Intervention de Tammam Salam

Réunion du 10 décembre 2014 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Tammam Salam, Président du Conseil des ministres de la République libanaise :

Je vous remercie de l'opportunité que vous m'offrez de m'entretenir avec vous au cours de cette visite en France, pays si cher entre tous, et dont les relations avec le Liban font corps avec la destinée de mon pays.

Le Liban traverse aujourd'hui l'une des phases les plus dangereuses de son histoire, du fait de cette accumulation de crises qui se nourrissent l'une l'autre, et dont une seule aurait suffi à fragiliser n'importe quel pays.

En effet, à la crise politique et institutionnelle que nous essayons de contrôler en préservant la cohésion du Gouvernement, s'ajoutent des difficultés économiques et sociales majeures, que vient compliquer l'afflux, soudain et massif, de près d'un million et demi de Syriens, soit plus du tiers de la population du Liban. Un poids impossible à porter lorsqu'il se traduit en besoins scolaires, soins de santé et services publics divers.

La dégradation de la situation n'a pas manqué d'affecter le volet sécuritaire interne. Des opérations terroristes meurtrières contre l'armée sont menées de concert par Daech et Al-Nosra. En même temps, le Liban tout entier vit au rythme de la prise d'otages et du chantage ignoble que nous subissons et qui vise à déstabiliser le pays. Les ravisseurs en ont déjà décapité deux, abattus deux autres de sang-froid, et continuent de manipuler cruellement les parents des 25 soldats qui restent détenus.

Mais les défis auxquels le Liban doit faire face dépassent le cadre économique, politique ou sécuritaire. Ils sont d'ordre existentiel. Ils menacent le fondement même du pays, reconnu comme un modèle de coexistence.

Tout cela nous impose de maintenir une cohésion absolue et de poursuivre nos efforts pour contenir ces différents pôles de tension.

La pierre angulaire de cet effort demeure la préservation du bon fonctionnement des institutions, seules garantes des libertés. C'est pour cela que je ne cesse de rappeler à leurs responsabilités les factions politiques libanaises, afin que l'élection d'un Président de la République soit tenue dans les plus brefs délais. Un État doit avoir un chef qui remplisse ses obligations constitutionnelles, à plus forte raison lorsqu'il représente un élément aussi crucial de l'équilibre exigé par l'entente nationale. C'est là une action primordiale pour renforcer l'État et faire face à tous les extrémismes et à leurs conséquences.

La montée de l'extrémisme contribuera à fragiliser la situation, tant au Liban qu'ailleurs. On ne peut y apporter qu'une seule réponse, qui est le renforcement du camp de la modération. Lequel, à son tour, passe forcément par la réparation de ce qui est perçu comme la plus grande injustice de la région, à savoir le règlement sur une base durable du conflit israélo-palestinien – idéalement dans le cadre des résolutions internationales et de l'Initiative de paix arabe, présentée par le roi d'Arabie saoudite et approuvée à l'unanimité au Sommet de Beyrouth en 2002.

Je dois ici louer tous les efforts qui s'exercent dans cette direction, notamment l'appel à la reconnaissance de l'État palestinien.

C'est par la voie de la paix et de la correction des injustices que nous donnerons espoir à ces jeunes en un avenir possible – dont ils n'entrevoient actuellement les contours qu'à travers la violence et l'adhésion à une version corrompue de croyances.

C'est précisément d'avenir qu'il s'agit, lorsque dans mon pays un faisceau d'inquiétudes quotidiennes nous engage à oeuvrer pour la coexistence, l'entente et le dialogue. De l'avenir du Liban, certes, mais aussi de l'avenir de l'ouverture, de la démocratie, de la modération, de la tolérance et du « vivre ensemble », que le Liban a su symboliser au cours du temps. C'est tout cela que la communauté internationale doit s'atteler à préserver, sans quoi une faute morale et politique majeure sera commise à rencontre de tous ces symboles.

Dans cette lutte, l'appui de la communauté internationale reste largement insuffisant au regard des besoins. J'en appelle à vous pour que le monde agisse avec un esprit de responsabilité.

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