Intervention de Denis Baupin

Réunion du 24 novembre 2014 à 16h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin, député :

Merci monsieur le président d'avoir organisé ces deux auditions au sujet du survol des installations nucléaires par des drones. Je dois avouer qu'après quatre heures et demie passées en audition, je n'ai pas eu de réponse à la principale question que je me posais en entrant : qui est derrière cette opération de survol par des drones ? Cela reste pour moi un sujet de préoccupation. Nous avons bien entendu les différents services de l'État, sans vouloir être désobligeant avec qui que ce soit, se renvoyer la balle. Mais à l'arrivée, nous ne savons toujours pas comment des gens peuvent organiser le survol d'installations nucléaires pendant des semaines et des semaines en échappant à l'ensemble des services de surveillance du pays. Et nous ne savons pas qui est derrière cette opération.

Vous nous avez dit, monsieur le président, que s'il s'agissait de terroristes, ils utiliseraient des moyens plus militaires. Oui, mais si j'entends ce qu'a dit M. John Large par exemple, on peut imaginer qu'existe des loups solitaires en terrorisme, parfois isolés et avec peu de moyens, mais qui peuvent être sur notre territoire et vouloir agir de façon négative. Je n'ai pas de garantie, j'espère me tromper en évoquant cette hypothèse. La mobilisation que l'on a pu constater, je remercie d'ailleurs tous ceux qui sont venus cet après-midi pour évoquer ces sujets, montre le sérieux de la préoccupation.

La question est de savoir si nos installations nucléaires pourraient être la cible demain de gens mal intentionnés. Cette question a été posée au lendemain de l'attentat du World Trade Center, car des missiles sol-air ont été posés à côté de l'usine de La Hague : à l'époque, on avait déjà identifié que, si des gens mal intentionnés voulaient frapper notre pays, les installations nucléaires pourraient être des cibles idéales. Cette question reste posée aujourd'hui. Le fait que l'on ne sache pas qui est derrière cette opération, après tant de temps, après tant de services mobilisés, de mon point de vue est particulièrement préoccupant.

Je voulais poser quelques questions à nos intervenants, notamment à l'ASN et à l'IRSN. M. Jacques Repussard nous dit qu'il n'y avait pas grand-chose à craindre. J'avais relevé, comme M. Yannick Rousselet, que c'était au vu de reportages télévisés. On n'a rien vu à la télévision, simplement des images d'archives. Aucune image actuelle n'a été réellement diffusée.

Quel risque font encourir ces drones pouvant transporter jusqu'à 20 kg d'explosifs, et utilisés, selon les hypothèses évoquées par M. John Large, en essaims de drones combinés? Peut-on affirmer aujourd'hui qu'il n'y aurait pas une grande préoccupation à avoir ?

Ma deuxième question concerne la protection des installations, et notamment des piscines. On l'a entendu dans les interventions – et vous l'avez évoqué, monsieur Chevet, dans une interview récente au journal Les Echos, sur la prolongation de durée de vie des centrales nucléaires –, que la question de la bunkerisation des piscines serait sur la table. Elle est d'ailleurs prévue dans le cadre de l'EPR. On se pose évidemment la question pour La Hague, un équipement dans lequel il y a l'équivalent d'une centaine de coeurs de réacteurs stockés. Il s'agit d'un endroit qui pourrait être inquiétant s'il n'était pas suffisamment protégé, et M. Francis Rol Tanguy le disait tout à l'heure, lors de la première l'audition, faut-il vraiment attendre de prolonger des réacteurs nucléaires au-delà de quarante ans pour bunkériser les piscines ? Ne peut-on pas décider d'ores et déjà que, face à cette accumulation de risques, ce serait une mesure de sécurité importante ?

Autre question, vous avez quasiment plaidé pour que la sécurité, non pas dans le pilotage, mais en termes de référentiel que doivent satisfaire les installations nucléaires, soit traitée de concert avec la sûreté, également en matière de contrôle. Qu'est-ce qu'il s'y oppose, ou que faut-il faire pour que dorénavant cette compétence soit transférée ? Faut-il le faire par la loi ? Nous avons un outil législatif en cours, la loi sur la transition énergétique. Est-ce un outil pertinent ou devons-nous le mettre en place par d'autres dispositifs ? Nous sommes des parlementaires : s'il faut un changement de la loi, dites-le nous et nous verrons comment l'organiser.

Dernier élément, au lendemain de l'accident de Fukushima, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a piloté des évaluations complémentaires de sûreté. Elles ont débouché sur près de 1000 préconisations, dont on nous dit qu'elles vont mettre du temps à se mettre en place par rapport au calendrier fixé. Mais certains enjeux n'ont pas été pris en compte. Ne vous semblerait-il pas pertinent que soient réalisées des évaluations complémentaires de sécurité, face aux enjeux d'agressions extérieures, de piratage informatique, de chute d'avion ? Sur ces trois sujets non traités par les évaluations complémentaires de sûreté, cela vous paraitrait-il pertinent qu'un tel travail soit effectué à l'occasion de cette question des drones, qui vient montrer une vulnérabilité potentielle, et je suis prudent dans les termes.

Il a fallu dix ans après les attentats du World Trade Center pour commencer à modifier les directives de sécurité sur le nucléaire. Des plans doivent se mettre en place d'ici 2016, c'est-à-dire avec des délais encore relativement longs, et nous ne sommes pas certains qu'ils prévoiront la bunkérisation des piscines, par exemple. J'entendais d'ailleurs tout à l'heure le premier orateur nous dire que la question des installations n'était pas la seule, car se posait également celle des réseaux. En quelque sorte, une évaluation supplémentaire de sécurité vous parait-elle pertinente ?

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