Intervention de Jean-Luc Warsmann

Réunion du 17 décembre 2014 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Warsmann, rapporteur :

Le troisième axe de notre rapport consiste à mieux accompagner les électeurs dans l'inscription. Nous ne sommes pas dans un pays où l'inscription et la réinscription sont automatiques, à la différence d'autres États européens qui pratiquent l'automaticité de l'inscription, comme l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Italie ou les Pays-Bas, grâce au système de la déclaration domiciliaire. En France, où la tradition du fichier domiciliaire n'existe pas – le Parlement a d'ailleurs rejeté à plusieurs reprises les propositions tendant à instaurer un tel système – l'inscription sur les listes électorales est principalement volontaire et nous considérons qu'il est nécessaire de la conserver. Par dérogation à cette procédure, le législateur a voté en 1997 l'instauration d'une procédure d'inscription d'office au bénéfice des jeunes. Encore faut-il préciser que cette procédure ne conduit pas à l'inscription automatique du jeune, dans la mesure où elle suppose que celui-ci ait préalablement effectué son recensement militaire. Même si son bilan est plutôt positif, cette procédure ayant incontestablement permis d'améliorer le taux d'inscription des jeunes électeurs, nous formulons plusieurs préconisations d'ordre pratique. Il s'agit d'abord de mieux prendre en compte les changements d'adresses intervenus entre la date de recensement du jeune et la date de sa majorité. Nous suggérons également de remédier à l'hétérogénéité des pratiques observées par les communes dans l'application de cette procédure, certaines inscrivant automatiquement le jeune qui s'est fait recenser, d'autres exigeant qu'il confirme par retour du courrier son inscription. Enfin, nous proposons de réduire les « angles morts » de cette procédure, qui, aujourd'hui, ne permet pas l'inscription d'office des jeunes aux élections partielles ni au second tour d'un scrutin pour ceux qui atteindraient l'âge de 18 ans entre les deux tours.

Par ailleurs, nous avons cherché à comprendre les raisons pour lesquelles autant de personnes étaient, dans notre pays, mal inscrites sur les listes électorales. Lorsqu'une personne déménage, elle fait des démarches administratives pour signaler le changement de ses coordonnées et s'imagine souvent, qu'ayant fait ces démarches, la mutation aura été automatiquement réalisée sur les listes électorales. Nombre de nos concitoyens croient en effet – à tort – que lorsqu'ils signalent leur déménagement à l'administration fiscale ou à la sécurité sociale ou se manifestent auprès de leur nouvelle commune, le changement d'inscription aura été automatiquement réalisé.

Notre idée est donc simple : elle consiste à accompagner l'électeur lors de son déménagement afin que, à chacune des démarches qu'il réalisera à cette occasion, il lui soit proposé de modifier son inscription sur les listes électorales, au travers du portail mon.service-public.fr qui est en train de monter en puissance. Nous soumettons cette proposition à deux conditions essentielles, destinées à préserver la sécurité juridique et les contrôles qui doivent s'attacher à la procédure d'inscription : l'identification de démarches administratives présentant les mêmes garanties de sécurité que celles qui existent actuellement pour l'inscription sur les listes et la vérification des mêmes pièces justificatives. On peut également imaginer qu'une personne faisant sa déclaration de revenus auprès de l'administration fiscale ou sollicitant la délivrance d'une carte nationale d'identité ou d'un permis de conduire se verra proposée, par l'intermédiaire de mon.service-public.fr, la modification de sa commune d'inscription dès lors qu'elle signalera son changement d'adresse. Dans le même esprit, une proposition systématique d'inscription pourrait être formulée aux personnes qui acquièrent la nationalité française, nombre d'entre elles semblant considérer que les démarches d'acquisition de la nationalité valent inscription sur les listes électorales.

En dernier lieu, nous proposons d'élargir le choix de la commune d'inscription par l'électeur en rénovant les conditions d'attache avec celle-ci. La commune d'inscription est déterminée par trois conditions alternatives. Les deux premières, qui reposent sur la preuve d'un domicile ou l'existence d'une résidence continue de six mois au moins, ne posent pas de difficulté. En revanche, la troisième, liée à la qualité de contribuable local, apparaît « vieillotte » en exigeant de l'électeur qu'il figure personnellement depuis cinq années consécutives au rôle d'une des contributions directes communales. Nous n'avons pas trouvé l'origine de ces cinq années, délai qui nous paraît long et que nous proposons de réduire à une période plus courte de deux ans. Surtout, l'exigence d'une inscription personnelle au rôle fiscal est inadaptée à certaines situations personnelles et professionnelles. Ainsi, pourquoi priver d'inscription sur la liste électorale la personne qui acquiert son appartement par l'intermédiaire d'une société civile immobilière afin de le transmettre à ses enfants ? De même, si la plupart des commerçants exerçaient, il y a quelques décennies, leur activité en nom propre, ils peuvent aujourd'hui le faire sous divers statuts, notamment en SARL ou EURL. Dès lors, pour quelle raison un commerçant, dont l'entreprise est soumise à un statut juridique particulier mais qui exerce une activité économique réelle et a un lien économique avec sa commune, se retrouverait-il, dans un cas, autorisé à s'inscrire et dans l'autre pas ? Nous appelons donc de nos voeux un toilettage de ces dispositions qui ne changera pas le fond des choses mais facilitera les inscriptions et, en tout état de cause, permettra de ne plus les bloquer pour des raisons discriminatoires.

Vous le voyez, nos propositions s'inscrivent toujours dans le double objectif de satisfaire l'exigence démocratique d'inscription du plus grand nombre sur les listes sans porter préjudice à la sécurité juridique du processus électoral. Sur les vingt-trois propositions que nous formulons, près de la moitié est d'ordre législatif et l'autre moitié est réglementaire ou administrative. J'en évoquerai une dernière qui ne manquera pas de rappeler des souvenirs à ceux d'entre vous qui ont tenu des bureaux de vote. Nous constatons tous, à cette occasion, des inexactitudes sur les listes électorales : adresses inexactes, prénoms mal orthographiés, dates de naissance erronées, etc. Alors qu'aujourd'hui aucune procédure ne rend obligatoire la saisine de la commission administrative sur ces erreurs, nous suggérons que le président du bureau de vote soit tenu de les lui transmettre afin qu'elles soient régularisées et corrigées.

Pour le reste, nous sommes, ma collègue et moi, d'une sensibilité très proche sur l'ensemble des propositions. Je dois néanmoins exprimer une certaine prudence sur la question des délais. Si je souscris totalement au délai d'inscription de quarante-cinq jours avant le scrutin, compte tenu du temps administratif nécessaire aux opérations de révision des listes, un délai de trente jours me paraît compliqué à atteindre si l'on songe que, dans l'idéal, les listes électorales devraient même être arrêtées et purgées des recours au moment du dépôt des candidatures et du début de la campagne électorale. Pour le reste, j'ai la conviction que nous avons ouvert des pistes intéressantes, susceptibles d'améliorer considérablement la tenue des listes électorales dans notre pays.

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