– Si je résume ce qu'on a entendu cette après-midi de façon quelque peu provocatrice, on ne risque absolument rien, tout est prévu, tout est sécurisé… mais tout le monde est mobilisé autour de ce problème. J'y vois une légère contradiction, surtout en prenant en compte le fait que, semaine après semaine, on ne sait toujours pas qui est derrière cette opération. Cela m'inquiète et me pose problème qu'après l'intérêt que les médias ont porté à cette question, on n'ait toujours aucune piste – si j'en crois ce qu'a déclaré la ministre de l'écologie – sur les auteurs de cette opération et leurs intentions. Un communiqué de presse du SGDSN avait envisagé un trouble à la chaine d'information et au système de communication, mais, depuis, nous n'avons plus d'information sur les motifs de ces opérations. M. Delevacque nous dit qu'il n'y a aucune difficulté pour identifier les auteurs, mais je note qu'on ne les a pas identifiés. Comment se fait-il que, dans notre pays, où nous avons des services de renseignement et une capacité à rechercher l'information, nous laissions cette situation perdurer aussi longtemps, avec une inquiétude réelle de nos concitoyens – inquiétude disproportionnée si j'entends les déclarations des opérateurs d'installations nucléaires ?
Supposons qu'aujourd'hui les auteurs de ces survols soient inoffensifs – ce dont nous ne sommes d'ailleurs pas assurés –, nous ne savons pas ce qui pourra en être à l'avenir. Nous ne sommes pas rassurés par les capacités actuellement atteintes par les drones : 10 % d'une masse au décollage de 50 kilogrammes représente 5 kilogrammes de charge utile, possibilité de vol en essaims… Nous pouvons imaginer des scénarios opérés par des « méchants » avec qui nous ne sommes pas forcément en bonnes relations à travers le monde. J'ai noté une certaine contradiction dans les déclarations des intervenants relatives aux capacités d'intervention pour les vols programmés, sans liaison avec les pilotes.
Mais mon interrogation porte surtout sur la protection des installations. J'apprends avec surprise que les bâtiments de stockage des combustibles des centrales nucléaires, y compris les piscines de La Hague, résisteraient aux chutes d'avion. Je me souviens que, quand j'étais rapporteur de la commission d'enquête sur les coûts du nucléaire, le directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) estimait que les réacteurs EPR ne seraient pas complètement résistants aux chutes d'avions. Je ne suis pas complètement persuadé que les bâtiments de stockage des combustibles, non prévus pour cela, soient résistants aux chutes d'avion.
Si vraiment la sécurité des installations est assurée, je renouvelle la demande que j'ai formulée à plusieurs reprises, à laquelle faisait allusion le président Le Déaut en début de séance, qu'on puisse faire, comme après Fukushima, des évaluations complémentaires de sécurité et de sûreté des installations nucléaires. Il s'agirait de prendre en compte le risque extérieur, le risque de piratage informatique et le risque de la chute d'un avion. Si M. Pierre-Franck Chevet, président de l'Autorité de sûreté nucléaire, dit, dans une interview au journal Les Échos la semaine passée, que, pour le passage des quarante ans des installations nucléaires, la question de la « bunkerisation » des piscines se pose, si cette « bunkerisation » est prévue pour les réacteurs EPR, c'est que cela sert à quelque chose. Soit M. Chevet n'a pas bien compris ce que lui ont dit les opérateurs, à savoir qu'il n'y a pas de problème de sécurité, soit il pense que la « bunkerisation » des piscines améliorerait pour le moins la sûreté, voire la sécurité. Cette question est sur la table.
Par ailleurs, on peut certes comprendre la dissociation entre sûreté et sécurité dans le pilotage au quotidien, ce ne sont pas les mêmes métiers, ni les mêmes instances. Je m'interroge néanmoins sur la pertinence qu'il y aurait à ce que, lorsque l'ASN élabore des référentiels de sûreté pour les installations, elle puisse intégrer les critères de sécurité. Cela permettrait de prendre en compte les points les plus vulnérables des installations cités précédemment par le président Le Déaut. Ce n'est pas la simple chute d'un drone qui est dangereuse pour la sécurité, c'est son utilisation comme une arme, avec notamment le port d'explosifs. Peut-on réellement dire aujourd'hui qu'on ne risque absolument rien ? Si oui, pourquoi tout le monde est-il mobilisé par rapport à ce risque autour de cette table ?