Intervention de Patrick Eveno

Réunion du 25 septembre 2014 à 8h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Patrick Eveno, spécialiste de l'histoire des médias :

Il me semble que droit à l'information et droit de savoir sont consubstantiellement liés. Je ne vois pas comment on peut faire autrement que de les mettre dans le même paquet juridique. Mais le droit de savoir ne veut pas dire, si l'on fait du lacanisme de bas étage, qu'on a forcément le droit de voir « ça » – c'est toute la question de savoir jusqu'où l'on peut regarder.

La liberté d'expression est un droit fondamental. Il faut aller le plus loin possible. À l'heure où nous vivons des moments douloureux, où s'exerce une pression de la part d'agents extérieurs et intérieurs qui essaient de prendre le pouvoir et de placer la démocratie face à ses propres contradictions, il faut réaffirmer que c'est la démocratie qui doit gagner, qui va gagner et qui gagnera.

Le droit à l'oubli a été imposé à Google par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), or l'arrêt renvoie au déréférencement non pas global, mais de noms particuliers. Les journaux britanniques, au premier rang desquels The Guardian, se sont élevés contre le droit à l'oubli, qui s'apparente à une forme de censure. Cela pose un problème évident, car le numérique permet une diffusion de la diffamation et de l'insulte quasiment sans limites. Je l'ai moi-même vécu lorsqu'une personne qui ne m'aimait pas a créé une page Wikipédia à mon nom comportant des phrases détachées de leur contexte – j'ai réussi à la faire modifier ensuite, mais cela a été compliqué. En définitive, le droit à l'oubli est illusoire car, à part les personnes condamnées ayant purgé leur peine ou quelques célébrités qui veulent voir retirer tel ou tel article, la plupart des gens ne peuvent rien faire contre le monstre Google.

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