Intervention de Lionel Jospin

Réunion du 17 décembre 2014 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Lionel Jospin :

Le « devoir d'ingratitude » est une jolie formule, et je me garde de penser que les membres du Conseil constitutionnel devrait faire preuve de gratitude envers qui que ce soit. Si c'est un honneur pour moi, ancien Premier ministre et ancien parlementaire, d'avoir été choisi par le Président de l'Assemblée nationale, soyez assurés que c'est évidemment en totale indépendance que j'exercerai mes fonctions. Je nuancerais cela étant la formule de Robert Badinter et parlerais plutôt d'un « risque d'ingratitude », afin d'écarter toute idée d'intentionnalité dans l'ingratitude. C'est objectivement que les membres du Conseil constitutionnel doivent se situer à distance des institutions qui les ont nommés pour dire le droit. Un juge, par ailleurs, a toujours la faculté de se déporter d'une affaire, s'il l'estime préférable. Par ailleurs, le fait que les membres du Conseil constitutionnel soient nommés par le responsable de l'exécutif ou les deux présidents des assemblées sans que cela remette en cause leur indépendance témoigne d'un progrès de l'État de droit dans notre pays. Je n'ai donc rien à redire à ces modalités de nomination.

La commission de déontologie que j'ai présidée a suggéré qu'il n'y ait plus de membres de droit au sein du Conseil constitutionnel. Elle a également recommandé que ses membres s'abstiennent de toute activité de conseil. C'est conforme à ma conception de l'institution mais ce n'est guère l'état actuel du droit.

Je partage avec Pierre Joxe une longue histoire politique et militante, et il a tout mon respect. Je divergerais cependant de son propos dans la mesure où je ne définirais pas le Conseil constitutionnel comme une instance politique. Le Conseil juge en droit et non en opportunité, ce qui appartient au législateur. Je me suis déjà exprimé par écrit, en réponse au rapporteur, sur la question des opinions dissidentes et considère avant tout le Conseil comme une juridiction constitutionnelle. Si je dois y siéger, ce ne sera pas dans la posture d'un militant politique, ce qui n'implique pas que je doive renoncer pour cela à mes convictions.

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