Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 17 décembre 2014 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, président :

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Lionel Jospin, qui pourrait devenir le soixante-dix septième membre du Conseil constitutionnel depuis sa création, en 1958, dans des circonstances loin de faire l'unanimité. Si d'aucuns, à l'image de Michel Debré, espéraient qu'il joue un rôle de juge constitutionnel, certains parlementaires, comme André Chandernagor, ne voulaient pas de cette institution, tandis que d'autres – je pense à François Luchaire – auraient voulu limiter son rôle à celui de répartiteur des compétences normatives.

Avec le temps, le Conseil, en raison notamment de sa jurisprudence, n'a cessé d'évoluer. Il est aujourd'hui devenu protecteur des droits et libertés, rôle essentiel dans un État de droit. Rares étaient pourtant, en 1958, les observateurs qui auraient imaginé une telle révolution, tant notre tradition constitutionnelle et juridique était hostile à l'idée que la loi puisse être jugée par d'autres que ceux qui la font.

Je ne suis pas le seul ici à penser que cette institution doit continuer à évoluer. C'est dans cette perspective que le Président de la République a fait déposer sur le bureau de notre assemblée, en mars 2013, un projet de loi prévoyant que les anciens présidents de la République ne soient plus membres de droit du Conseil. Sans doute nous direz-vous ce que vous pensez d'un tel projet de réforme constitutionnelle, que nombre des membres de cette commission soutiennent.

Peut-être aborderez-vous également la question de la transparence des procédures, notamment dans le cadre du contrôle a priori, en évoquant les opinions « séparées », c'est-à-dire celles qui se différencient des opinions majoritaires. En réponse au questionnaire qui vous a été adressé, vous êtes montré plutôt réservé quant à la publicité de ces opinions ; pour ma part, j'y suis plutôt favorable, dans la mesure où une décision de justice puise sa rationalité dans la confrontation des raisonnements qui l'ont fait naître et qu'il est donc utile d'en connaître le cheminement.

En définitive, les mutations les plus fortes qui attendent l'institution sont sans doute à anticiper dans les relations qu'elle entretient avec les autres juridictions, qu'il s'agisse des juridictions nationales ou européennes comme la Cour européenne des droits de l'homme ou la Cour de justice de l'Union européenne. Plutôt qu'à une concurrence entre toutes ces instances, c'est vers une harmonie et un clair partage des compétences, indispensables à la réalisation d'un État de droit le plus complet possible, qu'il faut tendre. Ce n'est donc pas en termes de hiérarchie qu'il faut envisager les rapports entre ces juridictions mais en termes de complémentarité, au service des droits et des libertés mais aussi de l'intérêt général.

Il me reste à vous remercier, monsieur le Premier ministre, de vous prêter à cet exercice, sous la responsabilité de Guillaume Larrivé, qui a accepté d'être le rapporteur de cette nomination, comme c'est désormais l'usage au sein de la commission des Lois, où les propositions de nomination sont précédées d'un rapport, toujours confié à l'opposition.

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