Intervention de Lionel Jospin

Réunion du 17 décembre 2014 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Lionel Jospin :

Alors que je suis devant vous parce que le Président de l'Assemblée nationale a proposé de me nommer, il y aurait peut-être de ma part sinon de l'ingratitude, du moins une forme d'impolitesse à contester le système actuel de désignation des membres du Conseil constitutionnel ! Je l'ai dit, le fait que des membres du Conseil soient désignés par le Président de la République, par le Président de l'Assemblée nationale et par celui du Sénat, tout en étant à l'évidence pleinement indépendants des pouvoirs exécutif et législatif, témoigne à mes yeux de la maturité et de l'équilibre de notre système démocratique. À ce stade, je n'ai donc a priori aucune observation à formuler sur un dispositif qui relève au demeurant, répétons-le, du législateur et non du Conseil constitutionnel lui-même.

L'on m'a dit que l'on travaillait beaucoup au Conseil constitutionnel. Le nombre de ses membres y est-il pour quelque chose ? Les QPC représentent indiscutablement une charge supplémentaire, même si leur quantité s'est stabilisée. Sur ce point, je n'ai pas d'opinion arrêtée. Mais peut-être est-ce ce nombre relativement réduit qui a motivé ma réponse à l'une des questions écrites du rapporteur, lequel formulait l'hypothèse d'un Conseil constitutionnel à la fois consultatif en amont et juridictionnel en aval, sur le modèle du Conseil d'État pour les décrets. Il existe au Conseil d'État, où la formation est évidemment beaucoup plus nombreuse, des sections différentes et ceux qui donnent un conseil ne siègent pas en formation de jugement. Il est clair que dans une instance de neuf ou dix membres, l'organisation du travail serait profondément bouleversée par l'instauration d'un tel double rôle. Il appartiendra au législateur et au constituant de trancher et peut-être au Conseil, en tout cas à son président, de donner son avis sur la charge de travail de l'institution et sa capacité à exercer ses nouvelles missions. Je n'ai donc pas à contester particulièrement le nombre de ses membres ni à formuler des suggestions.

La Charte de l'environnement fait partie du bloc de constitutionnalité. À ce titre, elle possède la même force que les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, le préambule de la Constitution de 1946 ou la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Cela ne fait aucun doute, même si des personnalités qui sont à l'origine de l'inscription dans la Constitution de la Charte de l'environnement peuvent, m'a-t-on dit, en regretter en partie les conséquences. Assurément, je comprends que le principe de précaution affirmé dans cette Charte puisse faire l'objet de débats. La vocation du Conseil constitutionnel a toujours été, lorsque les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République étaient en jeu, de rechercher l'équilibre entre des principes de force égale : l'égalité et la liberté, la propriété et la nécessité de l'organisation économique collective – et peut-être ici, le principe de précaution et le progrès, même si ce dernier ne constitue pas aujourd'hui un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Enfin, y a-t-il trop de principes constitutionnels qui enserrent le législateur ? Mon sentiment, à ce jour, est plutôt que non. Mais c'est au législateur de faire connaître son impression à cet égard puisque c'est lui qui, par hypothèse, se trouverait enserré.

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