Intervention de Pierre Bellanger

Réunion du 18 décembre 2014 à 8h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Pierre Bellanger, président-directeur-général du groupe Skyrock :

Lorsque des affaires contre des acteurs américains ont été portées devant la justice, le réflexe a le plus souvent consisté à dire que puisque les serveurs sont situés ailleurs, le tribunal est incompétent et le droit français, inapplicable. La jurisprudence sur cette ligne de défense apparaît contradictoire – parfois, cette extraterritorialité est reconnue, parfois non – mais de fait, quelle que soit la localisation du serveur où les données sont hébergées, c'est le lieu de leur collecte qui doit être celui du droit. Je pense pour ma part que certaines informations doivent impérativement être conservées sur des serveurs situés sur notre territoire ; en effet, le dispositif de Safe Harbor relève de la cosmétique juridique – fine pellicule de droit qui fait croire aux utilisateurs à un mécanisme légal, alors qu'il ne s'agit que d'une déclaration d'intention échappant à tout contrôle.

S'agissant de la souveraineté numérique – la maîtrise de notre destin sur les réseaux, extension de notre souveraineté nationale – et de l'affaire Snowden, lorsque l'État formule une requête dans le cadre d'une affaire de terrorisme, n'importe quelle entreprise américaine ou française lui ouvre l'accès à ses informations, quels qu'en soient les niveaux de chiffrement. En démocratie, cette soumission à l'intérêt supérieur de l'État apparaît parfaitement légitime. Les acteurs américains offrent des services exceptionnels et font un travail de qualité ; c'est notre droit – qu'ils respectent pour l'essentiel – qui apparaît mal conçu. Placés sous la souveraineté de leur pays, ils obéissent à leur puissance publique ; nous devons disposer de nos propres données, soumises à notre propre souveraineté. On ne peut pas faire autrement : sans le secret des données, il n'existe ni propriété intellectuelle, ni brevet, ni valeur économique, ni diplomatie, ni armée. Organiser un formidable défilé du 14 juillet tout en étant incapable de garantir le secret de la correspondance militaire constitue une anomalie ! Le chiffrement fournit une réponse au problème, mais non une solution en soi ; il ne doit masquer ni les responsabilités ni le droit auquel il devrait s'adosser.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion