Intervention de Isabelle Jouette

Réunion du 24 novembre 2014 à 16h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Isabelle Jouette, directrice de communication et porte-parole de Société française d'énergie nucléaire :

La Société française d'énergie nucléaire (SFEN) est une association régie par loi de 1901 qui, depuis 1973, est le lieu de partage des connaissances scientifiques et techniques sur l'énergie nucléaire, dans ses applications industrielles, scientifiques et médicales. En préambule, je me permets de repréciser quelques éléments de vocabulaire, à commencer par ceux que donne loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dans son article 1, repris dans le code de l'environnement : « la sécurité nucléaire comprend la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance ainsi que les actions de sécurité civile en cas d'accident. La sûreté nucléaire est l'ensemble des dispositions techniques et des mesures d'organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l'arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base ainsi qu'au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d'en limiter les effets. »

Je souhaiterais rappeler également le préambule du document de référence de l'IRSN intitulé Approche comparative entre sûreté et sécurité nucléaires, d'avril 2009 : « Pour les responsables d'une installation ou d'une activité nucléaire, la maîtrise des risques nucléaires ou radiologiques s'inscrit dans deux démarches complémentaires qui ont leur logique propre : la sûreté et la sécurité. Concourant à la même finalité, ces deux approches doivent se renforcer mutuellement sans se gêner. »

Le contrôle en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection relève actuellement de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ; le contrôle en matière de prévention et de lutte contre les actes de malveillance relève du haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) du ministère de l'écologie. Il me semble donc que la question posée est celle de la fusion possible des responsabilités en matière de contrôle de la sûreté nucléaire, d'un côté, et de prévention et de lutte contre les actes de malveillance, de l'autre.

À ce propos, il est essentiel de rappeler que l'objectif de la prévention et de la lutte contre les actes de malveillance, est bien, in fine, d'assurer et de garantir la sûreté nucléaire de l'installation. L'objectif est bien, quel que soit l'acte de malveillance, qu'il n'y ait pas de conséquence en matière de sûreté nucléaire, donc de rejet radioactif supérieur à ceux induits potentiellement par un accident même grave.

Les exploitants ont d'ores et déjà déployé des actions. Elles visent bien à se protéger des risques de sureté nucléaire comme la perte de matériel important, de moyens de refroidissement, des alimentations électriques, ou autres, qui seraient engendrées par un ou des actes de malveillance. Il faut souligner qu'en France, les choses sont faites avec sérieux et rigueur. Si, dès la conception, les installations nucléaires ont prévu des parades face aux risques d'agressions externes, qu'elles soient naturelles, accidentelles ou d'origine humaine, les exploitants ont mis en oeuvre, après les attentats du 11 septembre 2001, des dispositions complémentaires en lien avec leurs ministères de tutelle. Ces mesures ont été instruites, en leur temps, par la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et par l'IRSN. Elles ont été validées par un groupe permanent en 2004 et sont maintenant en place. Outre ces mesures, il est important de rappeler qu'il est particulièrement difficile d'accéder à un site nucléaire et que les dispositifs de sécurisation des accès et des points névralgiques des installations, comme les stations de pompage, la salle de commande ou les bâtiments diesel, sont autant d'obstacles à une action malveillante.

Aussi, les gesticulations d'associations antinucléaires particulièrement organisées, lors d'interventions qui s'apparentent plus à des actions commando qu'à des débats argumentés, ne démontrent rien. Au final, elles ne font que perturber la sérénité nécessaire à une exploitation en toute sûreté. Il est fondamental de dénoncer ces pratiques illégales. Elles sont particulièrement décourageantes et même, je dirais, frustrantes, pour l'ensemble des personnes chargées de la protection des sites, organisés et entrainés pour faire face à des menaces réelles.

Les associations en question peuvent-elles garantir qu'il n'y aura jamais dans les personnes qu'elles mobilisent pour de telles actions, de vrais terroristes ? Auquel cas, sachant que le traitement dont elles feront l'objet sera toujours à l'image de la présomption de pacifisme dont elles bénéficient, ces organisations réalisent-elles la responsabilité qu'elles pourraient porter ?

Il faut également signaler qu'une intrusion sur un site nucléaire, instrumentée et préparée comme une action militaire, avec les moyens humains et financiers considérables qu'elle demande, n'est pas plus condamnée qu'un simple cambriolage à votre domicile, alors que nos concitoyens considèrent à juste titre qu'il est particulièrement inadmissible qu'un site nucléaire puisse être envahi et que l'importance de telles actions est sans commune mesure avec un cambriolage.

Le Gouvernement s'était engagé à faire évoluer la réglementation pour mettre en adéquation le caractère particulièrement inadmissible d'une intrusion avec les sanctions pénales encourues. La SFEN profite du temps de parole qui lui est donnée, monsieur le président, pour rappeler cet engagement, et demander que les intrusions sur les sites nucléaires, quelles qu'elles soient, soient effectivement passibles de peines proportionnées et dissuasives.

Pour en revenir à la question initiale, puisque la protection contre les actes de malveillance doit garantir et protéger la sûreté nucléaire, logiquement, le contrôle devrait en incomber à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Mais, dans le même temps, cette protection repose sur des actions de robustesse des installations, et sur des actions de résilience, qui dénotent le niveau de capacité d'un système à tolérance de panne, de pouvoir continuer de fonctionner en mode dégradé, tout en évoluant dans un milieu hostile. Il s'agit principalement de la vérification de la possibilité d'accès sur les sites et d'action de protection des points sensibles, par des moyens de type militaire dont on a parlé tout à l'heure. Ces actions et ces moyens relèvent du domaine régalien, donc de l'État. En l'occurrence, qui mieux que le haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) et ses services peuvent en apprécier la pertinence ?

Les deux logiques de responsabilité en matière de contrôle peuvent s'entendre, mais l'important, comme l'a rappelé récemment l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à l'occasion des débats sur la directive européenne de sûreté, est qu'il n'y ait pas deux autorités chargées du contrôle, car une telle organisation nuirait vraisemblablement à son efficacité. Pour un bon contrôle, il est fondamental qu'il n'y ait qu'un seul responsable.

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