Intervention de Marc Robert

Réunion du 26 novembre 2014 à 17h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Marc Robert, procureur général près la cour d'appel de Versailles, auteur du rapport Protéger les internautes relatif à la cybercriminalité :

Nous avons rencontré certaines associations de consommateurs qui ont essayé en vain de demander aux hébergeurs de retirer certains contenus totalement illicites et qui ont ensuite engagé des actions civiles – on sait les obstacles auxquels elles se heurtent et le coût qu'elles représentent. Certaines victimes individuelles d'infractions de presse se sont vu opposer des fins de non-recevoir à leurs demandes de retrait, du moins lorsque les prestataires ont pris la peine de leur répondre.

La notification par les autorités publiques est une procédure que nous n'avons pas assez développée en France contrairement à d'autres États. Il faudrait mieux l'organiser.

Quant aux obligations judiciaires, il conviendrait d'établir une liste beaucoup plus précise.

Enfin, il faudrait un système de contrôle et de sanction. Certaines sanctions prévues par la loi de 2004, comme la consultation du casier judiciaire, n'ont jamais été appliquées. Personne ne se sent responsable quand il s'agit de sanctionner les fournisseurs ou les hébergeurs qui ne jouent pas le jeu.

À cela s'ajoutent deux problèmes particuliers.

Le premier porte sur les fournisseurs de moteurs de recherche, qui ne sont pas concernés par la loi, ce qui est une lacune particulièrement importante.

Le deuxième concerne les prestataires de droit américain. Nous avons entendu les représentants de tous les prestataires principaux, qui sont à 90 % des prestataires de droit américain. Dès lors que les sociétés les plus importantes revendiquent en permanence l'extranéité juridique, estiment qu'elles ne peuvent pas être requises par les autorités françaises, et contestent l'applicabilité de la loi de 2004 en ce qui les concerne, que reste-t-il de cette loi ? L'un des enjeux cruciaux pour que les services d'enquête et les juges des référés puissent véritablement jouer leur rôle est de faire en sorte de contraindre les services dits de droit américain à appliquer la législation française.

Nous nous sommes penchés sur le problème de la faisabilité de cette proposition de droit interne. Vous savez très bien qu'aussi bien le Conseil de l'Europe que l'Union européenne travaillent sur ces questions. Google a déjà fait assez parler de lui pour qu'on ne l'ignore pas. Nous avons considéré tout simplement qu'il était inadmissible que des sociétés étrangères ayant des milliers d'abonnés ou d'utilisateurs en France, engrangeant des bénéfices très substantiels liés à l'utilisation des données privatives à des fins publicitaires, refusent délibérément d'appliquer certaines obligations légales indispensables à la lutte contre la cybercriminalité. Nous recommandons de prévoir que les obligations normatives, tant civiles que pénales et administratives, imposées aux prestataires concernent non seulement les prestataires français mais aussi les prestataires étrangers exerçant une activité économique sur notre territoire, fût-elle accessoire, ou qui offrent des biens et des services, même à titre gratuit à des personnes domiciliées sur le territoire national et cela, indépendamment du lieu d'implantation du siège social ou du stockage des données. Exit le problème américain ou irlandais. Faisons en sorte que le droit soit égal entre tous : c'est la seule façon d'introduire un système équitable de concurrence entre prestataires.

À ces différentes conditions, la loi de 2004 pourra être effective.

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