Intervention de Jean-Pierre Devaux

Réunion du 24 novembre 2014 à 14h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-Pierre Devaux, ingénieur général de l'armement, directeur de la stratégie, direction générale de l'armement, DGA, ministère de la défense :

– Les systèmes de drones de toute taille et de toute nature se sont considérablement répandus ces dernières années, et la tendance devrait se poursuivre, voire s'accélérer. Si l'on excepte les grands drones (MALE et HALE) qui sont l'apanage d'une poignée de pays, la menace proliférante pour nos forces en opération en matière de drone est constituée d'engin de petite taille : drone tactiques (plusieurs dizaines ou centaines de kilogrammes), minidrone (plusieurs kilogrammes), microdrone (un ou quelques kilogrammes).

Le danger que représentent ces systèmes est principalement de deux ordres : renseignement de l'adversaire sur le dispositif et la manoeuvre de nos forces et agression par drone « kamikaze ». Pour les microdrones (voire les minidrones), on est dans une logique de type EEI (engin explosif improvisé), avec un fort emploi de l'innovation à disposition sur le marché (« sur étagère »), difficile à prévoir en termes d'évolution.

Les capacités d'emport de ces engins, comme leur manoeuvrabilité, sont cependant faibles, au moins à l'échelon individuel. Il existe des technologies de fonctionnement en essaims qui pourraient accentuer de manière assez forte les possibilités de ces engins, dès lors que vous en faites arriver une dizaine ou une vingtaine sur un lieu donné. Nous surveillons bien évidemment toutes les technologies, ainsi l'emploi du GPS ou le stockage de donnée avec très peu de communication en vol.

La menace, d'un point de vue militaire, est à ce jour considérée comme faible, même si elle existe. Elle n'a en conséquence pas justifié à ce jour l'expression de besoin pour la mise en place de moyens dédiés à la détection ou la neutralisation de petits systèmes de drone. Cette menace des minidrones est cependant considérée plus sérieuse à l'horizon post 2020.

Des programmes comme Scorpion ou SCCOA (système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales) intégreront à cette échéance la lutte contre ces engins pour la protection, d'une part, en opération, d'une force terrestre, d'autre part, sur le territoire national, des zone interdite temporaire (ZIT) englobant en autres les centrales nucléaires, dans le cadre de la posture permanente de sureté (PPS) qui relève de la responsabilité de l'armée de l'air.

Des études ont été réalisées sur la vulnérabilité d'un minidrone, dans l'optique à la fois d'une conception robuste aux attaques contre nos minidrones, mais aussi pour alimenter une réflexion sur la neutralisation.

En 2013, une étude technico-opérationnelle (ETO) a étudié la lutte contre des cibles de tailles plus importantes : ULM, avion « dronisé » de type aéroclub avec une surface équivalente radar (SER) assez forte. Pour la détection, ont été prise en compte les capteurs de type radar actif ou passif, ou encore veille optronique. Vu la faible signature d'un minidrone, cette étude nécessitera de prendre en compte un ensemble de moyens de détection comme par exemple le radar passif ou l'acoustique. Une opération d'expérimentation réactive (OER) est en cours d'instruction pour caractériser les capacités d'un radar passif face à cette menace, en particulier celui de l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA).

L'OTAN a monté un projet de « défense intelligente » (smart defence), qui propose un travail multinational en utilisant les méthodes et processus mis en place pour la lutte contre les EEI.

Pour la neutralisation, plusieurs solutions s'offrent à nous, encore à l'état de recherche, comme :

– les armes cinétiques, les lasers (avec option d'aveuglement des capteurs) ou les armes à énergie dirigée autre que le laser. Ces moyens posent le problème des dommages collatéraux et donc la maîtrise de la portée de tir et de la zone de crash.

– concernant le brouillage des drones, les liaisons et le signal Galileo ou GPS sont facilement perturbables par un brouilleur. En revanche, les conséquences sur les autres utilisateurs (par exemple de WIFI ou du GPS) sont à prendre en compte dans la zone brouillée et aussi celles sur les tiers dans la zone de crash du drone.

– protection passive, avec filet ou fumigène.

Les briques technologiques existent donc. Il reste à les rassembler, les expérimenter et les déployer.

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