Intervention de Lionel Collet

Réunion du 17 décembre 2014 à 9h00
Commission des affaires sociales

Lionel Collet :

Je suis, en effet, pressenti par la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes pour présider les conseils d'administration de l'Institut de veille sanitaire, d'une part, et de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, d'autre part. Mon propos liminaire tiendra en trois points. Je rappellerai d'abord les missions de ces deux établissements, ainsi que celles de leurs conseils d'administration, sachant que chacun des deux établissements comporte un directeur général exécutif. Puis je me présenterai brièvement, afin que vous puissiez juger si mon profil est en adéquation avec le futur poste pour lequel je suis pressenti.

Tout d'abord, ces deux établissements publics ont été créés à la suite de crises sanitaires. L'Institut de veille sanitaire l'a été en 1998 à la suite de la crise de la « vache folle », c'est-à-dire de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), et de l'affaire de l'hormone de croissance contaminée. L'EPRUS est né en 2007, à la suite de l'épidémie de chikungunya à la Réunion. Les missions respectives de santé publique de ces deux établissements sont donc différentes, mais centrées sur la population, et non sur les produits de santé.

Les missions de l'InVS, clairement définies par la loi, sont : l'observation de l'état de santé de la population ; la veille et la vigilance sanitaires ; l'alerte sanitaire ; la contribution à la gestion des situations de crise sanitaire, en proposant aux pouvoirs publics toute mesure ou action nécessaire. La mission de l'EPRUS est tout autre : cet établissement a été créé pour faire face aux menaces sanitaires de grande ampleur, qui nécessitent une réponse opérationnelle à la fois sur le plan matériel et humain. Sur le plan matériel, avec la gestion des stocks stratégiques des produits de santé, mais également des services en santé. Sur le plan humain, avec ce que l'on appelle la réserve sanitaire sur laquelle je reviendrai ultérieurement.

L'InVS a donc un rôle de vigie, il repère et alerte, tandis que l'EPRUS a des fonctions essentielles d'anticipation des crises et de réactivité face à celles-ci. Au demeurant, sa réactivité est exceptionnelle : cet établissement est capable, en moins de douze heures, de délivrer un produit de santé n'importe où sur le territoire, et, en moins de vingt-quatre heures, d'envoyer des réservistes partout dans le monde. Ces fonctions majeures doivent être renforcées.

L'article 42 du projet de loi de santé prévoit la création d'un grand institut national en santé publique : l'institut national de prévention, de veille et d'intervention en santé publique, qui reprendra les missions actuellement assurées par l'InVS, l'EPRUS et l'INPES. Mais, afin d'éviter toute ambiguïté, je suis pressenti aujourd'hui à la présidence des conseils d'administration des deux premiers, sachant que le préfigurateur du futur institut unique est M. François Bourdillon, directeur général de l'InVS.

Ensuite, les missions des conseils d'administration de l'InVS et de l'EPRUS, également définies par la loi, sont des missions traditionnelles. Ils doivent en effet délibérer sur les orientations stratégiques pluriannuelles de leur établissement, sur la base du contrat d'objectifs et de performance. Deux contrats ont ainsi été signés cette année, l'un pour la période 2014-2015 s'agissant de l'EPRUS, l'autre pour la période 2014-2017 concernant l'InVS. Les conseils d'administration doivent également délibérer sur le budget et les moyens alloués aux établissements, y compris en ressources humaines. Ainsi, les objectifs stratégiques des établissements, placés tous deux sous la tutelle du ministère chargé de la santé, figurent dans ces contrats d'objectifs et de performance.

Celui de l'InVS lui demande, d'abord, d'établir des priorités. En effet, dans la mesure où il est difficile de veiller sur l'ensemble des menaces sanitaires, il revient à l'établissement de définir – et c'est ce qui est demandé actuellement au directeur général exécutif – des priorités en matière d'examen, d'analyse et d'observation.

Deuxièmement, l'InVS doit pouvoir assurer une bonne articulation avec l'échelon régional. En effet, les agences régionales de santé (ARS) se sont vu confier, elles aussi, une mission de veille sanitaire.

Troisièmement, il est demandé à l'InVS d'identifier, de mettre au point et d'utiliser des outils épidémiologiques extrêmement performants, ce qui l'amène naturellement à coopérer avec des organismes de recherche. L'objectif en la matière est d'être capable de discriminer des signaux de faible intensité dans une population, c'est-à-dire une pathologie qui émerge sur quelques cas.

Enfin, la quatrième mission de l'InVS est d'optimiser sa gestion et son fonctionnement. Nous pourrons en reparler.

Du côté de l'EPRUS, le premier enjeu est l'optimisation de la gestion des stocks stratégiques de santé. Entre 2011 et 2013, le nombre des sites nationaux de stockage stratégique a été ramené de vingt-huit à sept, et, d'ici à la fin du premier semestre 2015 il ne subsistera plus qu'une seule zone stratégique en métropole, à Marolles-Vitry-le-François. Je précise que les sept zones de stockage qui subsisteront sont des bâtiments loués, tandis que le futur bâtiment appartiendra à l'État.

