La mission d'information sur les modalités d'inscription sur les listes électorales a conduit ses travaux dans un délai relativement court, qui a néanmoins permis de procéder aux auditions nécessaires à l'appréhension du sujet qui nous était soumis. Question à première vue « mineure » ou « technique », la procédure d'inscription sur les listes électorales revêt en réalité une grande importance dans la mesure où elle conditionne l'exercice du droit de vote par chaque citoyen, la participation du plus grand nombre aux élections et donc la légitimité démocratique de nos institutions. Les objectifs poursuivis par cette procédure – satisfaire l'exigence démocratique de participation du plus grand nombre d'électeurs aux scrutins et garantir la sécurisation du processus électoral – sont potentiellement contradictoires. De ce point de vue, au terme de nos travaux, nous estimons que les modalités d'inscription ont un impact négatif sur l'exercice du droit de vote et éloignent parfois certains électeurs de l'institution électorale. Nous formulons en conséquence 23 propositions qui touchent principalement à quatre thèmes : l'assouplissement du calendrier d'inscription, la réforme de la procédure d'examen et de contrôle des inscriptions, l'accompagnement des démarches d'inscription et la rénovation des conditions de choix de la commune d'inscription.
En premier lieu, nous avons constaté que le calendrier d'inscription était devenu contraignant et inadapté au rythme électoral ainsi qu'à la mobilité professionnelle et résidentielle des électeurs. Depuis un décret du 8 juillet 1975, il est permis de s'inscrire toute l'année mais, en tout état de cause, au plus tard le 31 décembre de l'année qui précède une élection. Ce délai est nécessaire aux opérations de révision des listes électorales, qui font intervenir de nombreux acteurs, et aux contestations de celles-ci devant le juge compétent. Mais ce calendrier a été fixé à une époque où la mobilité des électeurs était faible et les dates des scrutins concentrées aux mois de mars et d'avril. Certes les possibilités de s'inscrire en dehors de cette période existent mais elles sont soumises à des conditions strictes, supposant que l'intéressé ait accédé à la majorité électorale, acquis la nationalité française ou recouvré ses droits civils et politiques après le 31 décembre, ou encore qu'il ait été muté ou qu'il ait déménagé pour des raisons professionnelles après cette date. De fait, la liste électorale se retrouve figée pendant une année entière, empêchant de voter les électeurs qui souhaitent s'inscrire passé ce délai ou qui déménagent pour des motifs autres que professionnels. Préjudiciable à la participation électorale à tous les scrutins, ce délai le sera encore davantage pour les élections organisées l'année prochaine. Car, à la différence des élections départementales qui se tiendront à leur terme normal au mois de mars, les élections régionales seront reportées au mois de décembre et les électeurs qui souhaiteront y prendre part doivent s'inscrivent d'ici quinze jours.
Nous proposons donc d'aligner la révision des listes électorales sur le rythme des élections en remplaçant la révision annuelle qui prévaut aujourd'hui par une révision pré-électorale des listes, grâce à la clôture de la période d'inscription non plus le 31 décembre mais quelques jours avant le scrutin organisé. En l'état actuel de la procédure d'examen, un délai minimal de quarante-cinq jours nous est apparu raisonnable. Toutefois, comme nous y a invité le Président de la République, nous pensons possible de réduire ce délai à trente jours, à condition de réformer la procédure d'inscription et de mieux réguler tout au long de l'année les demandes d'inscription. S'agissant de l'année 2015, il nous paraît anormal d'exiger des électeurs qu'ils s'inscrivent dès maintenant pour participer à une élection qui aura lieu dans un an. Dans ces conditions, nous recommandons que le législateur intervienne rapidement, soit en rouvrant le délai d'inscription quelques semaines avant le mois de décembre, soit en élargissant les motifs d'inscription hors période actuellement prévus par le code électoral.
