Intervention de Edwy Plenel

Réunion du 25 septembre 2014 à 8h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Edwy Plenel :

Vos travaux sur l'économie de la presse de 1880 à 1914 montrent qu'il s'agit d'abord de l'histoire la plus dynamique économiquement de ce secteur, des entreprises de presse indépendantes faisant fortune grâce à la liberté. C'est aussi le moment de la construction d'un espace public qui bouscule le monde établi des élites intellectuelles, académiques, politiques et littéraires, qui s'offusquent de « ce journalisme de fait, » « ce journalisme à l'américaine », « ce journalisme vulgaire », à leurs yeux contraire aux idées, à la littérature, à l'élévation du débat.

Ainsi, vous avez démontré, d'une part, que la liberté créait la liberté sans entraves – celle défendue lors des débats de 1881, qu'on pourrait relire aujourd'hui dans leur radicalité démocratique – et un secteur dynamique comme nous ne l'avons jamais connu, la saignée de 14-18 créant ensuite une presse plus corrompue, beaucoup plus fragile, cédant à toutes sortes de tentations. Vous avez démontré, d'autre part, que le compromis de l'aide étatique, issu de la Seconde guerre mondiale, loin d'avoir aidé le pluralisme, a accompagné son appauvrissement. Cette liberté a été accompagnée d'excès – notamment la parution de La libre parole sous-titrée La France aux Français, de M. Drumont, auteur de La France juive, publiée chez Flammarion. Cet espace public a néanmoins permis de s'élever contre ces horreurs.

Bien sûr, nous avons des problèmes, nous vivons une transition. Mais n'avons-nous pas besoin de cette radicalité démocratique pour, à la fois, libérer le dynamisme économique et tirer vers le haut un espace public qui trouvera de lui-même – et non par l'État – de nouveaux modes de régulation ?

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