Intervention de Pierre-Franck Chevet

Réunion du 24 novembre 2014 à 16h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Pierre-Franck Chevet, président de l'Autorité de sûreté nucléaire :

Je vais commencer par répondre directement à votre question. Par la loi de 2006, nous sommes en charge de la sûreté. Nous sommes une autorité indépendante, notamment du Gouvernement. Nous ne sommes pas en charge des aspects de sécurité. Au vu des éléments développés, car il y a des liens à maintenir entre les deux, nous sommes attachés, comme le haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HSDS) du ministère de l'écologie, à consolider nos relations. Pour donner une illustration, nous avons à peu près deux réunions de haut niveau par an ; nous nous sommes également attachés progressivement à faire un courrier de prescriptions commun adressé aux exploitants. Nous partageons de l'information. Une installation peut avoir des fragilités, quel que soit l'agresseur, volontaire ou naturel. Ce genre d'analyse doit être partagé. Nous essayons de développer ces aspects, et comme le disait M. Francis Rol Tanguy, dans la situation actuelle, on ne peut qu'imaginer renforcer cette collaboration.

Cette situation fait réagir mes homologues étrangers. Nous avons, pour la deuxième fois en France, une mission d'inspection de la police que nous sommes. La police des polices vient nous voir au niveau international, mais je ne vais pas pousser l'image trop loin. Une trentaine d'inspecteurs homologues de ce que nous sommes sont actuellement, pour quinze jours, en train de nous observer. Comme ils l'avaient vu il y a une dizaine d'années lors d'une première inspection, ils reviennent sur ce point, car il sort de ce qui se fait ailleurs. Dans nos rapports d'activités depuis de nombreuses années, nous sommes attentifs à ce qui se passe ailleurs, et notamment à la répartition des compétences sur tous les sujets. L'on s'aperçoit que 95 % de nos homologues chargés de la sûreté ont aussi en charge la question de la sécurité. Il faut être précis.

L'idée d'un grand organisme indépendant chargé de tous les aspects de sécurité ne marche pas. Ce qui a été souligné par M. Francis Rol Tanguy est vrai, il y a des sujets clairement du domaine régalien. Prévenir une menace et intervenir en cas de menace relève du Gouvernement et des services spécialisés. Habiliter des gens, au sens confidentiel secret défense, n'est pas du ressort d'une autorité indépendante, qui n'aura jamais les services ad hoc pour faire faire ce genre de missions. Que ce soit au niveau de la définition de la menace, de l'habilitation ou de l'intervention, aucun de mes homologues n'a ce genre de pouvoir, à l'évidence parce que ce sont des aspects régaliens, incompatibles avec une autorité indépendante. Le débat existe quand est abordée la question de la diminution de la vulnérabilité des installations. Techniquement, on traite là de sujets très voisins. Les principes sont globalement les mêmes. On peut avoir des systèmes de sûreté robustes, des tuyaux protégés par des enceintes, des systèmes diversifiés, redondants, tout cela fait partie des grands principes qui en réalité s'appliquent aux deux domaines, sur les mêmes installations. C'est sur ce point qu'à l'étranger, se trouvent des organisations différentes, où ce rôle technique en matière de sécurité et de sûreté est assuré de fait par la même entité.

La question n'est donc pas d'avoir un grand tout indépendant, c'est impossible. Elle concerne des installations, avec différentes mesures de prévention qui peuvent toucher à la sécurité ou à la sûreté. Doit-on les mettre sous une même responsabilité ? Cette question est posée de manière récurrente par mes homologues étrangers.

Pour la sécurité, un sujet, qui n'a pas trouvé de réponse, me semble préoccupant. Cela n'a rien à voir avec les drones. Il s'agit de la sécurité des sources radioactives. On les trouve sur n'importe quel chantier industriel pour faire la radiographie des tuyaux soudés. Il y en a partout, dans toute l'Europe. Ce sont des sources assez puissantes, des enjeux de sûreté s'attachent à la perte de ces sources, mais aussi des enjeux en termes de sécurité et de malveillance. Ce sujet n'est pas correctement traité dans le système actuel. En clair, il est « orphelin », et il serait urgent qu'il trouve enfin une base législative, et surtout des services pour s'en occuper sur le terrain.

Un dernier point, et je le dois à l'honnêteté, quelles que soient les réformes administratives, il faut avoir l'humilité de penser que cela ne résoudra pas instantanément le problème de drones que nous rencontrons.

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