Intervention de Anne Paugam

Réunion du 16 décembre 2014 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Anne Paugam, directrice générale de l'Agence française de développement, AFD :

Vous évoquez aussi, monsieur Bacquet, le préfinancement par les Chinois de leurs projets. Je ne crois pas que nous disposions des outils auxquels vous songez. Cela étant, des financements conjoints sont possibles par le biais de la BPI pour la partie française et de Proparco pour les investissements dans le pays concerné, en cas de joint-venture par exemple. Ce point fera l'objet d'un mémorandum d'entente que je signerai la semaine prochaine avec le directeur général de la BPI, Nicolas Dufourcq. L'idée est de permettre à des projets privés identifiés de faire état de financements en France et, si besoin est, sur place via Proparco.

En revanche, le financement clés en main de type « crédit export » ne fait pas partie de notre palette. Si la France n'a plus de banque d'import-export, elle dispose de certains outils en matière de commerce extérieur. Mais cela ne fait pas partie du mandat de l'AFD.

L'AFD n'intervient pas en Libye, monsieur Dufau.

Concernant votre question sur les financements innovants, j'ai indiqué que c'était une source complémentaire utile pour financer les projets de développement. La taxe sur les billets d'avion et la taxe sur les transactions financières, par exemple, ont été conçues pour être pérennes et prévisibles. Pour cette raison, on les a « fléchées » sur des emplois très sociaux et pérennes, comme l'accès aux médicaments dans le cadre de la lutte contre le sida. Ces « filets sociaux mondiaux » doivent assurer une ressource durable, à l'abri des à-coups budgétaires. Ils restent des sources de financement complémentaires de ce que font les États. Il serait bon que chaque pays adhérant à ce système apporte une contribution supplémentaire.

Cela dit, j'aimerais que la part bilatérale soit un peu plus importante. Il y a quelques années, par exemple, il a été décidé que 5 % de la contribution française au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme seraient mis en oeuvre à titre bilatéral, notamment pour aider des pays jugés prioritaires par la France à mieux utiliser et absorber les montants alloués par le Fonds. J'avais à l'époque encouragé fortement l'initiative, indépendamment de la question de savoir qui la gérerait : en l'occurrence, ce n'est pas l'AFD mais France expertise internationale qui s'en est chargée. Si cela s'avère acceptable pour toutes les parties prenantes, je suggère que l'on passe de 5 à 10 %, soit la même proportion que les États-Unis.

Il existe assurément quelques marges dans ces domaines pour accroître l'action bilatérale en complément de l'action multilatérale. La France verse 360 millions d'euros par an au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, montant à comparer aux 217 millions de dons répartis entre les seize pays pauvres prioritaires et les autres pays en crise.

Notre pays a eu un rôle moteur dans la création du Fonds et nous devons en être fiers. À l'époque, les Anglo-Saxons excluaient l'idée de prodiguer des traitements au sud du Sahara : dans leur idée, il ne pouvait y avoir que de la prévention. La France s'est employée à démontrer le contraire, avec succès. Maintenant que nous avons joué ce rôle de pionnier, peut-être pourrions-nous déplacer un peu les curseurs.

Mais ce n'est pas moi qui en décide : les grands paramètres de la politique d'aide au développement sont essentiellement entre les mains des responsables politiques. Le Conseil d'administration de l'AFD s'exprime, il peut rejeter telle ou telle disposition, mais ce n'est pas lui qui fait la politique de l'AFD. Il approuve des orientations stratégiques qui lui sont proposées en application du contrat d'objectifs et de moyens. Les grands choix politiques reviennent, bien entendu, au Gouvernement et au Parlement.

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