Intervention de Olivier Schrameck

Réunion du 16 octobre 2014 à 8h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, CSA :

Votre première question a trait à l'évolution du cadre juridique européen. Netflix n'a pas violé la loi mais utilisé les possibilités offertes par les asymétries persistantes au sein de l'Union européenne. Il faut remédier à cette situation en révisant les directives que j'ai citées, ainsi que la directive relative aux droits voisins. On peut procéder de différentes manières. Pour ce qui est en particulier des nouveaux services audio-visuels, la plus radicale est de substituer le principe du pays de diffusion au principe du pays-siège. Alors que la demande prend de plus en plus le primat sur l'offre, la logique commande de prendre pour critère le pays où se regroupent les demandeurs des services considérés. À cela s'ajoute que l'universalité de l'internet, dont il est souvent fait mention pour s'opposer à ce changement de perspective, doit être relativisée : les différences de langues et de réglementations font que l'on ne peut considérer l'espace européen comme un ensemble complétement homogène au regard de l'internet. Les pouvoirs publics ont pris position sur ce point, une négociation va s'engager et, le 21 octobre, à Bruxelles, je proposerai aux régulateurs européens des services de media audiovisuels la création d'un groupe de travail sur la compétence territoriale, et demanderai qu'il soit présidé par la France. Je suis pleinement conscient de ce problème, et conscient, aussi, des difficultés auxquelles nous nous heurtons. Il faut obtenir qu'un minimum d'obligations soit requis dans le cadre de la directive, en particulier pour les nouveaux services. Actuellement, les États font ce que bon leur semble en la matière et il y a là une sorte de voie d'eau du financement de la création culturelle extrêmement préjudiciable.

À propos de l'affaire précise que vous avez mentionnée, nous avions, dans notre décision, appelé à la révision de la référence à l'abonnement, notion dépassée quand on peut s'abonner gratuitement par simple inscription. Cette question se pose au législateur à un moment où les services de vidéo à la demande de plus en plus nombreux reposent sur la reprise de programmes déjà diffusés dans le cadre d'offres séquencées et programmées par les éditeurs traditionnels.

Les deux années à venir seront capitales. Je ne dis pas que le législateur français doit rester l'arme au pied en attendant que les directives pertinentes soient révisées. Mais nous n'aurons de système qui nous assure une base suffisante dans la compétition internationale, principalement avec les géants d'outre-Atlantique, que si nous parvenons à une homogénéité minimum de la législation européenne supposant des possibilités de différenciation et d'incitation. Les deux perspectives ne me semblent pas contradictoires : encourager les comportements qui favorisent la création et qui respectent nos droits et libertés ne me paraît pas en soi une entorse à la concurrence.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion