Je partage en partie la position de Pierre Bellanger. Depuis les années soixante-dix où ont été élaborés les dispositifs de protection des données à caractère personnel, nous avons assisté à un changement radical : d'un découpage de l'information en données, nous sommes passés à un traitement de l'information à partir de gisements de données.
Nous devons repenser la problématique des données personnelles, non que la protection de la vie privée ne constitue plus un enjeu, mais parce que les modalités de la relation entre l'individu et les données qui le concernent sont en train de changer. La loi du 6 janvier 1978, construite en opposition au projet de système automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus, dit projet SAFARI, a été votée par des personnes très marquées par le souvenir de la seconde guerre mondiale. Il était inimaginable à l'époque que les individus contribuent eux-mêmes à la production des données, comme c'est le cas aujourd'hui.
Prenons l'exemple des applications relatives à la circulation automobile en Ile-de-France. Elles utilisent des données produites par les individus. Certes, ils ne les produisent pas seuls : l'évaluation du temps de trajet suppose qu'un opérateur de télécommunication collecte et traite, à travers les algorithmes, les signaux envoyés ; toutefois, sans les déplacements des individus, l'information n'existerait pas.
Ce nouveau schéma conceptuel commence à rentrer de manière timide dans le projet de règlement européen sur la protection des données à caractère personnel.
Faut-il beaucoup de droit pour encadrer et protéger ? Je n'en suis pas si sûr. À la suite du doyen Carbonnier, je dirai qu'il ne faut pas trop de droit. On peut se demander si la société française actuelle n'est pas tombée dans l'excès : une activité sociale semble n'avoir d'existence légitime qu'à condition d'être couverte par une réglementation. Dans ce contexte, on voit tout l'intérêt qu'il peut y avoir à développer la dimension éthique par laquelle un organisme fixe des règles d'usage et veille à assurer leur respect.