Intervention de Valérie-Laure Benabou

Réunion du 26 novembre 2014 à 17h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Valérie-Laure Benabou :

Pour revenir sur la possibilité ou non d'associer les individus à la valorisation de leurs données, je me demandais s'il s'agissait non pas d'une quadrature du Net mais bien d'une quadrature du cercle. En effet, il y a cette idée de récusation de la propriété de la donnée par celui qui en est à l'origine. J'aurai sur ce point un léger désaccord. Techniquement parlant, il n'y a pas de raison d'affirmer qu'on va perdre tout contrôle en cédant sa propriété et que ce serait une catastrophe. Des outils d'inaliénabilité existent. Le droit de la propriété intellectuelle prévoit une cession par laquelle on ne cède pas vraiment… Il y a des possibilités de licence. On pourrait émettre l'idée d'une propriété rendue partiellement indisponible à la personne. L'idée de propriété reste donc modulable plus qu'on ne le pense. Si l'on parle de contrôle, la propriété est un outil très connu, qui a le mérite d'être assez ancien et assez éprouvé. Aussi, récuser la propriété au simple motif qu'on la perdrait à l'occasion d'une cession, me paraît une justification un peu courte.

Plus généralement, peut-on vraiment penser que l'internaute, le sujet de la donnée, a vocation au partage de cette valeur économique ? Est-ce que cela a un sens étant donné l'asymétrie évidente entre le responsable de traitement et l'individu à l'origine d'un petit faisceau de données qui peut-être, en lui-même, n'a pas de valeur ? Comme c'est par l'agrégat que naît la valeur, quelle vocation a-t-on à partager des données si l'on n'est à l'origine que d'un micron de cet agrégat ?

Ensuite, à supposer que ce partage soit légitime, comment le rendre effectif ? Comment organiser des opérations de communication de données (reporting) permettant à la personne d'être associée à cette valorisation ?

Enfin, à supposer qu'on laisse tomber l'idée de la participation à la valorisation en amont, on continue de considérer que la personne doit conserver un contrôle, y compris un contrôle « filant », au fur et à mesure que ses données vont être transmises, aliénation qui, elle, repose souvent sur l'idée de propriété – d'où cette asymétrie qui me paraît quelque peu surprenante. Or, de par le contrôle, cette autodétermination informationnelle conduit forcément à une certaine précarisation des acteurs économiques situés en aval. En effet, s'ils transfèrent des données dont, à tout moment, une personne peut retirer, supprimer des éléments, quelle est la valeur économique transmise ?

Y a-t-il moyen d'opérer un partage de valeur entre l'individu et le responsable de traitement ? Est-ce que cela a un sens et, sinon, comment continuer à maintenir un contrôle de l'internaute sur ses propres données tout en permettant la circulation de la valeur économique liée aux données traitées ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion