Intervention de Isabelle Falque-Pierrotin

Réunion du 26 novembre 2014 à 17h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés :

À défaut d'une réponse complète à cette question très compliquée, je proposerai quelques pistes.

Le dispositif juridique actuel reconnaît la protection des données comme un droit fondamental et la concilie avec la logique économique telle qu'elle s'est développée. Est-il utile d'en changer et d'adopter celui de la propriété ? Je suis certes d'accord avec vous : on peut moduler la propriété ; mais le dispositif en vigueur fonctionne dans vingt-huit pays européens, il est imité dans toute une série de pays dans le monde – en Afrique francophone aussi bien qu'en Amérique du Sud –, et il reconnaît aux personnes des droits pour le moins puissants. Aussi, avant de lui substituer un droit de propriété dont on ne sait même pas de quelle manière il s'appliquera, je me montrerais très prudente, d'autant que dans cette notion de propriété, il y a une notion d'appropriation patrimoniale réductrice par rapport à l'approche consistant à considérer les données comme un droit fondamental et pas simplement comme un objet économique. Aucune raison vraiment convaincante ne devrait nous pousser dans ce sens, au contraire.

Cela dit, comment l'individu peut-il bénéficier de la chaîne d'utilisation de sa donnée et cela a-t-il un sens ?

Il ne faut pas lancer des signaux contradictoires. Si l'on dispose d'un cadre de régulation qui considère la protection des données comme un droit fondamental, inaliénable et qui, bien sûr, prend en compte la logique économique, il ne faut pas, dans le même temps, par des incitations, envoyer le signal inverse selon lequel nous aurions intérêt à commercialiser au maximum nos propres données.

Je ne peux pas, en tant que présidente de la CNIL, me prononcer sur les dispositifs économiques permettant de faire ce que vous décrivez. En revanche, je peux affirmer que plus l'individu jouira de droits effectifs – tels qu'ils existent aujourd'hui et tels que le règlement pourra demain les lui reconnaître – sur sa donnée personnelle – accès, portabilité, transparence –, plus le rapport individu-prestataire sera équilibré. Quelle est la valorisation économique de ce rééquilibrage de pouvoirs, je suis bien incapable de vous le dire.

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