La première mission de l'EPRUS est de mettre en place les stocks stratégiques au plus près des populations, y compris en outre-mer. En effet, les territoires d'outre-mer ont été touchés par des épidémies très spécifiques depuis 2013 : la dengue en Guyane, le chikungunya aux Antilles, la fièvre due au virus zika en Polynésie française. Il est donc demandé à l'EPRUS de garantir une disponibilité permanente des stocks nécessaires au plus près des populations outre-mer, en plus des stocks nationaux.

Deuxièmement, l'EPRUS a une mission d'appui à la fois aux agences régionales de santé (ARS) et aux établissements de santé, en cas d'alerte sanitaire, de menace de dépassement des moyens ou encore de carence de professionnels. C'est ainsi que, l'été dernier, des obstétriciens de la réserve sanitaire ont été envoyés dans les hôpitaux de Mayotte.

La troisième mission de l'EPRUS relève de la réserve sanitaire. Les 1 700 personnes qui la composent aujourd'hui ont accepté de s'engager, elles sont prêtes à partir sous 24 heures, partout où un besoin s'exprime. Il est fondamental de simplifier les modalités administratives d'accès à la réserve sanitaire, mais également de fidéliser les réservistes et, enfin, de leur délivrer une formation qui leur permette de s'adapter au mieux aux besoins des populations. D'ailleurs, comme me l'a indiqué le directeur général Marc Meunier, en plus de ces 1 700 personnes, plus de 3 000 souhaiteraient intégrer la réserve sanitaire. L'objectif ici est l'optimisation et le maintien en capacité opérationnelle de la réserve sanitaire.

Quatrièmement, l'EPRUS remplit une fonction d'achat et de passation des marchés. Le plus important en termes de coût étant, en effet, l'achat des produits de santé.

Je vais maintenant me présenter.

Âgé de soixante ans, je suis actuellement conseiller d'État. Médecin de formation, ma discipline clinique était l'oto-rhino-laryngologie, ce qui m'a amené à exercer pendant vingt et un ans les fonctions de professeur des universités et de praticien hospitalier. J'ai donc mené à la fois une carrière hospitalière, comme chef du service d'audiologie aux Hospices civils de Lyon, et une carrière universitaire. Sur le plan de la recherche, j'ai créé et dirigé pendant quinze ans un laboratoire du CNRS consacré à l'audition humaine. Sur le plan administratif, j'ai été président de l'Université Claude-Bernard Lyon 1, président de la Conférence des présidents d'université, avant de devenir directeur du cabinet de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

En quoi ma qualité de médecin ou d'ancien président d'université peut me conduire à présider des conseils d'administration avec des personnels et des budgets en situation de regroupement ?

J'ai présidé l'Université Claude-Bernard Lyon 1 peu avant le vote de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « loi LRU », qui a transféré la gestion de la masse salariale et donc le budget des ressources humaines aux universités. Mon université a fait partie de la première vague de celles passées aux responsabilités et compétences élargies, ce qui m'a amené à gérer annuellement un budget consolidé supérieur à 300 millions d'euros, ainsi que plus de 5 000 personnels au service de 35 000 étudiants.

Lors de ma prise de fonctions de président d'université, Lyon 1 comptait vingt-trois composantes – UFR, facultés, instituts –, que j'ai tenu à regrouper de façon cohérente pour les ramener à treize à la fin de mon mandat. En particulier, quatorze composantes ont été réduites à quatre, notamment avec le regroupement de huit facultés thématiques en une grande faculté des sciences, et de quatre facultés de médecine en deux seulement.

Si mon parcours n'a pas fait de moi un professionnel de santé publique, mon domaine d'intérêt – l'audition humaine –, à la fois en tant que clinicien et chercheur, m'a amené à être confronté à une problématique de santé publique importante, celle de la surdité chez les enfants. En effet, un enfant sur 1 000 naît aujourd'hui avec une surdité en France – chiffre correspondant à la moyenne des pays développés –, ce qui pose la question du dépistage systématique pour la prise en charge précoce de ces enfants, afin de leur permettre d'accéder au monde sonore et, si possible, à une communication orale.

Le deuxième domaine de recherche sur lequel j'ai travaillé est la surdité en général et son traitement par dispositif médical, c'est-à-dire grâce à un appareillage auditif qui est soit la prothèse auditive, dite conventionnelle, soit la prothèse implantable, qui peut être l'implant cochléaire. Notre pays compte environ 6 millions de malentendants, sur lesquels 3 à 4 millions devraient être appareillés, alors que seuls 1,5 million d'entre eux le sont. Il s'agit donc également d'une question de santé publique.

Enfin, le troisième sujet sur lequel j'ai travaillé concerne les acouphènes, c'est-à-dire les bourdonnements et sifflements d'oreille. Lorsque j'ai pris mes fonctions, aucune étude épidémiologique n'avait permis de déterminer le nombre de personnes acouphéniques, mais par analogie avec d'autres pays, celui-ci a été évalué à 3 millions. Parmi ces 3 millions de personnes, dont on parle peu, certaines vivent avec cette affection sans aucun souci, mais d'autres en souffrent. Il y a là un modèle intéressant pour le chercheur, car il est caractérisé par une perception auditive sans stimulation acoustique, ce qui pose la question de la naissance de la perception auditive.

J'en ai terminé, madame la présidente, avec ma présentation liminaire.

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