Les débats sur l'économie numérique se résument souvent à un acronyme, les GAFAM : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. Or l'économie numérique recouvre un champ bien plus vaste : l'innovation portée par les données, personnelles ou non, la data-driven innovation. Il est très difficile d'évaluer les contours de cette économie car elle est de plus en plus ancrée dans l'économie classique. Un rapport publié par le cabinet de conseil McKinsey a montré qu'une analyse massive des données permettrait aux administrations publiques européennes de réaliser 250 milliards d'économies, fondées principalement sur la lutte contre la fraude et l'optimisation des services publics.
De plus en plus d'entreprises ont pris conscience de cette bascule et du besoin de rentrer dans l'ère numérique, qu'elles appartiennent aux secteurs de l'industrie automobile, de la banque, des assurances, du voyage ou des transports. Les constructeurs automobiles ont ainsi développé des voitures intelligentes munies d'une multiplicité de capteurs ; ils ont même mis au point des systèmes de reconnaissance morphologique du conducteur. Les données relatives à la consommation énergétique sont appelées à connaître un grand nombre d'applications, notamment à travers les outils de gestion mis au point par les start-up spécialisées dans la maison connectée. Citons encore les moteurs d'avion, parmi les premiers instruments producteurs de données, à destination des équipages, des compagnies aériennes ou encore des constructeurs.
Ce secteur économique que représente les données a donné lieu à l'émergence de nouveaux acteurs en France comme Criteo, leader mondial de la publicité ciblée, ou BlaBlaCar, spécialiste du covoiturage, dont nous avons pu mesurer l'essor au fait qu'il fait partie des dix termes les plus recherchés sur Google.
S'agissant de Google, il faut savoir que le moteur de recherche développé par Larry Page et Serguei Brin et leurs équipes a été créé à une période où les données commençaient à peine à être exploitées par Yahoo et AltaVista. Son activité principale est d'organiser les informations de manière à les faire correspondre aux recherches des internautes. Des robots d'indexation, appelés spiders, analysent les contenus présents sur internet pour identifier les mots-clefs et les mettre en relation afin de calculer la pertinence de telle ou telle page par rapport à une requête donnée. En outre, ils détectent les sites infectés ou les activités de phishing et diffusent des mises en garde, qui contribuent à renforcer la sécurité. Par ailleurs, Google a mis en oeuvre un système d'autocomplétion, Autocomplete, qui, grâce à l'agrégation des requêtes des internautes couplée aux premiers chiffres de l'adresse IP, complète automatiquement les mots recherchés selon les aires géographiques. Autre illustration de l'intérêt de la conservation des requêtes : Google Flu Trends, outil qui permet de suivre la progression de la grippe à partir de l'analyse de certains mots-clefs.
L'économie portée par les données a été à l'origine de divers modèles économiques : la vente de produits et de services, comme sur GooglePlay, mais principalement la publicité ciblée, qui se veut la plus pertinente et la moins invasive possible, à l'instar d'Adwords, qui fait apparaître des bannières et des annonces en fonction du mot-clef tapé par l'utilisateur dans le moteur de recherche. Citons encore les systèmes de détection d'oeuvres protégées sur les sites d'hébergement de vidéos tels que YouTube ou Dailymotion qui donnent lieu à une monétisation pour les ayants droit par le biais d'un pourcentage sur les revenus publicitaires générés par telle ou telle vidéo, par exemple si une chanson célèbre est identifiée sur une vidéo de fête d'école.
Un des éléments clefs de l'économie numérique est la confiance. Les acteurs de ce secteur ont l'obligation de susciter et de conserver la confiance des utilisateurs car, contrairement à des secteurs plus traditionnels comme la téléphonie ou la banque, il est très facile pour eux de passer d'un service à un autre, qu'il s'agisse d'un moteur de recherche ou d'un réseau social.
Deux éléments contribuent fortement à installer cette confiance. Premièrement, il s'agit d'offrir aux utilisateurs la capacité de contrôler leurs données en leur donnant la possibilité de les exporter dans un format ouvert, par exemple, en déplaçant tous leurs mails vers un autre service de messagerie. Deuxièmement, il s'agit de veiller à la sécurité des données personnelles car sans sécurité des données, la protection de la vie privée ne peut être assurée.