Intervention de Philippe Aigrain

Réunion du 25 septembre 2014 à 8h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Philippe Aigrain :

Deux visions existent sur la question de savoir qui possède la liberté d'expression sans entrave. L'une selon laquelle elle resterait l'apanage de personnes ou d'institutions estampillées – détenteurs d'une licence à émettre, porteurs d'une carte de presse, etc. L'autre, défendue par les gens immergés dans le monde numérique, présente tout individu comme un acteur ayant un rôle démocratique.

De la même façon, deux discours sont aux antipodes sur la question de la rectification des erreurs. L'un affirme qu'Internet permet un développement sans limite et sans entrave de l'erreur et de la diffamation, avec une très grande difficulté de rectification. À l'inverse, les acteurs immergés dans la pratique quotidienne du numérique, tout en reconnaissant une diffusion instantanée et massive d'informations possiblement fausses, voient dans les mécanismes de rectification sociétale extrêmement puissants une autre forme de droit de réponse. Sur ce point, j'aimerai connaître votre sentiment.

Enfin, se pose la question de la limite entre expression et acte, notamment au regard de la loi antiterroriste. Aux États-Unis, la liberté d'expression n'est pas absolue puisque, comme la Cour suprême l'a confirmé, un appel au meurtre peut être sanctionné s'il est suivi d'une tentative de meurtre. En France, le cadre législatif tend à faire dériver la limite entre expression et acte en quasiment l'inverse, à savoir que toute expression deviendrait un acte, que toute apologie de la haine équivaudrait à l'acte résultant de la haine. Selon vous, où doit être placée la limite entre expression et acte ?

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