Intervention de William Bourdon

Réunion du 25 septembre 2014 à 8h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

William Bourdon, avocat :

Le Conseil de l'Europe s'est penché tant sur la question de l'habeas corpus numérique que sur celle de la protection des lanceurs d'alerte. On considère souvent que les informations qui se trouvent au coeur des fonctions régaliennes de l'État doivent faire l'objet d'un traitement dérogatoire en matière de droit d'accès des citoyens ou de protection du lanceur d'alerte. Ainsi la législation américaine, pourtant une des plus protectrices des lanceurs d'alerte, n'est-elle d'aucun secours pour Edward Snowden parce qu'elle ne s'applique pas aux agents des services de sécurité comme la NSA ou la CIA.

Il faut universaliser et homogénéiser le plus possible le droit d'accès des citoyens à leurs données personnelles contenues dans des fichiers privés et publics. Ce droit existe, mais reste insuffisant. L'étendre suppose de renforcer fortement les moyens de la CNIL dont la haute autorité administrative que je propose de créer pourrait être une émanation. Comment, dans une démocratie, arbitrer entre le respect des missions les plus régaliennes – et donc les plus secrètes – de l'État et le droit du citoyen de contester ou de révéler une information gravement attentatoire à la vie privée ou à la présomption d'innocence ? Légiférer dans ce périmètre sanctuarisé apparaît difficile ; il faudra pourtant s'y résoudre car on ne saurait le laisser hors d'atteinte du regard citoyen. Je ne vois guère d'autres solutions que de confier cet arbitrage délicat à une haute autorité constituée de consciences irréprochables, hors de tout soupçon, qui pourrait par exemple conclure que dans telle affaire, la lutte contre le terrorisme ne justifie pas que le ministère de l'intérieur, au nom de la sûreté de l'État, conserve dans une totale opacité des fiches dont l'examen montre qu'elles portent gravement atteinte à la vie privée ou à l'intimité ou aux droits les plus fondamentaux des citoyens.

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