– Chers collègues. Cette réunion va illustrer la diversité des sujets dont l'Office a la charge, puisque le coeur de l'ordre du jour concerne la bioéthique, avec l'audition de M. Jean-Claude Ameisen, président du Comité consultatif national d'éthique, sur la délicate question de la fin de vie; mais, auparavant, nous allons aussi évoquer des auditions publiques sur la recherche agronomique, sur la recherche médicale et, aussi, après le départ de M. Jean-Claude Ameisen, sur la situation de l'énergie en Europe.
M. Jean-Claude Ameisen doit nous rejoindre vers 16 h 45. Cela vous laisse un peu de temps pour entendre une communication sur certains points importants du programme de travail de l'année 2015.
En premier lieu, quelques mots sur le partenariat avec l'Académie des sciences, dont nous allons organiser, l'année prochaine, la septième session.
Pour nos collègues nouvellement arrivés à l'OPECST, je rappellerai que ce « Partenariat » prend la forme de « jumelages », c'est-à-dire, en fait, la constitution de « trinômes » constitués d'un parlementaire, d'un membre de l'Académie et d'un jeune chercheur.
Le but de ce « Partenariat » est de permettre aux députés et sénateurs de mieux connaître le milieu de la recherche à travers des contacts personnels et des visites de laboratoire, de contribuer à la formation civique des chercheurs en leur faisant découvrir la réalité du travail parlementaire, aussi bien à Paris que dans les circonscriptions ou les départements et, de façon plus générale, d'instituer un dialogue contribuant à favoriser la relation entre Science et Société.
Quinze jumelages ont été mis en place pour la sixième session de janvier 2013, après l'interruption des élections législatives de 2012.
Les parlementaires participant à ce « Partenariat » sont, par priorité, membres de l'OPECST, mais les présidents des commissions permanentes de chacune des deux assemblées sont sollicités pour que d'autres parlementaires intéressés puissent se porter candidats. L'Académie des sciences identifie des volontaires parmi ses membres, et les académiciens jumelés associent ensuite à l'événement un de leurs jeunes correspondants de recherche.
Il est prévu que les trinômes (un parlementaire, un académicien, un jeune chercheur) soient reçus successivement au Sénat et à l'Assemblée nationale les 31 mars et 1er avril 2015, pour deux demi-journées de conférences et de visites ; ils assisteront également, si possible, à une séance plénière de chaque assemblée depuis la tribune du public.
Les visites des parlementaires dans les laboratoires, d'une part, et des chercheurs dans la circonscription des parlementaires, d'autre part, auront lieu de juin à décembre 2015.
Une présentation du dernier Partenariat vous a été adressée pour que vous vous rendiez mieux compte de l'intérêt de l'opération, et que vous transmettiez éventuellement vos candidatures au secrétariat.
L'Office a pris, en 2015, la présidence du réseau européen des organismes similaires auprès des parlements des autres pays d'Europe, l'EPTA, European Parliamentary Technology Assessment.
La présidence de l'EPTA revient chaque année à un pays membre et comporte la charge d'organiser deux réunions annuelles d'échanges : l'une, au printemps, entre les responsables des organismes d'évaluation technologique ; l'autre, à l'automne, entre les parlementaires chargés, dans leur chambre, du suivi des questions scientifiques et technologiques.
L'OPECST a mis à profit la célébration de son trentième anniversaire pour proposer d'assurer cette présidence en 2015. En effet, c'est en 1985 que l'OPECST a rendu public son premier rapport, qui portait sur les pluies acides.
La première réunion, plus technique et réservée aux responsables administratifs des organismes d'évaluation, serait organisée les 27 et 28 avril 2015 en Lorraine, à Pont-à-Mousson, et offrirait l'occasion d'un échange approfondi sur les stratégies nationales de recherche respectives et la manière dont elles s'intègrent dans les grandes tendances prospectives.
La réunion, plus politique, de l'automne aura l'ampleur d'une conférence parlementaire européenne et se tiendra à Paris, à l'Assemblée nationale, salle Lamartine, les mercredi 23 et jeudi 24 septembre.
La journée d'études comparées du jeudi 24 sera consacrée aux politiques d'innovation confrontées aux contraintes budgétaires et à la montée des peurs, en mettant l'accent sur les liens entre recherche et innovation ainsi que sur les possibilités de renforcement de la coopération européenne en ces domaines.
Les principales personnalités scientifiques françaises (médailles Fields, prix Nobel, académiciens, dirigeants des grands organismes de recherche) seront conviées à participer à cette journée de réflexion collective, qui prendra la forme d'une audition publique, comme l'OPECST en a couramment la pratique.
