Intervention de Jean-Claude Ameisen

Réunion du 9 décembre 2014 à 16h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-Claude Ameisen, président du Comité consultatif national d'éthique, CCNE :

– J'ai noté l'ambiguïté qui a prévalu notamment dans le cas de M. Vincent Lambert : la loi confond les phases terminale et avancée. La première est facile à définir, mais pas la seconde. Une phase est-elle avancée parce qu'elle est profonde et avance vers la fin, ou est-elle avancée simplement parce qu'elle est profonde ? La tétraplégie est certes un handicap profond, mais elle permet de vivre plusieurs décennies.

Une personne qui est en fin de vie ou une personne qui suit des traitements qui la maintiennent en vie – ainsi une personne diabétique – sont dans des situations identiques en termes de conséquences d'arrêt de traitement : elles tombent dans une phase terminale. Par contre, je ne sais pas définir ce qu'est une phase avancée.

Les directives anticipées concernent soit une situation de fin de vie, soit une situation du type de celle de Vincent Lambert, avec l'arrêt du traitement ou de la nutrition et de l'hydratation artificielle. Le Conseil d'État a dit, en février dernier, que la nutrition et l'hydratation artificielle sont à la fois un soin et un traitement ; elles peuvent donc être arrêtées en application de la loi. Si une personne dans la situation de Vincent Lambert avait un traitement de maintien en vie en plus d'une nutrition artificielle, des directives anticipées auraient pu dire que, dans une telle situation, elle ne souhaitait pas qu'on poursuive. On ne saura effectivement jamais si la personne était parfaitement éclairée. La vraie question est de savoir si quelqu'un d'autre serait mieux placé pour décider que la personne elle-même. C'est la pièce de théâtre où une personne simule sa mort, se réveille au moment de la lecture du testament et se dit qu'elle aurait dû écrire autre chose si elle avait connu la réaction des autres… Personne ne sait ce qui se passerait si une personne se réveillait. L'idée des directives anticipées est de mentionner ce qu'est, à tort ou à raison, la préférence de la personne. Si la personne n'est pas dans une situation où tout espoir de récupération est vain, le médecin peut refuser l'application des directives. Si l'état de la personne correspond à la situation décrite, c'est la personne concernée qui est le meilleur juge.

Vous évoquez la vulnérabilité de la personne. Cette question se pose aussi quand elle est consciente. Une personne qui arrête son traitement a-t-elle toute latitude pour réfléchir et décider ? Une des idées émises dans le rapport est que la personne rédigeant ses directives anticipées consulte au préalable un médecin spécialisé à cet effet. On pourra ainsi savoir que la personne a pu discuter et s'informer de ce que signifie une directive anticipée dans une situation que l'on peut ne pas projeter.

Dans son avis n° 121, le CCNE a considéré que, dans ces situations ultimes, il n'y avait pas de raison que la volonté de la personne ne soit pas considérée comme essentielle. Dans son arrêt de juin 2014, le Conseil d'État se fonde uniquement sur ce qui a pu ressortir de l'expression de la volonté de la personne, en l'occurrence Vincent Lambert. Or ce n'est pas un critère objectif. Est-on vraiment dans des phases extrêmes de la fin de vie ? Si oui, la personne concernée doit dire ce qu'elle souhaite au moment de la prise de décision. Mais nous ne sommes pas dans ce cas lors de phases avancées où l'arrêt du traitement n'entraîne pas la fin.

Il en est de même pour la sédation, en fin de vie ou quand l'arrêt des traitements conduit à ce que l'on soit en fin de vie. Quand on n'est pas en fin de vie, quand le décès ne va pas survenir dans les jours qui suivent, il ne s'agit pas de sédation, il s'agit d'une autre situation qui relève plutôt de l'assistance au suicide et de l'euthanasie.

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