Intervention de Jean-Paul Bacquet

Réunion du 16 décembre 2014 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Bacquet :

Je vous remercie pour cette intervention moins technocratique et plus réaliste que les précédentes, madame la directrice générale.

L'opposition entre « afro-optimistes » excessifs – on en a vu diriger l'AFD – et « afro-pessimistes » – voir René Dumont – n'est pas nouvelle. Cela dit, alors que des pays africains sont en grande difficulté, d'autres sont très riches même si les richesses y sont très mal réparties : l'Algérie, le Nigeria, le Gabon, l'Angola, par exemple. L'AFD intervient-elle dans les pays riches ?

Les crises qui ont secoué le Mali et la Centrafrique ont donné lieu à une intervention militaire immédiate, comme ce fut le cas en Côte-d'Ivoire. Mais nous avons constaté avec les États-Unis, en Afghanistan et en Somalie notamment, que le moment le plus délicat est celui de l'« après-crise », celui où les troupes envoyées deviennent pour les populations des troupes d'occupation. Au Nord-Mali, par exemple, la présence française est devenue à ce point insupportable qu'elle est un argument de recrutement pour le terrorisme.

Une jonction immédiate est donc indispensable. L'AFD est-elle en mesure de l'assurer ?

Dans le cas de la Centrafrique, les habitants, qui ne vouent pourtant pas un amour immodéré au personnage, considèrent que c'est sous Bokassa qu'ils ont eu un État pour la dernière fois. On n'attend pas de la France qu'elle intervienne militairement, mais qu'elle assume ses responsabilités notamment en matière de coopération et d'aide technique, ce qu'elle ne fait plus depuis vingt-cinq ans. Comme les ONG ne pourront certainement pas endosser ce rôle, ne devrions-nous pas engager une révision stratégique à ce sujet ?

De la même façon, l'aide que nous apportons à des pays en difficulté est souvent vécue comme une aide aux dictateurs en place ou, à tout le moins, au pouvoir en place. Aviez-vous prévu ce qui allait se passer au Burkina Faso ? Avez-vous idée de ce qui se passera au Cameroun après l'adoption de la loi contre le terrorisme, qui ouvre le droit d'appliquer la peine de mort à toute personne s'opposant au pouvoir en place ? Des informations vous parviennent-elles et modifiez-vous vos actions en conséquence ?

Détestant l'hypocrisie, je suis très attaché aux aides liées. J'ai donc bien noté vos propos sur la nécessité de favoriser le mieux-disant dans les appels d'offres. On pourrait, dans ce cadre, fixer des critères en matière de respect de droits de l'homme. Au Mali, où je me suis rendu dernièrement, de l'argent va arriver – dont 280 millions d'euros de la part de l'AFD – et des opérations vont être engagées. Or, ce que l'on m'a dit sur place, c'est que les Français arrivent toujours trop tard. Les Chinois, les Canadiens et d'autres sont présents, eux, dès la période d'élaboration du cahier des charges. En outre, dans beaucoup de pays d'Afrique, la Chine assure le préfinancement de ses projets. La France est-elle capable d'en faire de même ? Qui, de Proparco ou de la banque publique d'investissements (BPI), pourrait jouer un rôle à ce stade ? Un tel dispositif serait d'un intérêt considérable non seulement en matière d'aide, mais aussi en matière de diplomatie économique.

Sachant que la situation financière de notre pays est plus difficile que celle de certains États africains, ne conviendrait-il pas de recentrer quelque peu nos financements ?

On connaît le virus Ebola depuis les années 1970. Or, jusqu'à la dernière explosion de la maladie, il ne s'est strictement rien passé. Fallait-il vraiment que nous nous sentions hors de danger ! Seule la crainte pour nous-mêmes nous fait réagir : les habitants de la Guinée forestière n'intéressent manifestement pas grand monde !

La démographie me semble être également un sujet explosif. Alors que la population du Niger et celle du Mali doubleront dans les quinze prochaines années, on va répétant que l'Afrique est le continent émergent de demain. Selon Jean-Michel Severino, le fait que l'Afrique compte 2 milliards d'habitants en 2050 est une chance extraordinaire. Le pensez-vous également, sachant que, dans la plupart de ces pays, l'ossature économique et industrielle fait défaut ?

À un moment où le débat sur l'immigration en Europe s'amplifie, parfois de manière nauséabonde, il ne serait pas inintéressant de réfléchir à l'action à mener en matière de démographie.

Enfin, en dépit de toutes vos explications, je n'ai toujours pas compris qui décidait de la politique de l'AFD et quelle politique l'AFD menait. La France a-t-elle une politique d'aide au développement ?

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