Le choix des sujets évoqués permettra à chaque délégation d'apporter son éclairage national, tout en nourrissant des études déjà en cours à l'Office.
Les dépenses induites par l'organisation de cet événement seront entièrement supportées par l'OPECST, sous réserve d'une participation éventuelle des présidences de l'Assemblée nationale et du Sénat aux déjeuner et dîner de la journée anniversaire.
Une demande va être transmise au président Larcher pour demander l'organisation d'une réception au Sénat le soir de la journée anniversaire (jeudi 24 septembre).
Comme c'est le cas traditionnellement pour les réunions de l'EPTA, une excursion conviviale est prévue, qui pourrait se limiter en l'occurrence à un dîner sur la Seine.
Le budget mobilisé représente approximativement l'équivalent d'une étude complète et l'équipe du secrétariat sera également fortement mobilisée, ce qui amputera d'autant les ressources pour répondre à des saisines nouvelles en 2015. En contrepartie, une attention particulière sera portée à ce que tous les échanges puissent directement contribuer, sous l'angle des approches comparatives dans les différents pays participants, aux travaux en cours au sein de l'OPECST, et notamment ceux relatifs aux conditions de l'innovation.
Une audition sur les semences (sécurité alimentaire mondiale, enjeux internationaux de l'appropriation du vivant, position de la filière française sur les nouvelles variétés végétales) est en préparation pour le 22 janvier 2015 ; elle devrait être organisée par Anne-Yvonne Le Dain ; un sénateur pourrait peut-être s'associer à ce travail.
Des contacts ont été pris avec la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale sur la question des produits biosimilaires, qui intéresse beaucoup sa présidente, Mme Catherine Lemorton. L'idée d'une audition publique conjointe a été approuvée, elle se tiendra le 29 janvier.
Nous sommes sollicités par l'Université de Lorraine pour accorder notre parrainage à une manifestation appelée « Science & You » concernant les enjeux et les pratiques de la culture scientifique et technique qui se déroulera du 1er au 6 juin 2015.
Nous serons en bonne compagnie dans ce parrainage, puisque nous côtoierons les trois ministères de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Culture, mais aussi l'Unesco et, surtout, MM. Cédric Villani et Étienne Klein, tous deux membres de notre conseil scientifique.
La participation consiste en une conférence, puis un échange avec la ministre danoise de l'enseignement supérieur et de la science, dont je pourrais me charger. Évidemment, Mme Maud Olivier et M. Jean-Pierre Leleux seraient associés.
Je pense que vous serez d'accord pour associer le nom de l'OPECST à cet événement de diffusion de la culture scientifique et technique.
L'article L. 542-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 28 juin 2006 prévoit que six personnalités qualifiées, dont au moins deux experts internationaux, désignés à parité par l'Assemblée nationale et le Sénat, siègent au sein de la Commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et déchets radioactifs (CNE2), pour un mandat de six ans, renouvelable une fois.
J'ai été informé par le président de la Commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et déchets radioactifs (CNE), M. Jean-Claude Duplessy, du décès de M. Hubert Doubre, professeur émérite à l'Université de Paris IX-Orsay, membre de la commission depuis juin 2010 pour un mandat de six ans. Aux termes de l'article L. 542-3 du Code de l'environnement, il s'avère donc nécessaire de pourvoir à son remplacement pour les deux dernières années de son mandat. Il faisait partie des trois membres désignés par le président de l'Assemblée nationale, parmi les douze membres de la CNE.
La CNE nous suggère la nomination de M. Adolf Brikhofer, ancien président de la chaire de dynamique et de sûreté des réacteurs de l'Université de Munich et ancien directeur général de la GRS (Gesellschaft für Anlagen-und Reaktorsicherheit), le principal organisme allemand de recherche et d'expertise en matière de sûreté nucléaire. Il a également joué un rôle majeur dans plusieurs autres organismes allemands et internationaux dans le domaine de la sûreté nucléaire.
Qui plus est, la dégradation de son état de santé ayant empêché M. Hubert Doubre, peu après sa nomination, de participer régulièrement aux réunions de la CNE, M. Adolf Brikhofer a bien voulu assister la commission durant cette période en qualité d'expert, à titre bénévole. Il a donc une excellente connaissance de son fonctionnement et de ses travaux.
Je pense que nous serons tous d'accord pour cette désignation.
Nous en venons à l'objet principal de cette réunion, qui concerne l'audition du président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) à propos d'un rapport qu'il vient de rendre, le 23 octobre dernier, relatif au dispositif de gestion de la fin de vie.
Je remercie le professeur Jean-Claude Ameisen de sa venue, ainsi que Mme Mouneyrat, secrétaire générale du CCNE.
