme il est d'usage au Sénat pour ce genre de travaux, nous voulions aboutir à un diagnostic partagé et à des recommandations consensuelles. Je suis donc solidaire de toutes les propositions faites, même si ma position est plus appuyée sur certains sujets.

Serge Daël a posé une excellente question : faut-il d'abord légiférer ou bien avancer de manière pragmatique avant d'adapter le cadre légal ? Après trois ans de participation aux travaux de la CADA, je suis favorable à la deuxième voie. Si je m'accommode de la législation actuelle, je pense néanmoins que nous devrons assez rapidement revoir des textes conçus au xxe siècle et dépassés sur certains points, en raison des progrès techniques et de l'évolution des moeurs. L'information passe désormais par la mise en ligne, mais aussi par les réseaux sociaux, Twitter et Facebook.

Pour nos travaux, nous avons choisi trois champs : l'environnement, auquel s'applique un droit dérogatoire, la santé et la culture. Certains d'entre nous avaient été membres de la mission sur le Mediator et nous voulions savoir si une meilleure circulation de l'information aurait permis d'éviter ce scandale et si des lacunes restaient à combler dans le domaine de la santé. Nous n'avons pas fait de préconisation pour la culture, dans l'attente de la transposition imminente d'une directive. Mais, quel que soit le domaine, nous avions la même interrogation : les demandes d'accès aux documents et aux données publiques reçoivent-elles des réponses satisfaisantes ? Quant à nos rencontres avec les « offreurs », elles ont éveillé notre intérêt sur d'éventuelles opportunités stratégiques et économiques à saisir, même s'il convient d'être extrêmement vigilants en la matière.

Notre rapport pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses et il est davantage une base de travail qu'un diagnostic définitif, car certains membres de notre groupe de travail, auteurs des lois CADA et CNIL, ne regardaient pas forcément d'un oeil bienveillant nos efforts visant à remettre à plat tout leur ouvrage. Nous avons donc choisi l'optique pragmatique de l'audit. À titre personnel, je pense que la révolution en cours nécessitera une révision de nos textes.

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