Ce qui nous gêne avec Google, Apple, Facebook et Amazon – les GAFA –, ce n'est pas qu'ils réussissent à inventer de nouveaux services, mais qu'ils en viennent parfois à bloquer l'innovation après l'avoir fait. Tant que le bien commun est inaliénable et que tous les innovateurs potentiels peuvent s'en servir, il n'y a pas de problème : ce qui est anormal, c'est qu'un opérateur en situation de monopole puisse tout bloquer après s'être emparé des données.
Pour ce qui est du contenu de la future loi, je suis tenté de vous rappeler que c'est à vous, législateur, qu'il revient de le déterminer. Cependant, l'idée d'un open data par défaut, consistant à inverser la charge de la preuve – il faudrait tout mettre à disposition par défaut, et justifier du refus de le faire pour telle ou telle donnée – est intéressante. La semaine dernière, François Hollande a rejoint le sommet de l'Open Government Partnership (OGP) à l'issue de la réunion du Conseil de Sécurité de l'ONU – et hier, les pays membres de l'OGP se sont à nouveau retrouvés à Paris. Ces réunions ont été l'occasion de constater qu'à l'heure actuelle, la plupart des pays se tournent vers l'open data par défaut – ainsi les Irlandais et les Grecs viennent-ils de l'adopter.
Dans un tel système, tout est gratuit par principe, et c'est seulement quand il devient nécessaire de financer durablement l'infrastructure de mise à disposition d'un bien commun mobile que l'instauration d'une redevance se justifie. Certaines des redevances mises en place sont inacceptables en ce qu'elles servent uniquement à préserver un tout petit écosystème de réutilisateurs vivant de la rente qu'ils se sont constituée, à limiter – par la dissuasion – le nombre d'utilisateurs s'adressant à l'administration, ou encore à financer le site internet d'un ministère, par l'effet d'une mauvaise habitude dont on peine à se défaire.
Quand on dit que la CADA n'a pas assez de pouvoirs, cela ne signifie pas qu'elle n'a pas assez d'argent. Je rappelle ce qui a été dit à ce sujet lors de l'audition de son président, Serge Daël. Un citoyen désirant obtenir des données relatives à la réserve parlementaire pour l'exercice 2012 a dû, après s'être vu refuser l'accès à ces données par l'administration – la décision de refus n'étant acquise qu'au bout de deux mois –, saisir la CADA pour recueillir son avis avant de porter l'affaire devant le tribunal administratif qui, deux ans plus tard, lui a donné raison. Le problème, c'est que la procédure ne fait pas jurisprudence : pour obtenir les mêmes renseignements pour l'exercice 2013, il faudrait tout recommencer ! Il n'est pas concevable de maintenir un système aussi rigide, d'où la proposition de Serge Daël, formulée en son nom propre, d'offrir la possibilité de déposer un référé communication devant le juge administratif, dans le cas où l'administration refuse de communiquer des documents malgré un avis favorable de la CADA. Cette idée est très intéressante, de même que celle consistant à ce que les décisions rendues pour un exercice donné valent aussi pour les suivants.
Par ailleurs, certains pays tels que les Pays-Bas ou le Danemark ont défini un socle de données dites essentielles – correspondant à sept ou huit registres-clés, contenant des données se trouvant au coeur de tout, telles les adresses géolocalisées ou les codes SIREN des entreprises –, dont ils ont sanctuarisé le financement, considérant que cela faisait partie du service public de mettre les données en question à disposition de tous. C'est également une piste à retenir.