Ce rapport n'est pas directement une prise de position du CCNE. Il s'est déjà prononcé en propre sur le sujet, la dernière fois par son avis n° 121 de juillet 2013 « Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir », qui prenait en compte les évolutions de la loi et des pratiques au cours des dix dernières années pour les personnes en fin de vie, ainsi que les analyses du rapport de la Commission Sicard.
Il y confirmait son avis n° 26 de 1991 par lequel il « désapprouvait qu'un texte législatif ou réglementaire légitime l'acte de donner la mort à un malade » ; son avis n° 58 de 1998, par lequel il se déclarait « favorable à une discussion publique sereine sur le problème de l'accompagnement des fins de vies comprenant notamment la question de l'euthanasie » ; enfin son avis n° 63 de 2000, par lequel il proposait la notion « d'engagement solidaire et d'exception d'euthanasie. »
En l'occurrence, l'exercice est différent, puisque le CCNE s'est efforcé de synthétiser tous les éléments d'information mobilisés à l'occasion d'une conférence des citoyens qu'il a organisée dans le cadre du processus prévu par l'article L. 1412-1-1 du code de la santé publique, créé par la loi du 7 juillet 2011. J'en donne lecture car il situe précisément le contexte de cette audition :
« Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d'un débat public sous forme d'états généraux. Ceux-ci sont organisés à l'initiative du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, après consultation des commissions parlementaires permanentes compétentes et de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
À la suite du débat public, le comité établit un rapport qu'il présente devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui procède à son évaluation. »
L'Office a été consulté par le président Jean-Claude Ameisen pour l'organisation d'une conférence des citoyens sur la fin de vie lors de son audition du 21 mai 2013. J'avais évoqué la question ; le compte-rendu de cette réunion en fait foi.
Nous en sommes aujourd'hui au stade de la présentation du rapport restituant les apports de cette consultation, mais fort judicieusement replacés dans la lumière de toutes les autres formes d'expression publique sur le sujet au cours des derniers mois.
Si j'essaye d'en tirer deux enseignements c'est, d'une part, que la loi Léonetti, qui prévoit, depuis le 22 avril 2005, la possibilité pour chaque personne de formuler des « directives anticipées », est non seulement encore très mal connue, mais surtout n'a pas vraiment modifié les habitudes du corps médical, qui continue à juger par lui-même de la situation du patient sans trop suivre les « directives anticipées », qui n'ont, de fait, aucune force obligatoire. Le rapport évoque le souhait largement partagé de dépasser cette double difficulté par une délibération collective impliquant à la fois les proches et les médecins concernés (p. 41).
D'autre part, le système des soins palliatifs n'est pas organisé pour permettre aux personnes de mourir dignement chez elles : en France, plus souvent qu'ailleurs en Europe, on meurt à l'hôpital, dans des services dont les personnels sont mal formés aux situations de fin de vie.
Monsieur le Président, vous corrigerez et complèterez au besoin, durant votre présentation, ma compréhension des analyses de la CCNE.
Je souhaiterais néanmoins que nous profitions de votre présence pour aller plus loin qu'un simple exposé sur l'état du dossier.
En application de la loi du 7 juillet 2011 déjà citée, l'OPECST a aussi mission d'évaluer ce rapport et je souhaiterais profiter de vos conseils pour déterminer comment cibler au mieux notre évaluation.
Sur le fond, en effet, l'Office n'a pas compétence pour se prononcer sur les points cruciaux touchant au droit de l'intimité de la vie familiale et de la vie privée.
Compte tenu des missions confiées à l'OPECST par la loi du 8 juillet 1983, je vois en revanche deux aspects sur lequel il pourrait se positionner :
- d'une part, sur la qualité du travail de recueil d'informations effectué ; c'est une appréciation de méthode ;
- d'autre part, sur les perspectives technologiques concernant la sédation, dont les progrès déterminent considérablement les réflexions sur la fin de vie. Je rappelle en effet que la loi Léonetti précise : « Les actes de prévention, d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, faire courir [à la personne] de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. »
Si l'on progresse dans la maîtrise de l'arbitrage entre l'atténuation des souffrances et le risque induit de raccourcir la vie, alors la problématique éthique dispose de quelques marges d'analyse supplémentaires.
Si vous en étiez d'accord, nous pourrions ancrer notre évaluation de ce rapport sur une audition publique ayant pour thème : « Les progrès technologiques des méthodes de sédation ».
Je vous laisse maintenant la parole.
– Audition de M. Jean-Claude Ameisen, président du Comité consultatif national d'éthique, sur la fin de vie