En deuxième lieu, la procédure d'élaboration des listes électorales doit, selon nous, être réformée afin de garantir leur fiabilité et la qualité de leur mise à jour. Les auditions ont montré que les listes électorales — dont nous nous satisfaisons aujourd'hui — n'étaient pas toujours exactes, une discordance existant entre le fichier général des électeurs détenu par l'INSEE, qui fait figure de référence, et les listes de chaque commune. Certes des opérations de mise en concordance permettent à l'INSEE et aux communes de procéder aux régularisations nécessaires mais ces opérations, extrêmement longues, ne peuvent être généralisées. Cette procédure fait intervenir différents acteurs, à commencer par des commissions administratives communales dans lesquelles sont nommés un représentant de la préfecture, un représentant du tribunal de grande instance et un représentant du maire. L'INSEE, grâce au fichier général des électeurs, contrôle les éventuelles doubles inscriptions en informant chaque commune des radiations à faire et intervient dans la procédure d'inscription d'office des jeunes. Les préfectures sont chargées du contrôle de la régularité du processus de révision des listes et le juge statue sur les contestations qui lui sont soumises.
En pratique, cette procédure ne garantit pas l'impartialité et l'efficacité de la mise à jour des listes, comme en témoignent les dysfonctionnements constatés dans les modalités de désignation et les conditions de travail des membres des commissions administratives. La désignation des représentants de la préfecture et du tribunal de grande instance se fait parfois sur proposition du maire. La difficulté de trouver des personnes disponibles et le caractère bénévole de la mission qui leur est confiée conduisent à des absences ponctuelles ou répétées de l'un des trois membres dont la participation est pourtant exigée. Et certaines commissions ne respectent pas les formalités procédurales prescrites par le code électoral, comme l'obligation de tenir un registre précis de leurs décisions. Par ailleurs, nous avons observé une imparfaite coordination à l'échelle nationale des décisions d'inscription et de radiation prises au niveau communal. Chaque commune conservant la maîtrise de sa liste électorale et l'INSEE ne pouvant vérifier que les radiations qu'il a suggérées ont été réalisées, certains électeurs sont doublement inscrits. Ces doubles inscriptions, qui existent incontestablement, ne sont toutefois pas le signe particulier d'une fraude électorale, la plupart des électeurs doublement inscrits ignorant l'être. Ces dysfonctionnements s'expliquent aussi par l'absence de dématérialisation des échanges entre certaines communes et l'INSEE, la saisie manuelle des inscriptions occasionnant des erreurs.
Face à ce constat, nous proposons de réorganiser les commissions administratives afin de réduire le nombre de membres à désigner en leur sein et de remédier à leur éparpillement actuel. Leur compétence, aujourd'hui limitée à un seul bureau de vote, pourrait être étendue à plusieurs bureaux, voire à tous les bureaux de vote de la commune lorsque c'est possible. Dans les communes les plus petites, nous pensons qu'il est possible de les organiser au niveau intercommunal : le caractère communal de leur compétence serait toutefois préservé par la présence obligatoire du maire ou de son représentant lorsque sont examinés les dossiers concernant des électeurs de sa commune. Il serait également souhaitable de rendre publics leurs travaux et de renforcer le contrôle des préfectures sur leurs opérations, notamment quant à l'obligation de tenir un registre et à l'utilité de dresser un procès-verbal de chacune de leurs réunions.
Nos propositions ne reviennent pas sur le rôle décisionnaire de ces instances en matière d'inscription et de radiation, seules les commissions administratives pouvant, à nos yeux, exercer cette compétence. En revanche, nous souhaitons que soit confié à l'INSEE le soin de mettre à jour les listes électorales de chaque commune là où, aujourd'hui, il ne peut que recommander la radiation d'un électeur. Serait instaurée une liste électorale nationale gérée par l'INSEE qui centraliserait toutes les inscriptions et radiations décidées par les commissions administratives et dont seraient extraites les listes communales, sur lesquelles chaque commune pourrait, au moment de leur extraction, faire valoir ses observations. Cette proposition nécessite que soit dès à présent lancée une vaste opération de régularisation des listes actuelles, opération qui ne pourra aboutir qu'en 2017.