Intervention de William Bourdon

Réunion du 25 septembre 2014 à 8h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

William Bourdon, avocat :

Après la publication, l'année dernière, d'un de mes articles dans Le Monde, un sénateur a déclaré : « Avec maître Bourdon, c'est Vichy qui revient ». Si annoncer la dictature de la transparence revient à caricaturer nos ambitions communes, il serait naïf de refuser le débat car tous ceux qui demain revêtiront les habits de la vertu pour diffuser du fiel, régler les comptes et semer la discorde représenteront en effet un véritable poison. Pour y faire face, la loi du 6 décembre 2013 a instauré le critère de la bonne foi qui conditionne la protection du lanceur d'alerte. Si l'absence de décisions judiciaires en cette matière ne nous permet pas encore de savoir quel périmètre exact les juges donneront à ce critère essentiel, la notion bénéficie en France d'un corpus juridique important. Ceux qui demain manipuleront la loi protectrice des lanceurs d'alerte pourront être poursuivis au titre des articles sur la dénonciation calomnieuse ou sur la divulgation des fausses nouvelles. On peut d'ailleurs prévoir qu'en cas de dénonciation calomnieuse, rechercher l'immunité de la loi protectrice des lanceurs d'alerte constitue une circonstance aggravante qui renforce la sévérité de la sanction.

Pourquoi est-il si important de légiférer sur ces questions ? En tant qu'avocat, je constate que l'exaspération de certains de nos concitoyens les amène à des comportements pathologiques. Le sentiment de déni et d'impuissance qu'éprouvent les personnes indignées qui souhaitent mais n'ont pas les moyens de donner l'alerte les conduit vers une radicalisation qui en fait parfois leurs pires ennemis. On ne mesure pas assez les effets pathogènes de ce ressenti qui ronge de plus en plus de citoyens.

Le Parlement doit affirmer sa souveraineté absolue sur la création, le contenu et la modification de tous les fichiers, sous peine de laisser subsister la possibilité de fichiers secrets. Or comment un citoyen peut-il exercer le moindre contrôle sur un fichier dont il ignore l'existence ?

La question de l'introduction des échelons intermédiaires pour les lanceurs d'alerte est difficile car le comportement des acteurs privés – dans ce domaine comme dans celui de la responsabilité sociale ou environnementale – n'a jamais été aussi hétérogène. Certaines entreprises ont mis en place en leur sein des mécanismes qui permettent réellement aux lanceurs d'alerte de s'exprimer sans crainte, alors que dans d'autres, leurs interlocuteurs internes sont là pour les piéger. Ainsi, aucun lanceur d'alerte souhaitant dénoncer une opération de blanchiment au sein d'une grande banque internationale ne peut espérer trouver une écoute favorable à ce niveau. Par conséquent, s'il faut encourager les mécanismes intermédiaires, ceux-ci ne doivent pas devenir une contrainte pour les lanceurs d'alerte car le remède peut être pire que le mal.

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